Contre le dumping social, des emplois de qualité
La société n’est rien sans ses travailleurs. Ouvriers de la construction, infirmières, artistes, caissières… : chaque travailleur a droit au respect. Sans travailleurs, pas de richesse. Nous exigeons des emplois stables. Tout le contraire de ce que fait l’Union européenne actuelle. Nous mettons un terme au dumping social en Europe. Nous protégeons les travailleurs contre l’ultra-flexibilité, les pertes d’emplois et remplaçons les emplois précaires et sous-payés par des emplois décents et stables.
En Europe, des millions de citoyens désirent avant tout avoir un emploi de qualité qui leur permette de vivre. Il est inconcevable qu’un ménage fonctionne sans même un seul emploi décent qui permette à ses membres de construire et organiser leur vie comme ils l’entendent. La liberté économique ne peut pas passer avant les droits sociaux. Celles et ceux qui produisent la richesse doivent aussi bénéficier de la richesse qu’ils ont créée.
Trente ans après la signature du Traité de Maastricht, c’est clair : les traités européens actuels ne garantissent en rien ce droit pourtant élémentaire. Tandis que les plus grandes entreprises européennes engrangent des surprofits, des millions de citoyens européens peinent à arriver à la fin du mois avec leur salaire. Plus d’un Européen sur cinq est à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Un travailleur sur dix est pauvre malgré le fait d’avoir un emploi.
Toute richesse provient du travail et de la nature. La pression de la concurrence entraîne une dévalorisation continue du travail. Nous observons une tendance à pousser les salaires à un niveau aussi bas que possible et à remplacer des emplois fixes, à temps plein, par des jobs temporaires et à temps partiel. Depuis la stratégie dite de Lisbonne, adoptée en 2000, l’Union européenne place la flexibilité au cœur de ses priorités afin d’accroître sa compétitivité. Les conditions de travail et salariales sont façonnées selon les desiderata du patronat. On entend qu’il faut « moderniser » la sécurité sociale. Une telle Union européenne n’est pas favorable à la grande majorité des travailleurs. Au contraire, elle ne sert qu’à se rendre plus compétitive, à ouvrir encore plus le marché intérieur aux grandes entreprises et à rendre le marché de l’emploi encore plus flexible. La réduction des budgets sociaux, la dérégulation du marché de l’emploi et la privatisation gonflent certes les bénéfices des entreprises, mais, pour les citoyens, elles sont synonymes de baisses de salaires, d’emplois précaires et d’inégalités sociales.
Partout en Europe, les travailleurs se battent pour la défense de leurs droits les plus élémentaires : le droit d’aller aux toilettes pendant leur temps de travail, d’être défendus par un syndicat, ou, tout simplement, de gagner assez d’argent pour vivre. Dans l’Union européenne, les femmes gagnent encore en moyenne 16,1 % de moins que les hommes. Elles sont nombreuses à travailler dans des secteurs où les conventions collectives ne s’appliquent pas. Aujourd’hui encore, les emplois dans le secteur des soins de santé, de l’éducation ou encore du social sont beaucoup trop mal rémunérés.
La Commission européenne dirigée par Ursula Von der Leyen a été un désastre pour le pouvoir d’achat. En pleine crise de l’énergie, les institutions européennes se sont renvoyé la balle pendant un an avant de prendre la moindre mesure. Au plus dur de la crise énergétique, soucieux de protéger les multinationales, Charles Michel, président du Conseil européen, et Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission, ont laissé les gens dans le froid au lieu de taxer les profits et bloquer les prix.
