Supprimer la TVA sur l’alimentation et les produits de base
Nous le constatons à chaque fois que nous passons à la caisse du supermarché : notre caddie est devenu terriblement cher. Comme mesure d’urgence, nous abaissons immédiatement la TVA sur l’alimentation et les produits de base à 0 % et réduisons ainsi le prix du caddie d’une famille moyenne de 488 euros par an.
Par « produits de base », nous entendons l’alimentation et les boissons non alcoolisées, les produits d’entretien comme la lessive et le liquide vaisselle et les produits d’hygiène personnelle comme le savon, le shampoing, les serviettes hygiéniques, les couches pour bébés, le papier toilette, etc.[1]
Pourquoi une TVA à 0 % sur l’alimentation et les produits de base est-elle nécessaire et possible ?
Légumes : +44 %. Produits surgelés : +35 %. Produits laitiers : +34 %. Produits d’entretien : +26 % . Pain et viande : +21 %. En deux ans, tout a augmenté.[2] Aujourd’hui, nous payons nos courses 25 % plus cher qu’il y a deux ans.[3] Les courses pèsent de plus en plus lourd dans le budget des ménages. Si de nombreuses familles avaient déjà du mal à joindre les deux bouts avant la crise énergétique, aujourd’hui, c’est le pouvoir d’achat de l’ensemble de la population qui est menacé. Une famille belge sur six se trouve dans le rouge à hauteur de 240 euros tous les mois. La moitié (55 %) atteint tout juste la fin du mois. Et un tiers seulement arrive à épargner.[4] Nombreuses sont les personnes à vivre de manière précaire alors qu’elles travaillent. De plus en plus de citoyens se tournent donc vers les banques alimentaires, leur nombre ayant augmenté de 27 % sous le gouvernement fédéral actuel dit de la Vivaldi.[5]
Selon Test-Achats, la baisse du prix des matières premières n’est pas suffisamment répercutée dans les prix à la consommation.[6] Le prix des huiles végétales a par exemple chuté de 51 % depuis mars 2022, mais les huiles de friture coûtent 37 % plus cher qu’à l’époque. Et si les céréales sont en moyenne 19 % moins chères sur les marchés internationaux, plus de la moitié des pâtes restent plus chères qu’en octobre 2022.
La suppression de la TVA sur l’alimentation et les produits de base permettrait de réduire considérablement le prix du caddie, à hauteur de 488 euros par an pour une famille moyenne.[7] Cette mesure d’urgence doit s’accompagner d’un contrôle des prix par l’Observatoire des prix[8] afin d’éviter que les supermarchés et les grosses entreprises de l’agro-alimentaire n’en profitent pour augmenter leurs marges bénéficiaires. L’histoire montre que c’est possible : grâce à un contrôle efficace des prix, la baisse de la TVA sur l’énergie (de 21 à 6 %) en 2014 a entièrement profité aux consommateurs.
Nous renforçons l’Observatoire des prix et lui donnons le pouvoir de contrôler les prix. S’il constate que la baisse de la TVA ne se traduit pas par une réduction des prix, nous lui permettons d’effectuer des contrôles. Et si cela ne conduit pas à une réduction des prix, le prix des produits de base doit pouvoir être bloqué. Nous travaillons donc par étapes : d’abord observer, puis contrôler et enfin bloquer en cas de besoin.
Le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS) préconisait une telle approche en septembre 2022 : il avait alors demandé à l’Observatoire des prix d’enquêter sur les prix et les marges des producteurs. En cas d’excès, un blocage des prix aurait été envisageable selon le PS à l’époque.[9] Mais cela n’a pas été plus loin : le ministre n’a permis à l’Observatoire des prix que d’observer et a refusé qu’il intervienne au moyen d’un véritable contrôle.
