Migrations : s’attaquer aux causes qui poussent les gens à fuir
Nous voulons briser le grand tabou qui entoure le débat sur les réfugiés et la migration : s’attaquer aux causes qui poussent les gens à fuir leur pays, la guerre ou le pillage économique. Nous avons également besoin d’un véritable plan européen de répartition des réfugiés, respectueux du droit international. Le nouveau pacte européen sur la migration ne répond pas aux réels besoins. Une tout autre politique européenne est nécessaire.
Les migrations ont toujours existé. Les gens se déplacent, déménagent, trouvent l’amour ou le travail de leurs rêves dans un autre pays... Cʼest tout à fait normal. Aujourd’hui, de plus en plus d’autres raisons poussent les gens à émigrer. Ils n’ont souvent pas d’autre choix. En 2023, selon les Nations unies, 114 millions de personnes à travers le monde étaient des réfugiés. Un triste record. Ce chiffre cache d’innombrables récits de souffrance humaine : la guerre, l’oppression, la violence, les persécutions, la sécheresse, les catastrophes naturelles et le cercle vicieux de la pauvreté. Si leur accueil n’est pas géré correctement, cela engendre de nouvelles tragédies. Pour les réfugiés eux-mêmes, mais aussi pour l’environnement dans lequel ils se retrouvent.
Nous voulons briser le grand tabou qui entoure le débat sur les réfugiés : celui des causes qui les poussent à fuir leur pays. Tant que ces causes existeront, il y aura des réfugiés. Personne ne prend la décision de tout quitter sur un coup de tête. « Personne ne quitte sa maison, à moins d’habiter dans la gueule d’un requin », écrit la poétesse britannique Warsan Shire, qui a elle-même fui la guerre en Somalie avec ses parents.
Au niveau mondial, la guerre reste la principale cause d’exil des populations. En Belgique également, la plupart des demandeurs d’asile sont des réfugiés de guerre : les trois principaux pays d’origine sont la Syrie, l’Afghanistan et la Palestine. Les guerres qui font rage dans ces pays ont été au moins en partie causées ou exacerbées par les actions de la Belgique et de l’Union européenne. Si nous voulons réduire le nombre de personnes forcées de quitter leur pays, nous ne pouvons donc pas fuir ce débat.
Les réfugiés ne sont souvent que le révélateur de notre politique étrangère. Ces quinze dernières années, notre pays a participé à la guerre dévastatrice en Libye (qui a eu des conséquences désastreuses pour de nombreux pays africains comme le Mali, le Tchad et le Niger), a contribué à l’occupation militaire américaine de l’Afghanistan, a fourni des armes à l’Arabie saoudite pour équiper les groupes rebelles djihadistes en Syrie et a largué des centaines de bombes sur l’Irak et la Syrie. La Belgique a par ailleurs toujours entretenu des rapports avec le régime d’occupation israélien. L’armée belge a également été déployée dans diverses régions d’Afrique, notamment au Mali. En ce qui concerne les initiatives de paix, en revanche, notre pays s’est montré très peu actif.
Tous les partis traditionnels portent une part de responsabilité. Tous, à l’exception du PTB, ont voté pour le bombardement de la Libye en 2011. Et certains refusent d’en tirer les leçons qui s’imposent. Ces membres de la N-VA et du Vlaams Belang ainsi que ceux des partis d’extrême droite du reste de l’Europe qui soutiennent aujourd’hui la guerre d’Israël contre les Palestiniens, comme s’il s’agissait de défendre la « lumière », pousseront des cris d’orfraie contre les personnes qui cherchent à fuir l’enfer de Gaza pour se rendre en Europe.
Une politique étrangère axée sur la paix et la stabilité est non seulement plus juste, mais elle contribue également à réduire le nombre de personnes qui fuient. Nous n’avons nullement besoin d’envoyer des troupes ou des missiles à l’autre bout du monde pour assurer notre sécurité. Nous voulons appliquer le principe de non-ingérence en dehors de nos frontières. Nous cesserons par ailleurs toute coopération militaire avec les régimes qui mènent ou financent des guerres comme Israël en Palestine, l’Arabie saoudite au Yémen et le Rwanda dans l’est du Congo.