Les dirigeants européens ont mis des mois avant de s’accorder sur un plafonnement du prix du gaz et de l’électricité, qui était finalement tellement haut qu’il ne serait jamais appliqué. Avec ses 30 000 euros par mois, la présidente de la Commission européenne n’a jamais de difficulté à payer une facture. Elle est complètement déconnectée de la réalité des travailleurs. Le PTB était présent au Parlement européen pour ramener les pieds sur terre aux dirigeants européens. Lors du discours central au Parlement européen où Ursula Von der Leyen a célébré les résultats de sa politique, Marc Botenga, eurodéputé du PTB, est intervenu en septembre 2023 pour dénoncer le vrai bilan du mandat de la Commission européenne. Son intervention a fait le tour de l’Europe. Le député PTB a rappelé à Von der Leyen que 30 % des gens doivent sauter un repas parce qu’ils n’ont pas l’argent pour trois repas par jour, que 46 % des Européens ont peur d’augmenter le chauffage, et restent dans le froid, et que presque 100 millions d’Européens risquent la pauvreté. Dans ce contexte, la Commission européenne n’a ni bloqué les factures de l’énergie, ni taxé les millionnaires ou les surprofits des multinationales énergétiques, pharmaceutiques, militaires. Au contraire, elle a garanti des milliards d’euros de subventions aux multinationales de l’armement, parmi les plus profitables au monde, tandis qu’aux travailleurs, la Commission et les gouvernements proposent le retour du Pacte de stabilité, le retour de l’austérité.
Sans prévenir ni arrêter la guerre, les sanctions contre la Russie ont fait augmenter les prix de l’électricité encore davantage. Le remplacement du gaz russe par du gaz de schiste américain plus cher a aussi gravement nuit au climat. Les oligarques russes soutenant la guerre y ont d’ailleurs largement échappé. Et si les importations de gaz russe par gazoduc ont diminué, l’importation de gaz russe par navire – plus cher – a augmenté. Le pétrole russe arrive désormais aussi via l’Inde ou l’Arabie saoudite en Europe, ici aussi à un prix plus élevé. Le remplacement du gaz russe par des fournisseurs comme Israël, qui mène une colonisation violente et illégale de la Palestine, montrent que la nouvelle politique n’est pas plus éthique.
Les prix de l’alimentation aussi s’envolent, le ticket du caddie à la caisse du grand magasin explose. La nourriture devient un poste de plus en plus lourd pour les ménages. Jamais autant de gens – et de plus en plus de travailleurs - n’ont fréquenté les banques alimentaires et autres Restos cœur. Il y a urgence. Des pays qui baissent la TVA sur les produits de première nécessité doivent être encouragés et soutenus.
Nous nous opposons aux réformes fiscales de l’Union européenne, en particulier dans la directive Taxation de l’énergie qui vise l’introduction de nouvelles taxes sur la consommation. Nous gèlerons toute hausse de taxe sur la consommation. Elles sont injustes, car chacun paie le même taux voire le même montant, quel que soit son revenu. Or, comme l’indique l’économiste Thomas Piketty, « une taxe sur la consommation est une taxe du 19e siècle, pas du 21e. La taxation indirecte comme la TVA est identique pour tout le monde. Elle pèse également plus sur les bas revenus parce que les plus hauts revenus ne consomment pas tout ce qu’ils gagnent. » Il convient donc d’arrêter toute augmentation de ces taxes, mais aussi d’en revoir certaines à la baisse, par exemple en supprimant les accises sur le gaz et l’électricité.
L’extension du marché de carbone européen (ETS) au logement et au transport signifie l’introduction d’une nouvelle taxe carbone pour les travailleurs. Nous nous opposons fermement à l’introduction d’une telle taxe ayant pour effet de faire payer aux citoyens sur leur facture d'énergie. C’est antisocial et inefficace en matière d’environnement puisque les autorités n’offrent pas d’alternative crédible à la voiture dès lors qu’elles désinvestissent dans les transports en commun. Ce n'est pas en augmentant les frais des ménages que l'on améliorera la situation climatique. Les primes octroyées pour les voitures électriques sont loin de compenser une taxe supplémentaire imposée aux gens qui peinent déjà à joindre les deux bouts à cause de l'explosion des factures d'énergie. Ce dont nous avons besoin, c'est d'investissements massifs dans des transports publics de qualité et abordables et dans des énergies renouvelables publiques à des prix plus bas.
