Contre les taxes punitives, pour le climat et pour l’énergie verte et bon marché
Une Europe qui rend l'énergie abordable et durable ? C'est possible. L'énergie est un besoin de base, pas une marchandise sur laquelle les multinationales de l'énergie peuvent spéculer pour réaliser des milliards d'euros de surprofits. Nous baissons et bloquons les prix de l'énergie et accélérons la transition vers les énergies renouvelables. Comment ? En prenant le secteur de l’énergie en main. Ce sera bénéfique pour le climat et excellent pour notre portefeuille.
En 2022, les prix de l’énergie ont explosé : essence, électricité, gaz… Les factures augmentaient et ça ne semblait jamais s’arrêter. Début 2023, l'énergie était plus chère en Belgique que dans tout autre pays d'Europe occidentale. Partout en Europe, les factures restent impayables et les prix imprévisibles. Plus qu’à la guerre en Ukraine ou au coût de production de l’électricité, et contrairement à ce que les dirigeants européens et les multinationales veulent faire croire, l’augmentation des prix était avant tout liée à la recherche des profits des entreprises qui détiennent la plupart des infrastructures de production.
Même au plus dur de la crise énergétique, soucieux de protéger les multinationales, Charles Michel (Président du Conseil européen) et Ursula Von der Leyen (Présidente de la Commission européenne) ont laissé les gens dans le froid au lieu de taxer les profits et bloquer les prix. Les dirigeants européens ont mis des mois avant de s’accorder sur un plafonnement du prix du gaz et de l’électricité, qui était finalement tellement haut qu’il ne serait jamais appliqué. Avec ses 30 000 euros par mois, la Présidente de la Commission européenne n’a jamais de difficulté à payer une facture. Elle est complètement déconnectée de la réalité des travailleurs. Le PTB était présent au Parlement européen pour ramener les pieds sur terre aux dirigeants européens.
Aujourd’hui, l’unité de production d’électricité la plus chère fixe le prix pour l'ensemble du marché. L'article 38 du Règlement 2015/1222 demande que le prix de l'électricité repose sur le principe de la tarification marginale et que toutes les offres acceptées auront le même prix. Peu importe le moyen de production, le prix du Mégawattheure en bourse est aligné sur le coût de fonctionnement de la dernière centrale mise en route pour assurer l'équilibre du réseau, la plus chère donc. La source d’électricité la plus chère, c’est le gaz. Alors, les prix de l’électricité sont alignés sur ceux du gaz.
Lors de la réforme du marché de l’électricité lancée par la Commission européenne le 14 mars 2023, le PTB a défendu qu’il fallait sortir les prix de l’électricité de cette logique de marché, d’instaurer des tarifs réglementés, de reconnaître l’énergie comme un bien commun ou encore d’interdire les déconnexions des foyers. Mais comme ces mesures ne rendent pas service aux grandes multinationales de l’énergie, les partis traditionnels ont décidé de les ignorer. Les prix continuent de dépendre de systèmes basés sur de la spéculation, et protègent les géants au lieu des gens.
La réforme du marché de l’électricité ne permet des contrats de long terme que pour les très gros utilisateurs d’électricité… les multinationales, donc. Les petits consommateurs vont se voir proposer des tarifications dynamiques. Deux poids, deux mesures : des tarifs fixes pour les gros, de l'instabilité des prix pour les petits Les factures des gens ne doivent pas être un terrain de jeu pour les traders et les actionnaires. La logique de marché sur laquelle repose le marché de l’électricité européen encourage la généralisation de contrats dits « spot », c'est-à-dire des contrats à très court terme et dépendant de paramètres boursiers. Avec l’aide de notre régie publique, nous généraliserons plutôt les contrats fixes de long terme pour tous, afin que les fins de mois soient un peu plus prévisibles.
Pour rendre l'énergie abordable, nous devons prendre les devants et bloquer ses prix. Nous voulons que les prix soient stables et bas pour tous. Nous bloquerons les prix au niveau européen. Nous financerons ce blocage des prix avec le produit de la taxe sur les surprofits. C'est ainsi que nous ferons payer la crise aux multinationales de l'énergie et non aux citoyens ou aux gouvernements.