Nous axerons notre politique étrangère sur la médiation et le soutien aux négociations de paix régionales. Nous renforcerons le corps diplomatique professionnel : la diplomatie évite et met un terme aux guerres. Cette diplomatie reposera sur le droit international et respectera l’intégrité territoriale et la sécurité de tous les pays. Nous mettrons tout le poids de la diplomatie européenne au service d’un cessez-le-feu à Gaza et en Ukraine et nous nous appuierons là-dessus pour ouvrir de véritables négociations de paix. Nous respecterons l’égalité des nations en tant que base de la coopération entre les États et en finirons avec le « deux poids, deux mesures » de la politique européenne.
Plus loin dans le classement des dix premiers pays d’origine des demandeurs d’asile en Belgique, on retrouve cinq pays africains présentant des niveaux de pauvreté élevés. Après la guerre, l’absence de perspectives d’avenir et de moyens de subsistance est en effet la principale raison qui pousse les gens à quitter leur pays. Nous devons en premier lieu nous attaquer au pillage de l’Afrique et des autres régions du Sud global par les multinationales occidentales.
L’Union européenne et ses États membres participent au cercle vicieux de la pauvreté qui sévit dans de vastes régions d’Afrique. L’Union européenne finance par exemple directement la surpêche dans les eaux sénégalaises. En novembre 2020, le Parlement européen a approuvé le renouvellement de l’accord de pêche controversé entre l’UE et le Sénégal. L’UE subventionne à hauteur de milliards d’euros les contrats de pêche des grands bateaux français, espagnols et portugais pour leur permettre d’accéder aux eaux sénégalaises. Cette surpêche ne laisse guère de poissons aux locaux, qui n’ont en outre aucune chance face aux navires européens bien mieux équipés. Nombre d’entre eux sont donc forcés de suivre le poisson qui leur a été volé et de chercher en Europe des emplois leur permettant de survivre. Alors que l’Union européenne pille les mers du Sénégal, les Sénégalais n’ont que peu de chances d’obtenir l’asile et finissent le plus souvent dans l’illégalité. Nous voulons mettre un terme à cette hypocrisie européenne. Cela commence par une politique de pêche durable et respectueuse des pêcheurs locaux.
Autre exemple : celui de la multinationale néerlando-britannique Shell, qui effectue des forages pétroliers dans le delta du Niger, au Nigeria, depuis 60 ans. D’après la loi, les compagnies pétrolières sont tenues de nettoyer la pollution qu’elles engendrent, mais dans la pratique, Shell ne le fait pratiquement jamais. L’impact sur les populations locales est pourtant colossal : plus d’un million de personnes ont subi des dégâts dans leurs champs, leurs étangs de pêche et leurs habitats. Un rapport des Nations unies a été publié en 2011. Il demandait à Shell de nettoyer cette vaste zone polluée et d’indemniser les victimes. Mais Shell s’en moque éperdument. En 2020, une étude conjointe d’Amnesty et d’autres ONG a révélé que moins de 11 % des zones polluées identifiées dans le rapport de l’ONU avaient été traitées. Pratiquement aucune compensation n’a en outre été versée. En 2020, le Nigeria figurait parmi les dix premiers pays d’origine des réfugiés arrivant dans l’Union européenne : merci, Shell. Mais au lieu d’obliger la multinationale à prendre ses responsabilités, l’Union européenne la soutient encore un peu plus. Malgré un bénéfice record de 38,5 milliards d’euros en 2022, Shell a en effet reçu une subvention européenne de 150 millions d’euros en 2023. Le Premier ministre néerlandais sortant Mark Rutte serait intervenu personnellement. Ce n’est guère surprenant. Lors de l’investiture du cabinet Rutte III, quatre ministres avaient un un lien avec la compagnie pétrolière. L’impunité de Shell est typique de la façon dont nous, Européens, traitons les crimes commis par nos entreprises dans le Sud. La mentalité coloniale est encore bien vivante.