Notre pays pourrait s’inspirer de l’Espagne. Le gouvernement y a réduit la TVA sur les produits alimentaires de base (pain, farine, lait, œufs, fruits et légumes, pommes de terre, céréales) à 0 % et a diminué de moitié (de 10 à 5 %) la TVA sur les autres produits alimentaires (pâtes et huiles végétales).[10] Chypre a également réduit la TVA sur le lait, le pain, les œufs, le sucre, le café et les aliments pour bébés à 0 %. La TVA sur les produits de base (détergents, lessive, papier toilette, produits d’entretien) est quant à elle passée de 19 à 5 %.[11]
Pourquoi la baisse de la TVA est-elle une priorité pour nous ? La TVA est la taxe la plus injuste qui soit, car elle ne tient pas compte des revenus. Les familles à faibles revenus paient donc proportionnellement plus de TVA que les riches. L’économiste français Thomas Piketty a écrit : « Les taxes à la consommation sont dignes du 19e siècle, pas du 21e. [...] Une taxe indirecte comme la TVA est uniforme et égale pour tous. De manière générale, elle pèse donc plus lourdement sur les personnes à faibles revenus, car les personnes à revenus plus élevés ne consomment pas tout ce qu’elles ont. »[12]
La lutte du PTB pour un caddie abordable
En cas d’explosion des prix dans les supermarchés, on attend du gouvernement qu’il tente d’y mettre un terme. Le gouvernement fédéral de la coalition Vivaldi a pourtant fait le contraire. Il s’est penché sur une réforme fiscale pendant deux ans et, dans la proposition finale du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), la TVA sur l’alimentation et les boissons non alcoolisées était revue à la hausse : de 6 à 9 %. Le contraire de ce qu’il fallait faire. Seule la TVA sur les fruits et légumes, les couches et certains produits d’hygiène (serviettes hygiéniques, tampons, etc.) a été ramenée à 0 %. Face aux protestations, le ministre Van Peteghem a fini par inclure une réduction à 0 % de la TVA sur le pain, le lait et les œufs dans sa proposition.[13]
Cette proposition du gouvernement aurait rendu notre caddie encore plus cher. Elle a fort heureusement été enterrée. Mais elle montre qu’il est parfaitement possible de réduire la TVA sur l’intégralité de notre caddie. Car si l’on peut réduire la TVA sur les fruits et légumes, le pain, le lait et les œufs, on peut aussi le faire pour le reste.
Aujourd’hui, le PTB est le seul parti à demander la suppression de la TVA sur l’alimentation et les produits de base. Le Vlaams Belang, comme les partis au pouvoir, ne souhaite, lui, réduire la TVA que sur les fruits et légumes.[14] Notre demande de suppression de la TVA sur l’alimentation et les produits de base a été lancée par Raoul Hedebouw en 2023 lors de la Fête annuelle de la solidarité, ManiFiesta. Nos députés ont également déposé une proposition de loi[15] visant à réduire la TVA à 0 %. Il suffit juste de la voter.
Mais cela ne sera pas simple. Comme pour la réduction de la TVA sur l’énergie en 2014, la population va devoir exercer une pression suffisante. Lors de notre campagne visant à réduire la TVA sur l’énergie, nous avons recueilli plus de 300 000 signatures, jusqu’à ce que la pression soit si forte que le gouvernement n'ait plus d’autre choix que de réduire la TVA sur l’énergie de 21 à 6 %.
Questions fréquentes par rapport à la TVA à 0 % sur l’alimentation et les produits de base
« Cette mesure est-elle réaliste d’un point de vue financier ? »
La suppression de la TVA sur l’alimentation et les produits de base coûterait 2,46 milliards d’euros par an, soit beaucoup moins que la niche fiscale que constitue l’exonération de l’impôt sur les plus-values sur actions, qui coûte 4 milliards d’euros par an aux finances publiques. Pourquoi une petite minorité de riches ne paierait-elle pas d’impôts sur les plus-values de ses actions alors que les gens ordinaires paient 6 % ou plus sur leurs produits de base ? C’est injuste.
Nous inversons cette logique et proposons de financer la réduction de la TVA en supprimant cette niche fiscale. Les personnes qui profitent de la vente d’actions sans travailler pour cela doivent être, elles, taxées.