Le Parlement européen n’a jamais voulu instaurer une vraie taxe sur les surprofits malgré les propositions en ce sens formulées par le PTB et La Gauche. La Commission européenne n’a fait que renvoyer la balle dans le camp des États membres, et plusieurs pays ont déjà pris l'initiative d'instaurer une taxe sur les surprofits. Dans la réforme sur le marché de l’électricité adoptée récemment, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne sont arrivés à un accord qui ne permet pas de taxer les surprofits des multinationales de l’énergie. Un scandale. Nous encouragerons les États membres à taxer les surprofits des multinationales. Cet argent devra être redirigé vers des investissements publics qui respectent de hauts standards sociaux et environnementaux. Ces projets publics seront approuvés de manière démocratique.
Nous bloquerons les prix du gaz sur le long terme. Pour cela, nous supprimerons les bourses du gaz au niveau européen et reviendrons à des contrats à long terme négociés entre l'UE et les pays producteurs. Les pays européens qui achètent encore de grandes quantités de gaz dans le cadre de contrats à long terme, et qui se passent des bourses, en voient les avantages. Ils paient quatre fois moins que les pays qui ont donné la priorité aux contrats à court terme.
Aujourd’hui, les interconnexions créées entre pays sont développées pour permettre à l’électricité ou au gaz de circuler et aux grandes multinationales du secteur de les vendre au prix du marché. En réalité, nous n’avons pas besoin du marché pour échanger de l’énergie. Environ 30 % du gaz européen est acheminé par des gazoducs en provenance de Norvège. C'est le seul moyen pour la Norvège d'exporter son gaz vers l'Europe, ce qui nous donne un levier conséquent pour exiger un prix plus bas. 40 % du total est représenté par le gaz naturel liquéfié (GNL) importé par bateau, principalement des États-Unis et du Qatar, qui réalisent d'énormes surprofits aux dépens des Européens. Là encore, nous devons engager un bras de fer. Ou regardons la Suisse qui ne fait pas partie du marché européen de l’énergie. Les échanges et prix de l’électricité entre la Suisse et les pays de l’Union européenne font l’objet d’accords bilatéraux entre pays, négociés hors marché. C’est d’ailleurs comme cela que les échanges aux frontières étaient régulés dans l’Union européenne avant la libéralisation.
L’Union européenne ne veut plus que les États utilisent des mécanismes de régulation du marché. Les échanges d’énergie existaient bien avant que le marché européen ne soit mis en place, et continuent d’exister en parallèle. Un nombre limité de pays, par exemple en France, en Belgique, au Portugal et en Espagne, pourraient très bien décider de sortir du marché de l’énergie européen. Nous voulons des entreprises publiques qui fixent leurs prix selon le coût de production. En Belgique, c’est ainsi que les prix de l'électricité étaient fixés avant la libéralisation du secteur de l'énergie. Afin de garantir un contrôle efficace sur ces prix, nous mettrons en place une régie publique de contrôle de l’énergie au niveau européen.
En s’enfermant dans une politique incapable d’enclencher une transformation du fonctionnement des plus grands pollueurs, les gouvernements se tournent vers des mesures qui font porter la responsabilité sur les consommateurs et sur leur portefeuille. C’est la logique de la taxe carbone : rendre les produits « polluants » plus chers pour inciter à changer la consommation. Cette politique est inefficace, puisqu’elle ne touche pas aux méthodes de production. De plus, elle est injuste, puisqu’elle cible en premier lieu les travailleurs et leurs familles en augmentant le coût de la mobilité, du chauffage ou de la nourriture ; alors qu’en même temps, on ne leur donne pas les moyens d’isoler leur maison, de se déplacer autrement ou d’acheter d’autres produits. Au niveau européen, cette taxe carbone, c’est l’ETS 2. L’idée ? Étendre le marché du carbone européen aux émissions liées aux carburants des voitures ainsi qu’au gaz et au mazout de chauffage. Une taxe carbone qui coûtera cher aux ménages. Le Fonds social pour le climat de l’Union européenne ne compense pas du tout cette hausse. Le PTB s’est opposé à cette nouvelle taxe carbone, qui a été votée par le PS et Vooruit, Les engagés et le cd&v, les MR et l'Open Vld ainsi que les écologistes francophones.