Pour générer toujours plus de profits, les grandes entreprises utilisent toutes sortes de techniques afin de tromper les consommateurs pour les inciter à dépenser plus que nécessaire pour acquérir des biens ou des services. Nous voulons mettre fin aux contrats trompeurs (énergie, assurance et télécommunications). Qu’il s’agisse d’étiquettes, de conditions générales lors d’un achat sur internet, ou de contrats différents, la régulation du marché européen et la protection du consommateur permettent d’imposer des obligations d’information, de transparence et de clarté aux entreprises. Nous utilisons davantage ce levier.
Partout en Europe, les salaires sont insuffisants par rapport au coût de la vie et de la productivité accrue du travail. Un travailleur sur dix est pauvre malgré le fait d’avoir un emploi. Chaque jour, la richesse que crée la main-d’œuvre vient subsidier gratuitement les actionnaires et les grandes entreprises, tandis que les travailleurs voient leurs conditions de vie se détériorer plus que jamais. Dans de nombreux pays européens, un salaire minimum fixe la limite inférieure. Souvent ces minimums sont tellement bas que ce sont des salaires de misère. Des multinationales telles qu’Amazon ou Ryanair ont fait du dumping social leur modèle d’entreprise.
Nous voulons inverser cette tendance. Pour nous, réduire la fracture sociale est la voie vers le progrès social. En cela, nous sommes en rupture avec l’Europe de la grande coalition entre libéraux, chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates pour qui progrès et modernité riment avec l’appauvrissement des travailleurs au profit de l’expansion du marché. Nous voulons que la protection la plus élevée soit la norme en Europe. Pour supprimer le dumping salarial et social et affaiblir la pression de la compétitivité, nous exigeons des normes communes minimales et des droits solides, contraignants, pour les travailleurs, même transfrontaliers. Des emplois de qualité, bien payés, doivent devenir la norme pour tous les travailleurs européens. Pour ce faire, nous définissons des normes que personne ne sera en mesure de contourner ou compromettre, où que ce soit. Nous généralisons la véritable indexation des salaires au lieu de la modération salariale calquée sur le modèle allemand.
Le retour du Pacte de stabilité renforcera les attaques contre les droits des travailleurs et les salaires. Les règles budgétaires européennes et l’austérité ont en effet été utilisées entre autres en Grèce pour détruire les conventions collectives de travail, le droit à la négociation collective ou le droit de grève. Déjà en 2023, encore avant la réactivation officielle du Pacte de stabilité, l’Union européenne critiquait le mécanisme d’indexation des salaires belges.
La Commission européenne d’Ursula Von der Leyen a plusieurs fois essayé d’attaquer les droits des travailleurs. Dans la loi sur la production militaire (ASAP), elle a essayé de faire sauter la limite – très large – des 48 heures de travail par semaine. Elle a voulu codifier qu’un pays pouvait dévier de cette limite imposée par la directive Temps de travail s’il s’agissait de la production d’armes. Pourtant, cette production dangereuse requiert concentration et précision des travailleurs. La fatigue augmente le risque d’accidents.
Dans son instrument pour sauver le marché unique en cas de crise ou de situations d’urgence, la Commission a essayé d’affaiblir la reconnaissance du droit de grève, qui s’est retrouvé dans une partie non contraignante du texte. Grâce à la mobilisation syndicale et la lutte de notre député européen Marc Botenga et du Groupe de la Gauche au Parlement européen, nous avons pu faire reculer la Commission deux fois.