« Les supermarchés et les grosses entreprises de l’agro-alimentaire ne vont-ils pas profiter de cette réduction de la TVA ? »
Nous prenons des mesures d’accompagnement afin que les supermarchés et les grosses entreprises de l’agro-alimentaire ne puissent pas profiter de la réduction de la TVA pour augmenter leurs marges bénéficiaires. Nous accompagnons la réduction de la TVA d’un contrôle strict des prix par l’Observatoire des prix.
Une réduction de la TVA peut réellement faire baisser les prix si un tel contrôle est mis en place, comme le démontre la réduction de la TVA sur l’énergie en 2014. Une étude de l’université de Louvain-la-Neuve (UCL) a montré que cette baisse de la TVA avait pleinement profité aux consommateurs grâce aux contrôles stricts des prix réalisés par le régulateur public de l’énergie, la CREG.
L’étude conclut : « La totalité de la baisse de la TVA et, ensuite, la totalité de la hausse de la TVA ont été répercutées sur la facture des ménages. Ceci s’explique par une bonne concurrence sur le marché résidentiel de l’électricité ainsi qu’une régulation efficace dans le suivi des contrats des fournisseurs par la CREG. »[16]
« Les riches profiteraient davantage d’une baisse de la TVA car ils consomment plus ; les personnes vulnérables n’en profiteraient donc pas. »
Faux. Une TVA élevée frappe plus durement les personnes plus pauvres, qui consacrent proportionnellement une plus grande partie de leurs revenus à l’achat de denrées alimentaires et de produits de base. Ce sont les personnes à faibles revenus qui bénéficieraient le plus d’une baisse de la TVA, car les produits alimentaires et les produits de base pèsent plus lourd dans leur budget. L’économiste renommé Thomas Piketty est d’ailleurs très clair à ce sujet. Il qualifie les taxes indirectes sur la consommation comme la TVA de « taxes du 19esiècle ».
Nous finançons en outre la baisse de la TVA en supprimant une niche fiscale dont bénéficient actuellement les multinationales et les super-riches : l’exonération de l’impôt sur les plus-values sur actions.
« Une réduction de la TVA sur les produits de base n’est-elle pas contraire aux règles européennes ? »
La directive européenne relative à la TVA permet aux États membres de réduire à 0 % la TVA sur l’alimentation, les boissons non alcoolisées et les produits d’hygiène féminine.[17] Pour d’autres produits de base, cela n’est en principe pas autorisé, sauf en cas de situation de crise, où il est possible de s’écarter des règles européennes existantes. C’est ce qui s’est passé lors de la crise bancaire de 2008 et, plus récemment, lors de la crise énergétique. Nous sommes aujourd’hui en pleine crise du pouvoir d’achat. Cela justifie, selon nous, que notre pays réduise la TVA à 0 % sur d’autres produits de base également. Si les règles européennes peuvent être suspendues pour sauver les banques, elles doivent également pouvoir l’être afin de protéger le pouvoir d’achat.
« Ne vaut-il pas mieux réduire la TVA sur les fruits et légumes uniquement ? Autrement, cela encourage les gens à mal manger »
L’objectif de la réduction de la TVA que nous défendons: protéger le pouvoir d’achat des citoyens ou compenser au moins en partie les hausses de prix. Même avec une réduction de la TVA à 0 %, le prix de la plupart des aliments resterait beaucoup plus élevé qu’il y a deux ans.
Le ministre des Finances Van Peteghem (CD&V) souhaitait réduire uniquement la TVA sur les fruits et légumes tout en augmentant celle sur la viande et d’autres aliments. Cela aurait rendu notre caddie encore plus cher.
Nous nous opposons à l’utilisation de la TVA pour décourager la consommation de certains produits qui font partie de la vie quotidienne des familles. Il existe d’autres manières d’encourager les gens à manger plus sainement, comme des campagnes de sensibilisation dans les écoles ou les centres de santé locaux. Punir les gens financièrement n’est pas la solution.