La transition énergétique se joue aussi sur les économies d’énergie au niveau des bâtiments. Les passoires énergétiques composent 35 % des bâtiments en Belgique. Dans beaucoup de pays européens, la situation n’est guère meilleure. Plutôt qu’une nouvelle taxe carbone, nous instaurerons un système de tiers-payant pour l’isolation, pour que les gens qui ne peuvent se le permettre n’aient pas à avancer d’argent. La directive sur la performance énergétique des bâtiments, votée en 2023, ouvre la porte à cette possibilité. Nous voulons rendre contraignante cette option et interdire toute autre solution qui ferait porter l’investissement de la rénovation aux travailleurs. Nous refusons systématiquement les textes qui obligent les travailleurs à payer. Les gens ont raison d’être en colère contre ça. Pour changer de cap, nous faisons confiance au modèle de banques publiques d’investissements, et nous utiliserons la Banque européenne d’investissement, pour la rediriger vers des projets uniquement publics. Au lieu d’imposer à tous l’achat de pompes à chaleur comme tente de le faire la directive européenne sur les énergies renouvelables, nous proposons de couvrir ces coûts via des banques publiques et des prêts à taux zéro.
Les politiques punitives et inefficaces ne se limitent d’ailleurs pas à la taxe carbone. À partir de 2035, aucune nouvelle voiture à essence ou diesel ne pourra être vendue dans l'Union européenne, une mesure soutenue par tous les partis traditionnels, à laquelle le PTB s’est opposé. Les seules voitures acceptées seront des voitures qui n'émettent plus de CO². On parle évidemment surtout de voitures électriques, qui coûtent en moyenne 40 % plus cher. Cette décision d’aujourd’hui s’inscrit dans la stratégie de la Commission européenne qui veut créer un grand marché « vert » pour les voitures électriques, au lieu d’œuvrer à développer des transports publics durables et de qualité (le contraire des politiques actuelles donc). On a besoin de politiques sociales pour le climat, pas de politiques qui ne font que s'en prendre aux gens.
Dire aux travailleurs qu’ils devront tous s’acheter une belle voiture électrique, c’est facile quand on gagne autant qu’un député européen. Puis, il y a la grande pollution environnementale que la construction de la voiture électrique comporte.
Bien sûr, le statu quo avec les voitures thermiques est intenable, et il faut agir sur le secteur des transports car c’est l’un des plus polluants. La directive européenne sur la pollution de l’air s’en inquiète. À raison. Mais pour améliorer la qualité de l’air, il faut repenser la mobilité de manière urgente, pas reporter le problème sur les travailleurs. Cette directive pousse aveuglément au passage à l’électrique. Il encourage aussi à mettre en place des zones payantes dans les villes et sur les routes (taxe kilométrique), de façon à ce que les gens soient obligés de payer pour aller travailler avec leur voiture, même quand il n’y a pas d’autre choix. Pour la Belgique, la Ligue des Familles a calculé que cela coûterait plusieurs centaines d’euros par an à de nombreuses familles. Et, cerise sur le gâteau, sous pression du lobby des multinationales automobiles, l’ambition réelle pour vraiment limiter les émissions est faible. Pire encore, on retrouve des amendements « Ferrari » qui excluent les fabricants de voitures de luxe de ces limites. Il faut une véritable alternative qui offre une solution avec une mobilité repensée, y inclus des transports publics collectifs performants.
En matière de voiture électrique, nous proposons de nous inspirer du modèle développé par la CGT pour Renault : viser la production de petits véhicules électriques recyclables, accessibles pour les travailleurs et qui préservent l’emploi dans l’entreprise et chez ses sous-traitants. Dans le même temps, on a besoin de plus de trains, de trams, de bus, de vélos (électriques) qui pourraient être produits par (une partie) des travailleurs du secteur automobile, avec des garanties de formations et de préservation des revenus pour eux.
Dans son rapport de 2023, l’Agence européenne de l’Environnement évalue les politiques environnementales et climatiques de l’Union européenne. Le constat est sans appel, sur 28 indicateurs chiffrés que l’Union s’est engagée à atteindre en 2030, seuls 5 seront atteints de manière « très probable » et 3 seront atteints de manière « probable mais incertaine ». Des objectifs essentiels concernant « l’augmentation des puits de carbone », la réduction de consommation d’énergie ou le recyclage des matériaux ne seront « très probablement » pas atteints. Les objectifs de consommation d’énergie renouvelable – fixé à 42,5 % d’ici 2030 – ou d’utilisation des bus et des trains seront quant à eux « probablement non atteints ».