La directive sur les salaires minimaux en Union européenne adoptée récemment est une victoire du monde du travail. Les syndicats européens se sont mobilisés pendant des années pour une telle directive. Le PTB l’a toujours défendue. Une telle mesure peut tirer l’ensemble des salaires vers le haut et contribuer à limiter la course à la compétitivité en matière de conditions de travail et salariales entre les travailleurs des différents États membres de l’Union européenne. Le texte de la directive adoptée est moins ambitieux qu’espéré. L’ambition d’avoir 80 % des travailleurs couverts par une convention collective est importante. Malheureusement, des critères importants ont été évacués vers la partie non-contraignante du texte. Même l’ambition d’avoir un minimum à au moins 60 % du salaire médian brut et 50 % du salaire moyen brut n’a pas été imposé. Pourtant dans différents pays, comme la France, le Portugal, la Bulgarie ou la Slovénie, le salaire minimum arrive ou dépasse déjà les 60 % du salaire médian. Il faudra donc se battre pour une transposition ambitieuse de la directive mais aussi refuser les dérogations ou reports que différents pays demanderont.
Le déclin des droits humains, tant décrié lorsqu'il s'agit du Qatar, semble aussi parfois s'accomplir chez nous, le long des rives de l'Escaut. Cette leçon difficile, nous l'avons apprise en juin 2021 lors du désastre de construction dans une école d'Anvers qui a coûté la vie à cinq ouvriers du bâtiment, et un an plus tard, lorsque la multinationale chimique Borealis a été impliquée dans de la traite d’êtres humains au port d'Anvers. Il y a un silence bien trop grand autour de la servitude salariale dans notre propre pays. Les travailleurs qui construisent nos écoles, nos usines et nos entreprises construisent la richesse de demain. On pourrait s'attendre à un minimum de respect pour ce travail, mais il n'y en a pas. Il est dans l'intérêt de tous les travailleurs que notre pays renforce enfin ses lois et chasse les trafiquants de personnes de nos chantiers de construction.
Pourtant le dumping social n’a pas été une priorité pour la Commission Von der Leyen. Nous plaidons pour l'égalité des droits sociaux pour tous les travailleurs en Europe. Un salaire égal pour un travail égal mettra fin aux pratiques de dumping social et évitera que quiconque voie son salaire réduit par ce genre de mafia. Pour ceux qui sont embauchés en Belgique, les conditions salariales et de travail belges doivent s'appliquer, y compris dans le secteur des transports.
Les cotisations de sécurité sociale sont payées dans le pays où travaille le travailleur, et non dans le pays d'origine. La Belgique transfère ensuite l'argent à l’État membre de l’Union Européenne. Les directives en la matière, ainsi que le règlement 883 sur la sécurité sociale, doivent être adaptées en ce sens. La directive détachement prévoit qu’un travailleur détaché bénéficie des conditions du marché de l’emploi du pays où il exerce au bout de dix-huit mois. Quelle hypocrisie. En réalité, les détachements durent beaucoup moins longtemps. Dans le secteur de la construction, on parle de quatre mois en moyenne. En outre, jusqu’à nouvel ordre, la directive ne concerne pas le transport routier, secteur majeur, où des chauffeurs philippins exploités par des firmes polonaises roulent sur des routes allemandes, 200 heures par mois pour à peine 428 euros. Comme si cela ne suffisait pas, les institutions et les lobbys des multinationales européennes veulent encore dégrader les conditions de vie et de travail des chauffeurs, avec le Mobility Package et la libéralisation des services de car à longue distance. Le détachement – l’envoi temporaire d’un travailleur d’un pays à l’autre – doit constituer une exception. La pluriactivité doit être strictement régulée. Par contre, le détachement via des bureaux d’intérim est un faux détachement et, à ce titre, est tout simplement inacceptable.
Une étude commanditée par notre groupe parlementaire européen, le Groupe de la Gauche , dont le PTB fait partie, a montré que les chaînes de sous-traitance sont des chaînes d'exploitation et de sous-paiement partout en Europe. Cela offre aux grands acteurs du secteur un parapluie pour échapper à toute responsabilité. Le scandale Borealis a mis cruellement en lumière cette pratique. Nous voulons réglementer au plus vite ce système de sous-traitance. Comme les syndicats européens, nous voulons une directive européenne sur la sous-traitance. Il faut limiter la sous-traitance. Le donneur d’ordre devra toujours être responsable du paiement intégral des salaires de tous les travailleurs, quel que soit le nombre de sous-traitants et le secteur. Les entreprises qui passent la commande devront être responsables de toute la chaîne de sous-traitants.