Nous voulons une politique commerciale qui protège la santé publique, le droit à l’alimentation, les conditions de travail, des salaires équitables et l’environnement. La transparence et le contrôle démocratique sont donc indispensables. Nous prévoyons des sanctions pour les multinationales européennes qui commettent des crimes dans le Sud global, en collaboration avec les autorités des pays concernés. L’accent sera mis sur la réparation des dommages et l’indemnisation des victimes. Nous œuvrerons en faveur d’une loi qui obligera les entreprises basées en Belgique à respecter l’”Agenda pour le travail décent” de l’Organisation internationale du travail (OIT) de l’ONU, pour l’ensemble de leur chaîne de production.
Pour se développer, les pays ont besoin de moyens. Nous respecterons l’engagement de consacrer 0,7 % du produit national brut (PNB) à la coopération au développement, une promesse faite par la Belgique et les autres pays riches en 1970 et une première étape pour remédier aux dégâts laissés par des décennies de pillage colonial. Cet engagement n’a malheureusement jamais été concrétisé.
Nous réaliserons par ailleurs un audit de la dette publique des pays pauvres. En effet, les pays du Sud doivent souvent rembourser des emprunts beaucoup trop lourds par rapport à leur produit intérieur brut. Comment un pays peut-il développer durablement son industrie et ses infrastructures si les ressources dont il dispose pour ce faire sont pillées ou détenues par des multinationales étrangères ? Un audit devra permettre de déterminer quelle partie de la dette est injuste, en répondant notamment à ces questions : l’emprunt a-t-il été contracté sous la pression de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international (FMI) ? A-t-il été souscrit par un dictateur ? A-t-il été conclu dans le contexte de la décolonisation ? L’annulation de cette partie de la dette serait un geste de justice, la réparation d’une injustice. Cette annulation de dette ne pourra pas être compensée par une réduction des budgets alloués à la coopération internationale.
Enfin, un nouveau type de réfugiés a fait son apparition il y a plusieurs années : les réfugiés climatiques. Alors que les pays du Sud sont historiquement les moins responsables du changement climatique, ils sont les premiers et les plus durement touchés par les sécheresses extrêmes, les ouragans de plus en plus violents, les pluies diluviennes qui provoquent des coulées de boue et d’autres catastrophes climatiques. De plus en plus de régions deviennent temporairement ou définitivement inhabitables. Rien qu’en 2022, on comptait 32 millions de réfugiés climatiques dans le monde. Dans un premier temps, ils restent généralement dans leur propre pays. Mais dans les régions déjà touchées par la pauvreté ou la guerre, ils sont de plus en plus nombreux à devoir fuir une seconde fois vers un continent plus sûr. En Afrique, par exemple, de nombreux réfugiés climatiques des pays du Sahel se retrouvent dans des pays de la Côte ouest comme la Gambie, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, qui abritent déjà beaucoup de réfugiés. Cela les pousse à aller plus loin, en Europe. Et nous ne voyons que la partie émergée de l’iceberg. Un rapport de la Banque mondiale estime à 216 millions le nombre de réfugiés climatiques d’ici le milieu du siècle.
En plus d’un plan réellement ambitieux et socialement juste de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous devons également aider, dès aujourd’hui, les pays du Sud à mieux se protéger contre les catastrophes climatiques.
Lors du sommet de Dubaï pour le climat 2023, il a été convenu de créer un fonds de solidarité international, mais les financements promis par les pays du Nord, États-Unis et Europe en tête, restent ridiculement bas. Afin de financer ce fonds, nous soutiendrons l’appel du Secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres en faveur d’une taxe mondiale sur les bénéfices des multinationales des énergies fossiles. Pour éviter que le Sud ne rate le train de la transition verte, nous exempterons les technologies vertes essentielles de toute propriété intellectuelle. Nous profiterons ainsi de cette transition pour réduire les inégalités à travers le monde plutôt que d’inaugurer une nouvelle ère de « colonialisme vert » qui entraînerait, entre autres, une augmentation exponentielle du nombre de réfugiés.