Les énergies renouvelables constituent le moyen le moins cher de produire de l'électricité, une fois que l’investissement d’infrastructure est réalisé. Mais c'est le paradoxe du marché européen de l'énergie : un passage trop rapide aux renouvelables menace les futurs profits des centrales au gaz, au pétrole et au charbon. Malgré l’adoption de la stratégie européenne de l’éolien offshore, qui vise à atteindre une puissance installée de 60 GW en 2030 et de 300 GW en 2050, un objectif que le PTB soutient, les investissements dans l’énergie éolienne en Europe en 2022 ont atteint leur plus bas niveau en plus de dix ans. Les surprofits réalisés par les multinationales de l'énergie n'ont pas été investis dans les énergies renouvelables. Elles les ont utilisés pour distribuer des dividendes faramineux et investir encore davantage dans le pétrole et le gaz. Avec les investissements actuels, le projet de faire de la Mer du Nord une grande centrale éolienne n’arrivera pas à la moitié de ses objectifs pour 2030.
Mais l’Union européenne s’acharne à poursuivre ses recettes d’octroi de subsides aux entreprises privées et de dérégulation sans trop se poser de questions sur pourquoi les progrès sont insuffisants. Pire encore, sous influence des lobbies, l’Union européenne a même décidé de considérer le gaz et le nucléaire comme énergie de transition. Les grands pollueurs bloquent la transformation de notre société et en tirent des profits historiques. Et ils reçoivent même de l’argent public pour cela.
La guerre en Ukraine nous a amenés à créer une nouvelle dépendance au gaz de schiste américain, très polluant, à coups de milliards d’investissements publics dans des infrastructures qui nous enferment pour des décennies encore dans les énergies fossiles et leur prix élevé. L’Agence américaine d'information sur l’énergie prévoit que la production de pétrole du pays se maintiendra à son niveau actuel jusqu’en 2050 au moins, tandis que la production de gaz continuera à augmenter. Avec comme objectif de la vendre dans le monde entier. En Belgique, les gouvernements ont débloqué des centaines de millions pour construire de nouvelles centrales au gaz. Le remplacement du gaz russe par des fournisseurs comme Israël, qui mène une colonisation violente et illégale de la Palestine, montrent que la nouvelle politique n’est pas plus éthique. Les travailleurs payent, le climat trinque et les monopoles polluants s'enrichissent.
Malgré ces échecs, aucune grande famille politique ne remet en cause le marché. Il est urgent de faire le choix d’une énergie 100 % renouvelable. Pour articuler notre plan européen avec notre plan national, nous mettrons en place une plateforme de coordination des entreprises publiques nationales au niveau européen. Un pays densément peuplé comme la Belgique ne sera jamais en mesure d’être entièrement autosuffisant en énergies renouvelables. Nous devons unir nos forces à celles des autres pays situés autour de la mer du Nord et en Europe. Sur base de l’expérience danoise et son entreprise publique par exemple, nous organiserons le transport de l’énergie située en mer du Nord sur le continent, et son stockage, pour le répartir entre les régions dans le besoin. Mais pour cela, il faudra une coordination publique au niveau européen.
Aujourd'hui, les monopoles de l'énergie perçoivent d’énormes subventions pour développer l’hydrogène. Nous risquons de reproduire ce qui s'est passé avec le gaz, le pétrole ou l'énergie nucléaire. Les coûts et les risques sont publics, alors que les futurs profits bénéficieront aux actionnaires. L'Europe sera à nouveau dépendante d'une source d'énergie, provenant d'Afrique et du Moyen-Orient, où la population locale sera laissée pour compte, car tous les bénéfices profiteront aux multinationales et à une petite élite locale. Nous encadrerons fortement son développement et ne financerons que de l’hydrogène 100 % vert.
Au Parlement européen, la majorité des eurodéputés préfère défendre les intérêts des multinationales, et donc laisser de côté les recommandations officielles. Nous travaillerons main dans la main avec les syndicats et la société civile, et mettrons leurs recommandations au cœur de la politique énergétique lors de l’élaboration de la législation. C’est seulement de cette manière que nous limiterons au maximum les dégâts du dérèglement climatique, qui se font déjà sentir partout en Europe, comme en Belgique avec les inondations ou en Italie, Grèce ou Espagne avec des feux dévastateurs.