Un renforcement de l’Autorité européenne du Travail, à peu près non-opérationnelle aujourd’hui, et l'augmentation du nombre d'inspecteurs du travail et sociaux dans les États-membre est une première étape que nous franchirons pour lutter contre le contrôle et la répression du dumping social et de l'abus de travail intérimaire. Cela est incompatible avec un retour de l’austérité.
Nous avons besoin de contrôler et sanctionner tous les acteurs de la chaîne de sous-traitance qui profitent du dumping social. Un contrôle strict par une inspection sociale solide doit être une priorité dans chaque État membre de l'Union européenne : dans les pays d'origine ainsi que dans les pays où le travail est effectué. L'inspection sociale implique structurellement les syndicats dans ce contrôle. En cas d'infraction, des sanctions sévères seront prises pour montrer clairement que l'exploitation et le dumping social sur les chantiers ne sont plus tolérés.
Nous élargirons également les possibilités de contrôle des syndicats sur la sécurité et les conditions de travail sur les chantiers. Aujourd'hui, les délégués des travailleurs dans les comités d'entreprise ne peuvent pas poser de questions sur les travailleurs sous-traitants. Les délégués voient ce qui se passe sur les chantiers, mais ne sont pas autorisés à en parler. Cela doit changer.
Sur les chantiers financés par les autorités publiques, nous voulons des emplois à part entière. La directive européenne sur les Marchés Publics offre aujourd’hui la possibilité d’imposer des conditions sociales. Il faut que cela devienne une obligation. Nous ne voulons plus de mélange de structures et de sous-traitance qui contournent les droits sociaux et la sécurité. Ce sont les leçons que nous devons tirer du désastre de construction dans l'école d'Anvers. Nous veillerons à ce que le travail qui ne nécessite pas de spécialisation soit obligatoirement effectué par le personnel de l'entrepreneur principal. Nous imposerons les mêmes obligations en matière de bien-être aux travailleurs indépendants qu'aux employés. Nous interdisons la fausse indépendance. L'administration publique devra toujours savoir qui travaille sur le chantier, dans quel statut et sous quel contrat. L'administration publique assure alors elle-même le suivi et l'inspection des travaux de construction. Enfin, nous garantissons une transparence totale dans tous les dossiers de construction publics.
Nous voulons protéger et renforcer le statut légal de certains travailleurs, dont les ouvriers portuaires ou les chauffeurs. Ces statuts constituent un rempart contre le dumping social et peuvent éviter des accidents catastrophiques dans la mesure où ils assurent une formation et une protection correctes. L’Union européenne ouvre régulièrement l’attaque contre les professions réglementées afin de détruire les protections sociales et imposer une grande précarité. Nous rejetons les contrôles de proportionnalité européens tant pour les nouvelles que les anciennes professions réglementées.
Nous soutenons pleinement les dockers du port et la loi-Major qui protège leurs conditions de travail. Le baron du port d'Anvers, Fernand Huts, PDG de l'entreprise portuaire logistique Katoen Natie, la Commission européenne et les partis de droite veulent mettre fin à cette loi. Ils veulent démanteler le statut des dockers. Cela ouvre la porte au dumping social dans le port, permettant à Huts et à d'autres d'exploiter facilement une main-d'œuvre bon marché et peu protégée. La loi-Major est la pierre angulaire du travail portuaire. Elle a une importance et une portée européenne et garantit la reconnaissance de l'expertise et la sécurité et la protection sociale des dockers. Nous protégeons le statut des dockers.