Les règles européennes (le « règlement de Dublin ») stipulent que le premier pays européen où les réfugiés posent le pied doit les accueillir. Dans la pratique, il s’agit généralement de l’Italie, de la Grèce et de l’Espagne. Mais ce règlement a montré ses limites. Dans de nombreux pays, les conditions d’accueil ne sont pas conformes aux normes, de sorte que les autres États membres ne peuvent pas renvoyer les « Dubliners » dans ce premier pays. En Grèce, plusieurs îles ont été transformées en prisons à ciel ouvert sous la pression de l’Union européenne afin d’empêcher les réfugiés de venir en Europe. Difficilement accessibles à la presse, les camps des îles grecques sont surpeuplés et les réfugiés y vivent entassés dans des conditions déplorables, sans aucun équipement de base comme l’eau courante. En Italie également, les conditions d’accueil sont totalement insuffisantes. Et l’année dernière, tout le monde n’a pas pu être accueilli à temps en Belgique non plus.
Une chose est claire : aucun pays de l’Union européenne ne peut à lui seul apporter une réponse aux personnes nécessitant une protection. Afin que tous ceux qui ont besoin d’une protection l’obtiennent, chaque État membre doit faire sa part. Nous sommes favorables à l’introduction d’un système obligatoire de répartition des demandeurs d’asile entre les États membres de l’Union européenne. Il n’est pas normal que la Grèce et l’Italie accueillent tous les réfugiés arrivant en Europe. Sans répartition équitable, des États membres comme la Hongrie sont récompensés pour avoir fui leurs responsabilités. Nous devons mettre fin à ces abus.
L’establishment européen prétend avoir trouvé la solution sous la forme du nouveau Pacte européen sur la migration (2023). Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), comme la plupart des partis de la Vivaldi, a exprimé son soutien et son enthousiasme pour ce pacte. Le pacte mentionne pour la première fois une clé de répartition, mais les pays peuvent « racheter » leurs quotas. Dans la pratique, l’accueil ne sera donc pas uniforme, mais dépendra d’un marchandage entre les États membres qui essaieront de tirer profit, politiquement ou financièrement, de la possibilité d’accueillir ou non des réfugiés.
S’il est néanmoins positif que le Pacte sur la migration tente pour la première fois d’unifier les procédures d’asile au sein de l’Union, la manière dont il le fait est inacceptable. Le pacte prévoit en effet de construire des centres de détention à grande échelle aux frontières extérieures de l’Europe. Les candidats demandeurs d’asile y seraient détenus en masse, en violation des droits humains européens... qui, si l’on en croit les auteurs du traité, ne s’appliquent pas en dehors du territoire de l’Union européenne. Une enquête rapide et donc inévitablement bâclée de quelques jours au maximum permettra de prendre une décision quant aux personnes ayant une chance d’obtenir l’asile et celles qui n’en ont aucune. Les personnes originaires d’une liste de pays jugés « sûrs » n’auraient aucune chance et seraient renvoyées directement. Le pacte contourne ainsi la disposition la plus fondamentale de la Convention de Genève, à savoir que tous les réfugiés ont droit à un traitement individuel de leur dossier. Ce n’est pas parce que l’Union européenne désigne un pays comme sûr (sur la base de critères déjà discutables) qu’il ne peut y avoir de cas individuels nécessitant une protection. L’expérience montre en outre que ceux qui veulent vraiment fuir trouveront toujours un moyen de le faire : si ce n’est pas légalement, ce sera par d’autres voies. En résumé : le nouveau Pacte européen sur la migration n’offre pas de véritables solutions mais poursuit la voie répressive de l’« Europe forteresse » qui nous a conduits à la situation actuelle.