En Belgique, les vingt plus grands émetteurs privés de gaz à effet de serre représentent un tiers des émissions du pays. Ce sont des géants de l’énergie, de la pétrochimie ou de l’industrie. Plus fort, quatre multinationales, ExxonMobil, ArcelorMittal, BASF et TotalEnergies, sont responsables de 20 % des émissions. À elle seule, la sidérurgie européenne représente 6% des émissions de l’Union. Pour atteindre nos objectifs climatiques, en plus d’investir dans le logement, la mobilité ou l’énergie, nous devons réduire les émissions de ces pollueurs géants. Sans que cela ne retombe sur le dos de leurs travailleurs avec la mise en danger de leur emploi ou via des augmentations de prix. Car ces grandes entreprises ont les moyens de prendre en charge leur transition. Elles dégagent des milliards de profits. Il s’agit de les contraindre à investir, dans d’autres façons de produire, sur leurs sites belges et européens.
Jusqu’ici, la stratégie de l’Union européenne envers les grands pollueurs ? Créer un marché européen du carbone, le système ETS. Chaque entreprise reçoit un plafond qui limite la quantité de gaz à effet de serre qu’elle peut émettre sous forme de quotas d’émissions échangeables sur un marché. Les entreprises qui restent sous le plafond peuvent vendre leurs quotas d’émission excédentaires à celles qui dépassent cette limite. Chaque année, l'UE réduit légèrement le volume de quotas d’émissions dans le but d'inciter les entreprises à devenir plus vertes. Mais ce système est un échec, car sa logique pousse finalement à investir dans des solutions à court terme en réduisant les investissements au strict nécessaire pour que le coût des quotas d’émissions n’augmente pas trop. Par exemple en économisant un peu d’énergie dans le processus de production pour ne pas devoir acheter de quotas de CO2 plutôt que d’investir dans une nouvelle manière de produire qui serait complètement décarbonée. Par contre, ce marché rapporte gros aux grands pollueurs qui font du chantage à la délocalisation pour recevoir des quotas gratuits. Ils peuvent ensuite les revendre pour obtenir des subsides publics inconditionnels pour leur transition verte. Comble du cynisme, pour des géants comme ArcelorMittal, fermer des usines et vendre les droits d’émissions de gaz à effet de serre non utilisés peut même rapporter gros. Depuis la création du marché en 2005, l’entreprise a tiré près de 2 milliards d’euros de la vente de quotas inutilisés. C’est alors « le pollueur qui est payé ». Le marché du carbone est aussi un nouveau terrain de chasse pour les traders. Un article récent du journal Le Monde révèle que 80 % des transactions sur le marché du carbone européen sont purement spéculatives. Une spéculation loin d’être anecdotique, puisque le marché du carbone européen a enregistré près de 700 milliards d’euros d’échanges en 2021.
La révision du système ETS, votée au Parlement européen en 2022, n’a pas changé sa philosophie générale. Pire, l’allocation de quotas gratuits aux entreprises les plus polluantes reste en place jusqu’à 2032. Tous les partis traditionnels ont soutenu la mesure. Les multinationales se frottent les mains. Pourtant, rien qu’en 2022, l’Allemagne a accordé 1,7 milliards d’euros de subsides au secteur de l’extraction et de la production d’électricité à base de charbon, alors que 6 des 10 plus grands pollueurs de toute l’Union européenne sont actifs dans ce secteur. Et il a augmenté ses émissions de CO2 de 7 % en 2022 par rapport à l’année précédente. Subventionner les plus gros pollueurs européens est la garantie qu’ils ne changeront rien à leur manière de travailler, c’est l’exact inverse de ce qu’il faut faire.
Le marché ETS garde le soutien de l’ensemble des partis traditionnels mais aussi de la N-VA. Contrairement à eux, nous souhaitons en sortir au plus vite et le remplacer par des normes d’émission contraignantes et un pilotage public et démocratique de la transition industrielle, en fonction d’objectifs sociaux et climatiques. Comme nous l’avons fait pour vaincre les pluies acides ou le trou dans la couche d’ozone, nous voulons obliger les plus grands pollueurs à investir dans la transformation de leur outil. Les normes sociales et environnementales assureront le maintien et le développement de l’emploi.
L’énergie doit être un bien commun. Nous en avons besoin partout, tout le temps : pour se chauffer, se déplacer, manger, participer à des loisirs… Sauf que cette même énergie est retenue en otage par les grandes multinationales, à qui l’Union européenne a donné le plein contrôle. Aujourd’hui, le marché européen est dominé par sept multinationales : Engie, EDF, E.ON, Iberdrola, ENEL, Vatenfall et RWE. Elles tiennent l’économie et les citoyens dans leurs griffes. Au cours du premier semestre 2022, Engie a fait un bénéfice de pas moins de 3,2 milliards d’euros, soit plus de deux fois le bénéfice enregistré au cours de la même période l’an dernier. Résultat, ces multinationales ont tout le pouvoir sur les prix et sur l’approvisionnement de l’énergie.