Dans le secteur des transports, nous imposerons de meilleures heures de conduite et de repos. La flexibilisation et le dumping social ne sont pas des phénomènes naturels. Nous pouvons faire beaucoup ensemble. Nous retirerons les licences des entreprises de transport qui enfreignent la loi. Nous mettrons fin aux sociétés boîtes aux lettres. Certaines entreprises belges sont devenues expertes dans la création de sociétés boîtes aux lettres fictives en Europe de l'Est pour exploiter davantage les travailleurs venant de là-bas chez nous. Nous n'autorisons pas ces escrocs à échapper à la justice et à rejeter la responsabilité sur des sous-traitants malhonnêtes qui font le sale travail à leur place.
Systématiquement, l’Union européenne généralise les modèles les plus asociaux. Dans le cadre du Semestre européen, le mécanisme par lequel l’Union européenne contrôle les budgets et politiques des États, la Commission européenne pousse aussi les gouvernements à « réformer » leur marché du travail. En plus, les coupes budgétaires ont poussé des gouvernements, comme en Belgique, à couper dans les crédits-temps ou rendre plus difficile l’accès.
Partout, les contrats stables, les salaires dignes de ce nom et les conditions de travail sont foulés aux pieds. Le Semestre européen, qui cadre dans la politique d’austérité, met la pression aux États pour appliquer ce genre de « réformes structurelles ». Beaucoup de femmes sont contraintes d’accepter des emplois précaires à temps partiel, soit parce qu’on ne leur propose rien d’autre, soit parce qu’elles doivent s’occuper d’enfants ou d’autres proches dans le besoin.
Les politiques d’activation et de flexibilisation poussées focalisent sur le taux d’emploi, mais détournent l’attention de la qualité de l’emploi. Encore une fois, cela se voit à travers l’Europe. Aux Pays-Bas, le taux d’emploi est dopé par le travail à temps partiel. En matière d’équivalent temps plein, nous avons en Belgique plus d’heures prestées qu’aux Pays-Bas. Même histoire en Allemagne, qui a seulement fait semblant de créer des emplois en divisant des emplois à temps plein bien rémunérés en deux, trois ou quatre emplois temporaires sous-payés, avec des salaires moyens de 250 euros par mois. Une catastrophe sociale. Fini les contrats fixes, les horaires fixes, les salaires fixes permettant de nouer les deux bouts. Ils ont été remplacés par une jungle de réglementations de travail flexibles et par des emplois « hamburgers ».
Les effets ne se sont pas fait attendre : le nombre de travailleurs pauvres n’a cessé d’augmenter. On voit des retraités chercher à manger dans les poubelles tandis que des millions de gens peinent à trouver un emploi ou ne se voient proposer que des mini-jobs mal payés. Et les alternatives ne viendront pas des amis alt-right de Viktor Orban en Hongrie ou Meloni en Italie. En Hongrie, Viktor Orban a adopté une loi obligeant les travailleurs à accepter jusqu’à 400 heures supplémentaires par an, qui pourront être rémunérées jusqu’à trois ans plus tard. En Italie, Meloni a aboli le revenu d’intégration.
Nous changeons radicalement de logique. Il faut que l’Union européenne promeuve une spirale vers le haut, non pas une spirale vers le bas.
En matière d’emploi, ce n’est pas d’une prolifération de pseudo-jobs dont nous avons besoin, mais bien du droit à la sécurité. Avec une norme reposant sur des contrats à durée indéterminée. Sans un contrat fixe, comment envisager l’avenir ? Lorsqu’on vit au jour le jour avec un contrat intérimaire, demander un prêt hypothécaire est illusoire. Sans un contrat fixe, aucune perspective d’autonomie ou de fonder une famille. C’est ce que l’Union européenne devrait promouvoir.