Mais la faille la plus flagrante du Pacte européen sur la migration réside dans ce qu’il ne dit pas : les causes ne sont encore une fois jamais mentionnées. Toutes ces dispositions reposent sur l’hypothèse fictive selon laquelle les gens cesseront soudainement de fuir alors que les guerres, les privations économiques et les catastrophes climatiques ne font qu’augmenter. D’une main, l’Union européenne pille le Sud global et soutient les guerres en Afrique et au Moyen-Orient. De l’autre, elle repousse les populations qui fuient pour ces raisons. En ce sens, le Pacte sur la migration n’offre malheureusement rien de nouveau. L’espoir qu’une poursuite de la politique menée ces dernières décennies produira soudain des résultats différents n’est pas sérieux.
Depuis les années 1990, la politique migratoire de l’UE est de plus en plus axée sur la surveillance, l’édification de murs et les refoulements. Les migrants et les réfugiés sont de plus en plus souvent refoulés à la frontière sans que l’on vérifie s’ils ont droit à l’asile. Cela s’accompagne presque toujours de violences, qui peuvent parfois entraîner la mort. Depuis 2014, l’ONU a dénombré plus de 27 000 décès dans la seule Méditerranée. Le nouveau Pacte européen sur la migration ne fera qu’engendrer de nouvelles tragédies, comme celle des 600 réfugiés qui se sont noyés lorsque les garde-côtes grecs les ont abandonnés sur un bateau en perdition en juin 2023. Ou comme celle des 23 personnes tuées par des agents de sécurité lors d’une émeute dans un centre de détention de Melilla, l’enclave espagnole au Maroc. Voilà ce que la détention aux frontières extérieures signifie dans la pratique. La construction de clôtures et de murs n’est pas la solution. Son coût financier et humain est considérable, et cela ne fera aucunement diminuer le nombre de personnes souhaitant venir ici. Ces dernières prendront juste plus de risques.
Selon le sociologue et expert en migration Hein De Haas, la combinaison de la demande de main-d’œuvre bon marché et de la politique de plus en plus répressive de l’Union européenne est la principale cause de l’augmentation du nombre de sans-papiers : « Depuis les années 1990, la demande soutenue de main-d’œuvre immigrée dans les secteurs de l’agriculture, de la construction et des services dans les pays de destination ne s’est pas accompagnée de possibilités suffisantes de migration légale. Au contraire, des efforts ont été déployés pour empêcher l’arrivée de travailleurs migrants. Cela s’est fait principalement par l’introduction d’exigences en matière de visa pour les travailleurs migrants qui étaient auparavant libres d’aller et venir, ainsi que par l’intensification des contrôles aux frontières. L’écart croissant entre la demande de main-d’œuvre et la politique frontalière a conduit un nombre croissant de migrants à franchir la frontière illégalement ou à rester après l’expiration de leur visa ou de leur permis de travail ». C’est également dans ce contexte que le phénomène de la traite des êtres humains prospère. La mise en relation de la demande des entreprises occidentales et de l’offre de personnes désireuses de fuir est devenue un véritable business.
Nous préconisons la mise en place de procédures européennes sûres et légales afin que les réfugiés puissent demander l’asile en toute sécurité. C'est le seul moyen de lutter efficacement contre la traite des êtres humains, de mettre fin aux noyades en Méditerranée et de respecter le droit d’asile. Cela pourrait se faire par le biais du mécanisme de réinstallation, par exemple : les réfugiés de guerre qui demandent l’asile dans un pays tiers (par exemple les réfugiés syriens au Liban) pourraient être transférés vers différents pays européens selon une clé de répartition équitable. Ce serait la fin du trafic d’êtres humains, des traversées mortelles, des grandes foules arrivant dans les pays du sud de l’Europe et des groupes de migrants errant sous les radars à travers l’Europe en quête de l’asile.