L’Union européenne a créé volontairement un terreau très fertile à des situations comme celles que nous avons vécu, avec des prix qui flambent. Au moment de la signature du Traité de Maastricht, les États membres se sont accordés pour une ouverture à la concurrence de plusieurs secteurs, dont celui de l’énergie. Soutenus par toute la classe politique traditionnelle y compris socialiste et verts, ils ont engagé une vaste réforme du système et ont privatisé des entreprises historiquement publiques partout en Europe. Aujourd’hui, même l’infrastructure est laissée au privé. Dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe, la Commission veut soutenir le déploiement des réseaux électriques en Europe. Mais pour y arriver, elle vise les partenariats publics-privés, mais surtout les subsides aux entreprises privées.
En fait, c’est Elio Di Rupo (Parti Socialiste), alors vice-Premier ministre et ministre de l’Économie, qui a élaboré en 1998 le premier projet d’ouverture du marché belge de l’énergie. En effet, avant cette période, la plupart des États disposaient d’un producteur national d’énergie, comme Electrabel en Belgique, et un contrôle des prix. Avec la libéralisation, les États ont abandonné cette régulation au profit de la mise en concurrence et des lois du marché. Ensuite, ce qui devait arriver arriva. Les gros ont avalé les petits. Et quand il n’est plus resté que quelques mastodontes, les prix ont grimpé en flèche. En juillet 2022, en réaction à une intervention du député européen du PTB Marc Botenga, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen avait d’ailleurs elle-même reconnu l’échec du marché devant le Parlement européen.
Pour couper court avec ce système injuste qui laisse les plus démunis dans la misère et fait grandir les plus gros, il faut ôter le contrôle de l’énergie aux multinationales et reprendre ce secteur en main publiquement. Le PTB défend la création d’un secteur public de l’énergie, aux mains de la collectivité et sous contrôle démocratique. Pour les gens, ce service public fixera les prix de vente de l’électricité selon le coût de production. Cela permettra d'avoir une réelle visibilité sur les prix, et donc de mieux vivre. Nous voulons arracher les biens de base des mains des entreprises qui détruisent tout : passons au contrôle public.
Depuis le niveau européen jusqu’à l’échelon local, une alternative publique intégrée doit voir le jour de toute urgence. Nous avons besoin d’investissements à grande échelle pour faire le ménage. L’exemple du Danemark est certainement une source d’inspiration, mais les Danois sont eux aussi enfermés dans le carcan européen du marché libre. Avec une reprise en main publique, nous passerons d’une logique actuelle basée sur des projets énergétiques développés sans réelle planification, à un grand plan développé en coopération avec la société civile. Des investissements publics au bénéfice des gens et du climat, avec un contrôle démocratique. Pour reprendre le contrôle, nous obligerons les États membres à revenir à des entreprises publiques qui permettent de garantir une planification au niveau de l’État et une meilleure coopération entre les pays.
Pour le climat, un consortium public européen pourra garantir une transition planifiée vers les énergies renouvelables dont nous avons cruellement besoin. La transition climatique est trop importante pour être laissée dans les mains des multinationales. Nous romprons donc avec la libéralisation du marché européen. Au lieu de libéraliser le marché pour les multinationales européennes de l’énergie, nous créerons les conditions pour un secteur énergétique public, aux mains de la société et sous contrôle démocratique. Pour revenir sur un contrôle public et démocratique, nous encouragerons la mise en place d’entreprises nationales publiques, comme c’était le cas avant en Belgique. Cela existe déjà au Danemark, ou au niveau local dans d’autres régions européennes. Depuis 2018, Barcelona Energia, le fournisseur public d'électricité de Barcelone, gère le marché de l'électricité pour l'ensemble de l'énergie produite dans la ville et la région métropolitaine de Barcelone. Barcelona Energia représente l'un des accomplissements majeurs de la ville, démontrant sa résistance aux influences des groupes de pression des multinationales de l’énergie, et assurant l'autonomie de ses habitants et un développement planifié des renouvelables.