Un autre genre de travail précaire explose au niveau européen : les travailleurs de plates-formes comme Uber et Deliveroo qui prestent en Belgique sous le régime fiscal de l’économie collaborative. Un régime jugé illégal par le Tribunal du travail de Bruxelles dans le secteur de la livraison, mais qui a continué à prospérer sous le gouvernement Vivaldi. Cette forme de travail précaire, c’est la possibilité pour les grandes plates-formes d’exploiter une main d'œuvre bon marché sans porter la casquette de l’employeur. Résultat : pas de salaire horaire mais une rémunération à la livraison. C’est le grand retour du salaire à la pièce, digne d’une époque que l’on croyait révolue. Sécurité ? Zéro. S’ils tombent malades ou ont un accident, c’est à eux de gérer leur situation. À eux aussi de se constituer leur propre pension avec leurs maigres revenus.
Au niveau européen, avec le Groupe de la Gauche, le PTB a mené la lutte en faveur d’une directive protégeant les travailleurs des plateformes. Il s’agit entre autres de reconnaître automatiquement à ces travailleurs le statut de salarié avec tous les droits qui l’accompagnent. Cela s’appelle la présomption de salariat. Comme en Belgique, au Parlement européen aussi nous nous sommes battus pour cette présomption, élaborée en concertation avec les syndicats. Celle-ci renverse la logique actuelle : l’État impose aux plates-formes d’employer des salariés, et c’est éventuellement à ces plateformes, et non plus aux travailleurs, d’entamer des démarches si elles estiment que la relation salariée n’est pas justifiée. Avec nos camarades au sein du Groupe de la Gauche au Parlement européen, nous avons organisé différents Forums contre l’Ubérisation où les travailleurs se sont mobilisés et rencontrés. Nous avons organisé une rencontre entre les travailleurs et le Commissaire européen compétent. Avec succès : la Commission européenne et le Parlement européen ont dû accepter une forme de présomption de salariat. Malheureusement, différents états ont fait obstruction.
On ne lâche rien. Nous mettons tout en œuvre pour que cette proposition de donner aux travailleurs de plate-forme un statut de salarié fondé sur des conditions de travail et salariales correctes se réalise en pratique. Nous voulons imposer aux plates-formes de fournir aux travailleurs des équipements de travail adéquats, de payer des cotisations sociales et de permettre la constitution d’une délégation syndicale.
En Belgique, moins de la moitié des jeunes entrent sur le marché du travail avec un contrat à temps plein. Mais les employeurs (les grandes chaînes de magasin, par exemple) ne veulent proposer que des contrats à temps partiel à leur personnel. Nous imposerons aux employeurs de donner la priorité à leur personnel lorsque du temps de travail supplémentaire est dégagé, plutôt que de recourir à des intérimaires ou à des étudiants. Ainsi, les femmes, souvent engagées à temps partiel, pourront augmenter leur temps de travail si elles le veulent.
Au lieu de jobs à un euro, nous généraliserons les contrats de travail stables correctement rémunérés. Nous voulons des contrats à durée indéterminée associés à des garanties en matière de sécurité sociale. Les contrats intérimaires doivent devenir l’exception et être, le plus possible, immédiatement remplacés par des contrats fixes. Nous limiterons le cumul de contrats à durée déterminée chez un même employeur à six mois par an, au-delà desquels le contrat devient automatiquement à durée indéterminée. Les contrats zéro heure sont abandonnés.
La digitalisation, la robotisation et l’accroissement de la productivité risquent d’entraîner des pertes d’emplois supplémentaires dans les années à venir. Alors que, par ailleurs, la généralisation de temps partiels précaires empêche beaucoup de travailleuses et de travailleurs d’avoir un salaire suffisant pour décemment finir le mois.
Très libérale, la législation européenne demande seulement aux États membres de limiter le temps de travail à 48 heures par semaine, ou bien six journées de travail de huit heures, avec la flexibilité supplémentaire de respecter cette exigence en moyenne sur une période de jusqu’à quatre mois. En plus, la Commission européenne encourage les États à utiliser les portes arrières de la directive européenne. La Commission a aussi demandé que le programme européen sur la production de munitions (ASAP) permette explicitement de déroger à la directive Temps de travail. Au nom de l’économie de guerre, ASAP devrait ainsi ouvrir ainsi la voie à des semaines de 60 heures.