Dans certains cas, le statut de protection temporaire permet de créer une voie sûre. Il s’agit d’une procédure européenne spéciale en cas d’afflux massif de personnes déplacées, avec mise en œuvre d’un plan de répartition solidaire. Grâce à ce statut, les Ukrainiens ont pu fuir en toute sécurité la violence de la guerre et bénéficier automatiquement d’une protection, d’un abri et d’un accompagnement. La procédure existe depuis 2001 mais n’a été utilisée pour la première fois que lors de la guerre en Ukraine. Et ce, alors que les Syriens, les Palestiniens et les Afghans fuient eux aussi la guerre et que le danger et la misère y sont aussi réels qu’en Ukraine. Cette différence de traitement est inacceptable. Nous nous opposons à ce « deux poids, deux mesures ».
La Convention de Genève relative au statut des réfugiés est le texte fondamental dont découle le droit d’asile. Ce droit est également inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ces deux textes sont une réponse aux leçons tirées de la Seconde Guerre mondiale et de la victoire sur le nazisme. Des millions de personnes, dont de nombreux Belges, ont en effet dû fuir à l’étranger dans les années 1930 et 1940 afin d’échapper à la guerre et au fascisme.
La Convention de Genève garantit que les personnes fuyant des persécutions en raison de leur nationalité, de leur religion, du groupe social auquel elles appartiennent ou de leurs opinions politiques doivent être reconnues comme des réfugiés et bénéficier d’une protection. La Convention européenne des droits de l’homme de 1950 découle elle aussi de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants, par exemple en cas d’expulsion, et consacre le droit à la vie familiale. Le principe de « non-refoulement » est un critère important pour déterminer qui peut être renvoyé ou non. Le renvoi d’une personne vers un régime où elle risque d’être persécutée est illégal selon ce principe.
Nous défendons cet héritage humain fondamental face aux politiques qui cherchent aujourd’hui à s’en prendre une nouvelle fois aux droits humains. N’importe qui – y compris en Belgique, l’histoire nous l’enseigne – peut un jour avoir besoin du droit d’asile pour échapper à la persécution.
Les réfugiés sont utilisés comme des épouvantails pour faire peur aux gens. C’est le « diviser pour mieux régner ». Les attaques contre le droit d’asile et la limitation des droits fondamentaux des réfugiés constituent un danger pour tous. S’attaquer aux droits humains de certains est souvent le prélude à une attaque contre les droits humains de tous. Pensons à la crise de l'accueil, qui a pris une ampleur sans précédent sous la politique du cd&v. Pour cela, le gouvernement a été condamné plus de 8 600 fois par le tribunal du travail, puis par le tribunal de première instance. Le juge s’est montré particulièrement sévère à l’égard des politiques du gouvernement : « Cette situation est inacceptable, car elle menace l’un des fondements de l’État de droit ». La violation des droits des personnes en fuite constitue en effet un dangereux précédent. En principe, l’État de droit doit nous protéger de l’arbitraire. S’il est remis en cause, nous sommes tous en danger.
En matière de droits fondamentaux, le nouveau pacte européen sur la migration soulève de grandes questions. Par exemple, le nouveau règlement relatif à la procédure d'asile sape l'obligation d'accueil. Ce même règlement risque par ailleurs de conduire à la détention massive d'enfants et de familles.
Les partis de droite font croire que les demandeurs d’asile et les réfugiés reconnus reçoivent un soutien excessif, et demandent que ces droits soient restreints. Mais la vérité est tout autre. S’il ne peut pas encore gagner d’argent de manière indépendante, le demandeur d’asile a droit à une aide minimale. Il s’agit du gîte et du couvert et d’une modeste allocation d’adulte de 9,70 euros par semaine pour toutes les autres dépenses pendant la durée de la demande d’asile. Si sa demande est acceptée, le demandeur d’asile se voit accorder le statut de réfugié reconnu. Il doit alors quitter le centre d’accueil et a désormais les mêmes droits et obligations que tout citoyen. S’il ne trouve pas directement un emploi, il n’a pas droit, comme toute personne ayant travaillé trop peu de jours, aux allocations de chômage et ne peut s’adresser qu’au CPAS pour obtenir un revenu d’intégration. Nous nous opposons aux attaques contre ces droits fondamentaux minimaux.