Cela vaut aussi pour les infrastructures. De grands parcs éoliens dans la mer du Nord, un réseau sophistiqué de petits producteurs publics, des installations qui transforment l'hydrogène en énergie. Pour gérer tout cela de manière efficace, il faudra nécessairement un réseau électrique fiable. De nouvelles lignes devront être déployées avec l’étranger, et les producteurs locaux devront également être connectés afin que la production et la consommation soient bien coordonnées à tout moment de la journée. Nous voulons donc aussi reprendre le contrôle des gestionnaires de réseau pour soutenir la transition énergétique. Pour transporter l'hydrogène, nous mettrons en place un gestionnaire de réseau public, qui gèrera les pipelines d'hydrogène existants et futurs. En Belgique, par exemple, on trouve déjà le deuxième plus grand réseau d'hydrogène au monde, avec environ 600 km de pipelines. Ce réseau appartient cependant à la société privée Air Liquide. Lorsque le gouvernement a proposé en 2023 de transférer la gestion des pipelines d'hydrogène existants à un gestionnaire de réseau indépendant, Air Liquide s'y est fermement opposé, et a donc pu conserver son réseau. Au niveau européen, cela peut changer. Il est essentiel que le déploiement de la production d'hydrogène à grande échelle et le développement de l'infrastructure adéquate se fassent de manière contrôlée et planifiée. C’est pourquoi nous créerons une infrastructure européenne pour un déploiement planifié et contrôlé de l’hydrogène vert.
Afin de garantir que ces entreprises agissent au bénéfice des gens et non en fonction des profits qu’elles visent, elles seront fondées sur des bases démocratiques. Les syndicats, les associations environnementales et les communautés locales seront systématiquement impliquées dans le fonctionnement, les prises de décision et le contrôle des entreprises publiques. La régie publique européenne de contrôle des prix sera chargée de coordonner ces entreprises nationales.
Plus de la moitié de la population mondiale vit dans des endroits vulnérables aux catastrophes climatiques. Dans le Sud, les coups sont portés plus tôt et plus durement que dans le Nord. En 2022, des moussons extrêmes ont inondé un tiers du Pakistan. Dans le même temps, la Corne de l’Afrique a connu sa pire sécheresse en quarante ans. Les principaux responsables sont connus, les monopoles capitalistes de l’énergie fossile, de la finance, de l’exploitation minière et les gouvernements qui les protègent.
Nous devons unir nos forces pour surmonter la crise climatique. Or, les brevets sur les technologies vertes (production d’éoliennes, de batteries ou innovations permettant de fabriquer de l’acier neutre en carbone, par exemple) y font obstacle. Ils ne servent qu’à garantir des profits énormes aux multinationales européennes, mais bloquent l’accès aux technologies vertes pour les pays du Sud. Comme nous l’avons défendu au Parlement européen au sujet des brevets sur les médicaments, nous luttons contre l’appropriation privée de notre futur. Avec ses propres lois et politiques, l’Europe peut ouvrir la voie à une politique de coopération internationale.
L’économie verte risque de tomber dans les mêmes relations néocoloniales que les énergies fossiles. L’électrification du parc automobile fera exploser les besoins en métaux rares, nécessaires pour les batteries. Déjà aujourd’hui l’Union européenne prépare le pillage des pays du Sud, comme le Chili ou la RD Congo, pour pouvoir construire les batteries nécessaires. De quoi faire grimper encore davantage les tensions géopolitiques. Les multinationales de l'énergie savent que le contrôle et l'accès à l'hydrogène sont cruciaux pour le maintien de leur domination en Europe, et peut-être même dans le reste du monde. Seulement, les pays européens ne produisent pas suffisamment d'énergie renouvelable pour produire de l'hydrogène vert. La course à l'hydrogène vert, de préférence produit à moindre coût, bat son plein. Elle est soutenue activement par l’Union européenne et le Pacte vert.
L'Afrique risque donc de devenir une nouvelle fois une terre d’exploitation pour les multinationales européennes, que ce soient pour les matières premières, comme le cuivre ou le lithium pour les batteries, ou pour l’énergie elle-même, par l’hydrogène, le solaire et l'éolien comme matières premières. Du néocolonialisme vert, qui ne fera pas baisser les prix de l’énergie chez nous et n’apportera pas non plus l’électricité dans le Sud. Nous nous opposons au colonialisme du secteur de l’énergie. L'Europe doit devenir énergétiquement indépendante. Nous aiderons les pays du Sud dans leur transition énergétique, en partageant notre technologie et notre savoir-faire.