« La réduction de la TVA va ralentir l’indexation »
S’opposer à une baisse de la TVA parce qu’elle aurait un effet sur l’indexation automatique des salaires est absurde. Selon ce raisonnement, les travailleurs devraient être satisfaits des hausses de prix puisque leurs salaires augmentent. Ce n’est pas logique. L’indexation des salaires ne compense pas la totalité de l’augmentation des prix. Le carburant ne fait en effet plus partie de l’index, par exemple. L’indexation des salaires est en outre décalée alors qu’une réduction de la TVA aurait un effet immédiat.[18] Enfin, la part de l’alimentation et des produits de base dans les dépenses des ménages à faibles revenus est plus importante que dans le « panier de la ménagère » sur lequel est calculé l’index. Pour eux, une réduction de la TVA aurait donc un effet plus important que l’indexation.
Et pourtant, le ministre des Finances Van Peteghem (CD&V) a répondu au député PTB Gaby Colebunders, qui l’interrogeait à la Chambre à propos d’une réduction de la TVA : « Une baisse de la TVA sur l’électricité retarde l’indexation des salaires. » Quel culot ! Il prétend se soucier des salaires alors que son gouvernement Vivaldi, avec les socialistes et les écologistes, les bloque en imposant une norme salariale et que son parti a appliqué un saut d’index sous le gouvernement précédent avec la N-VA et les libéraux…
Notes de bas de page
Les produits alimentaires, les boissons non alcoolisées et les produits d’hygiène féminine (tampons, serviettes hygiéniques,...) sont actuellement soumis à un taux de TVA de 6 %, à l’exception de la margarine qui est soumise à un taux de 12 % (contre 6 % pour le beurre) et de certains fruits de mer et crustacés (caviar, langoustes, homards, crabes, écrevisses et huîtres), qui sont taxés à 21 %. Un taux de 21 % s’applique à tout le reste (source : arrêté royal n° 20 fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux).
https://www.test-aankoop.be/familie-prive/supermarkten/pers/inflatie-december-2023
https://www.test-achats.be/famille-prive/supermarches/news/inflation-mensuelle
https://www.test-achats.be/famille-prive/supermarches/news/inflation-mars-2023
Estimation basée sur les chiffres de l’enquête sur le budget des ménages de 2020
https://economie.fgov.be/fr/propos-du-spf/organisation/observatoires/observatoire-des-prix
https://www.vatcalc.com/cyprus/cyprus-to-cut-vat-to-zero-on-essentials/
https://nieuws.kuleuven.be/nl/2015/thomas-piketty--een-taxshift-naar-consumptie-is-19de-eeuws
https://www.vlaamsbelang.org/nieuws/vlaams-belang-wil-btw-op-groenten-en-fruit-naar-0-brengen
Les possibilités d’appliquer des taux réduits (y compris un taux réduit de 0 %) sont énumérées à l’article 98 de la directive 2006/112 : « Le taux réduit inférieur au seuil minimal de 5 % et l’exonération avec droit à déduction de la TVA payée au stade antérieur ne peuvent être appliqués qu’aux livraisons de biens ou prestations de services couvertes par les points suivants de l’annexe III : (a) les points 1) à 6) et 10 quater) ; b) tout autre point de l’annexe III entrant dans le cadre des options prévues à l’article 105 bis, paragraphe 1 (= pour les produits auxquels un taux de TVA inférieur s’appliquait déjà avant le 1er janvier 2021, le taux de TVA inférieur peut être maintenu). » L’annexe III Liste des livraisons de biens et des prestations de services auxquelles s’appliquent les taux réduits et l’exonération avec droit à déduction visés à l’article 98 : 1) les denrées alimentaires (y compris les boissons, à l’exclusion, toutefois, des boissons alcooliques) destinées à la consommation humaine et animale, les animaux vivants, les graines, les plantes et les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ; les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires ; 3) les produits pharmaceutiques utilisés à des fins médicales et vétérinaires, y compris les produits utilisés pour la contraception et la protection hygiénique féminine, et les produits d’hygiène absorbants, etc. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02006L0112-20240101
Le gouvernement ayant bloqué les salaires et l’indice ne compensant pas entièrement la hausse des prix, un salarié a perdu en moyenne 3472 euros de salaire ces trois dernières années.