Ces attaques ne proviennent pas uniquement de la droite et de l’extrême droite. Vooruit souhaite par exemple réduire les allocations aux réfugiés en dessous du revenu d’intégration. Une telle politique serait une régression et monterait les gens les uns contre les autres. Et une telle attaque contre les droits des réfugiés, qui ne peuvent pas se défendre, est généralement le prélude d’une remise en question de ces mêmes droits pour tout le monde. Lorsque le président de Vooruit de l’époque, Conner Rousseau, a présenté le plan de son parti visant à réduire les droits des réfugiés reconnus, il a également ciblé les malades de longue durée (« Ils doivent guérir et retourner au travail ») et les mères au foyer (car « elles utilisent aussi nos routes, non ? »). Cela démontre qu’une attaque contre les droits sociaux que nous avons acquis de haute lutte en Belgique ne vient jamais seule. Nous refusons d’entrer dans ce petit jeu. Nous défendons tous ceux qui appartiennent à la classe travailleuse.
L’hiver dernier, quelque 2 500 demandeurs d’asile ont dormi dans les rues de Bruxelles, selon les organisations humanitaires. Non parce qu’ils le voulaient, mais parce que le gouvernement en a décidé ainsi. La secrétaire d’État Nicole De Moor (cd&v) n’ayant pas pu fournir une capacité d’accueil suffisante, elle a décidé en août 2023 que les hommes célibataires n’auraient plus de place dans les centres d’accueil jusqu’à ce qu’un nombre suffisant de places soit trouvé. Une violation flagrante de la Convention de Genève qui a été vivement critiquée par la Ligue des droits humains, entre autres.
Chacun a le droit de vivre avec son partenaire, ses enfants, ses parents, etc., quelle que soit l’origine de ces personnes. Le droit à la vie familiale est pourtant de plus en plus attaqué. Les partis de droite, mais aussi Vooruit, appellent à un durcissement du regroupement familial. La Belgique a déjà été mise en cause à plusieurs reprises pour sa politique trop stricte. Chaque année, quelque 2000 à 3000 réfugiés arrivent ici dans le cadre du regroupement familial. Il ne s’agit donc que d’un petit groupe de personnes. Les seuils actuels obligent déjà les gens à vivre séparés beaucoup trop longtemps. Le nouveau pacte européen sur la migration ne garantit même pas qu'en cas de relocalisation, une personne se retrouvera dans le même pays que son frère ou sa sœur. Une situation totalement injuste qui a également des répercussions négatives sur leur intégration.
Les accords migratoires avec des pays comme la Turquie, la Tunisie et la Libye ne font certainement pas partie de la solution. Les réfugiés y sont entassés dans des camps surpeuplés et une grande partie des enfants ne vont pas à l’école. En Libye, les réfugiés sont contraints de travailler comme esclaves. La mise en œuvre de ces accords revient à organiser des refoulements, ce qui constitue une violation des droits humains. Souvenons-nous des expulsions vers le désert en Tunisie. Des centaines de personnes y ont perdu la vie. Nous n’oublierons jamais les images de Marie, six ans, et de sa maman. C’est pourquoi nous nous opposons à ces accords. De plus, l’Union européenne subventionne ainsi des gouvernements pas toujours très soucieux des droits humains et syndicaux, ce qui freine les luttes sociales et démocratiques.
Nous nous opposons au renforcement permanent et à la militarisation de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). Les organisations de défense des droits humains dénoncent depuis des années l’opacité de Frontex, les bases de données qui y sont associées et les violations des droits humains. En 2022, le directeur de Frontex a dû démissionner à la suite d’un rapport accablant de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Ce rapport a montré, entre autres, que Frontex avait pris part à des refoulements illégaux en Méditerranée et en mer Égée, qui ont ensuite été dissimulés.