Il est injuste que nous importions vers l'Europe la quantité limitée d'énergie renouvelable produite dans ces pays. Selon la Banque mondiale, en Namibie, seuls 56 % de la population ont accès à l'électricité. À Oman, la production d'électricité est presque intégralement basée sur les combustibles fossiles. L'Europe doit aider les pays du Sud dans leur transition énergétique, en partageant avec eux sa technologie et son savoir-faire. Au sommet climatique la COP 28, les pays du Sud sont ressortis choqués par le montant dérisoire accordé par les puissances occidentales pour aider les États à s’adapter au réchauffement climatique. Pourtant, à la COP15 en 2009 à Copenhague, les pays riches s’étaient engagés à mettre 100 milliards de dollars par an sur la table jusqu’à 2020 pour aider les pays plus pauvres à mener la transition. 14 ans après, le texte de conclusion de la COP 28 « note avec de profonds regrets » que cet objectif n'est pas atteint. Suite au lobbying des États-Unis en particulier, la référence explicite de la responsabilité des pays développés dans le financement de ce fond a même été supprimée du texte.
Nous soutenons l’appel du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, en faveur d’une taxe mondiale sur les bénéfices des multinationales des énergies fossiles. Il n’est que justice que nous commencions à récupérer leurs richesses accumulées sur le dos des peuples et de la planète, afin de nous armer contre la crise climatique. Ce fonds peut aussi venir en aide aux personnes forcées de fuir le changement climatique et s’accompagner d’un cadre mondial pour la migration climatique, prenant en charge la réinstallation, la protection et l’assistance des personnes déplacées. Tout le contraire des projets de gouvernements, qui utilisent les investissements nécessaires pour s’adapter au changement climatique comme prétexte pour faire contracter de nouveaux prêts injustes aux pays du Sud.
Stop aux bombes climatiques. Les émissions de CO₂ cumulées des nouveaux giga-projets d’exploitations pétrolière et gazière suffiraient à elles seules à dérégler le climat mondial. Nous voulons être parties prenantes d’un plan international d’élimination des combustibles fossiles, un « traité de non-prolifération ». Une initiative existe, avec trois volets principaux : un moratoire sur la recherche et l’exploitation de nouvelles sources de combustibles fossiles, une élimination progressive et équitable de la production fossile et une transition vers 100 % d’énergie renouvelable bon marché mondiale.
Briser le pouvoir des monopoles polluants, c’est aussi ne plus leur permettre de maquiller leurs émissions. C’est-à-dire de financer des pseudo-projets de compensations des émissions de gaz à effet de serre plutôt que d’investir dans leur réduction. Si un arbre était réellement planté pour chaque crédit carbone avec lequel les pollueurs ont déjà tenté de blanchir leurs émissions, le monde serait recouvert de forêts. À la place, on voit une explosion du greenwashing : les géants pollueurs privés se donnent une fausse image verte en achetant des crédits d’émissions qui servent leur marketing, pas la planète. En même temps, un secteur d’entreprises spécialisées dans la production de ces compensations se développe. Celles-ci sont très peu regardantes sur le bilan carbone souvent très mauvais, voire inexistant, des projets présentés. Mais en plus d’être inefficaces, ces systèmes de compensation impliquent aussi de racheter et de privatiser des terres pour y développer ces projets. Les populations locales sont chassées de leurs terres au mépris des droits humains. Des achats payés par les contribuables. C’est à ce type de mécanismes que nous allons mettre fin. Fini de vendre du vent sans rien résoudre sur le fond.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) est – en théorie – un outil pour pénaliser les produits en provenance de pays aux normes climatiques moins strictes que celles en vigueur dans l’UE, afin de répondre à une prétendue délocalisation de gaz à effet de serre (« carbon leakage ») que la Commission européenne n’arrive toutefois pas à prouver. Mais l’impact du mécanisme sur différents secteurs industriels n’est pas clair. Ce mécanisme risque surtout d’offrir aux multinationales le cadeau d’un protectionnisme repeint en vert pour booster les revenus des actionnaires, sans garantir l’emploi ni sauver le climat. L’UE n’a pas fait de réflexion réelle non plus sur de possibles mesures de rétorsion d’autres pays limitant l’entrée à leur marché pour les produits européens sans que, pour autant, on émette une seule tonne de CO2 en moins. Le risque que les travailleurs en subissent les conséquences est réel.