Loin des injonctions continues via les « recommandations aux États » qui poussent et obligent les gouvernements à flexibiliser davantage le marché du travail, nous avons besoin d’une Europe qui généralise le progrès social.
L’introduction de la semaine de 30 heures comme nouvelle norme pour un plein temps – en commençant par certains secteurs – entraînerait de nombreuses embauches compensatoires. De plus, la réduction collective du temps de travail est bonne pour la santé. C'est ce que montre une grande expérience menée au Royaume-Uni auprès de 3000 travailleurs de 60 entreprises différentes. Cette petite révolution, débutée en 2022, a permis d’améliorer la santé mentale et physique des travailleurs. La qualité de vie a augmenté, le risque d'épuisement professionnel : diminué. Pareil pour le stress… Moins de problèmes de sommeil. La productivité des travailleurs, mieux reposés, s’est accrue également. Les absences pour cause de maladie ont, elles, diminué. Et les employeurs participants ont, pour finir, reçu davantage de demandes d'emploi. En d'autres termes, avec une semaine de travail de 30 heures, tout le monde en profite.
Les cadences effrénées, la surcharge et la difficulté de concilier vie professionnelle et familiale font d’innombrables victimes. Aucun secteur n’est épargné. Le temps est devenu synonyme de rouleau compresseur. En Belgique, en 15 ans, le nombre de travailleurs malades a doublé. Et nous sommes face à deux fléaux : les problèmes de santé mentale, comme le burn-out et les dépressions qui explosent, mais aussi d’autres pathologies, comme les troubles musculo-squelettiques, qui continuent de faire des ravages.
Autre avantage de ce nouveau temps plein de 30 h par semaine – avec maintien du salaire : il favorise l’égalité entre hommes et femmes. Actuellement, les femmes sont nombreuses à travailler à temps partiel, pour un salaire réduit, sans l’avoir choisi. Pensons, par exemple, aux travailleuses de la grande distribution ou des titres-services. Elles paient cash cette réduction de leur temps de travail, tant en termes de salaire que de carrière et de pension. Une semaine de 30 heures, sans perte de salaire, réduirait ces écarts de rémunération en favorisant, de manière structurelle, l’équilibre entre vies professionnelle et familiale. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’organisation Femma (équivalent de Vie féminine, en Flandre) a été la première dans notre pays à tenter l’expérience de la semaine de 30 heures. Les résultats positifs d'une année de semaine de 30 heures chez Femma nous montrent que cela peut être le nouveau travail à temps plein.
La Commission européenne doit s’inspirer de ce qui se fait déjà ailleurs – au Royaume-Uni, en Islande ou en Espagne –, et soutenir des programmes pilotes visant à soutenir et accompagner les PME qui réduisent leur temps de travail. Les entreprises audacieuses, tournées vers l’avenir, recevront un soutien financier et un coaching intensif. À chaque niveau, nous pouvons créer des task force composées de syndicalistes, d’experts en ressources humaines et de spécialistes en organisation du travail afin d’accompagner les PME dans leur parcours vers la semaine de 30 heures.
La communication digitale a une incidence positive sur l’efficacité, la productivité et notre réseau social. Elle peut être toutefois aussi source de stress et de burn-out. Un employeur peut abuser des SMS, des e-mails ou encore des réseaux sociaux pour exercer une pression sur son personnel et prolonger le temps de travail de manière insidieuse. C’est là que le droit de chacun au repos est mis en péril.
Le Parlement européen a appelé à adopter une directive sur le droit à la déconnexion, mais il n'existe actuellement aucun cadre juridique européen définissant et réglementant directement le droit à la déconnexion. La directive sur le Temps de travail fait référence à des droits comme les périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs. Le droit à la déconnexion peut et doit être considéré en lien avec la recherche d'un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée mentionné dans le pilier européen des droits sociaux et la directive européenne sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les parents et les aidants, qui ne font malheureusement pas référence au droit à la déconnexion. Cela doit changer.