Le PTB dénonce une asphyxie financière des communes : « En 15 ans, on a sucré minimum 3,3 milliards sur le dos des communes. »
Les communes wallonnes, en particulier les grandes villes, sont en déficit cumulé de 467,3 millions d’euros en 2024. Selon Pauline Boninsegna, cheffe de groupe PTB à Charleroi, « les gouvernements creusent eux-mêmes les caisses des villes et ensuite se plaignent qu’elles soient vides ». 96 % du déficit des communes wallonnes ces 5 dernières années provient de dépenses que l’État fédéral leur transfère : politique sociale, sécurité, secours et pensions.
Un déficit qui s'aggrave
Le gouvernement wallon et le fédéral continuent d’aggraver la situation avec des mesures comme le gel des subsides APE, estimé à 200 millions. « Plutôt que d’obliger les villes à se tourner vers les banques qui se gavent sur la dette publique, l’État doit refinancer le fonds des communes et reprendre sa part de financement des zones de police et de secours », insiste Pauline Boninsegna.
Un sous-financement structurel et des charges transférées
Depuis des années, les communes financent des services qui devraient être pris en charge par le fédéral. Quelques chiffres : 80 millions manquent aux zones de police en 2024, l’État ne finançant que 43 % au lieu des 50 % promis, 45 millions manquent aux zones de secours, avec un financement fédéral à 25 % au lieu de 50 %, là aussi une promesse non tenue et enfin, 190 millions d’euros en aides sociales depuis 2020, alors que les CPAS doivent compenser les coupes fédérales.
Si l’État assumait ses responsabilités, les communes auraient reçu 900 millions d’euros depuis 2020, soit 96 % de leur déficit cumulé.
Une crise amplifiée par des causes nationales
Jusqu’en 2020, les villes wallonnes étaient globalement à l’équilibre. Mais les crises successives (Covid, énergie, inflation) ont fortement dégradé leurs finances. « Ces crises étaient nationales et n’auraient jamais dû être assumées sur fonds propres par les communes », explique Pauline Boninsegna.
Le gouvernement fédéral aurait pu bloquer les prix de l’énergie, mais a préféré laisser les grandes entreprises engranger des surprofits records, doublant voire triplant les factures. Conséquence : une explosion des demandes d’aides sociales, et ce sont les communes qui ont dû payer la note. « Le gouvernement a laissé la crise se produire, et maintenant il demande aux communes de la gérer seules », dénonce Pauline Boninsegna.
Une austérité imposée aux communes depuis des années
Mais le sous-financement des communes ne date pas d’hier. Depuis 2009, les CPAS ont perdu 2,4 milliards d’euros, faute d’un financement fédéral suffisant du Revenu d’Intégration Sociale (RIS). Si on y ajoute les manquements pour la police et les secours, les pertes cumulées depuis 2009 atteignent 3,3 milliards d’euros.
C’est sans compter l’explosion des coûts liés aux pensions des agents, puisque les cotisations de responsabilisation, qui ont déjà doublé entre 2012 et 2023, vont augmenter de 40 %. Cela représente un total de 1,6 milliard à charge des communes à l’horizon 2030.
Les décisions des gouvernements MR-Engagés aggravent la crise
Le gouvernement fédéral n’a prévu aucune aide supplémentaire pour les communes. Pire, les réformes fiscales prévues risquent de faire perdre davantage aux communes wallonnes. « Le tax-shift du gouvernement Michel nous a déjà coûté cher en 2014. Cette fois, c’est encore pire », rappelle Pauline Boninsegna. Le Ministre-Président wallon MR, Adrien Dolimont, estime que la Wallonie perdra 270 millions d’euros par an à cause des réformes fiscales de l’Arizona. Les communes perdent 90 millions, rien que sur cette base.
Autre coup dur : le gel des subsides APE par le gouvernement wallon, qui concernent 30 000 équivalents temps plein communaux. En 2025, cela coûtera 16,75 millions d’euros aux communes, avec une perte totale estimée à 85 millions sur la législature.
Enfin, l’absence de majoration de l’indexation du fonds des communes coûtera 250 millions d’euros sur l’ensemble de la législature, selon la Fédération des CPAS.
Dettes et intérêts, les communes sous plan d’asphyxie
Le Centre Régional d’Aide aux Communes (CRAC), censé être un fonds de solidarité, s’est transformé en un outil de mise sous tutelle imposant des coupes budgétaires aux communes.
Le recours accru aux emprunts fait aussi exploser la charge de la dette des communes. Entre 2022 et 2024, les remboursements d’intérêts ont doublé, passant de 145 à 291 millions d’euros par an. « Les communes contractent des prêts pour compenser ce que le fédéral ne donne pas. Résultat : elles s’étranglent elles-mêmes », dénonce Julien Liradelfo, député wallon et président du PTB Herstal. « En seulement cinq ans (2020-2024), les communes ont dépensé 1 milliard d’euros rien qu’en intérêts bancaires. Pourquoi ? Parce qu’elles sont contraintes d’emprunter pour compenser le manque de financement du fédéral, s’enfonçant ainsi davantage dans l’endettement. »
Refinancer les communes ou faire payer les ménages ?
Il est à noter que les plus grands leviers pour taxer les grandes entreprises et les grandes fortunes ne se trouvent pas au niveau communal. La grande majorité des taxes, comme la taxe poubelle qui est la plus importante ou le stationnement payant, touchent d’abord les ménages.
« On court droit vers la faillite et malheureusement on sait depuis 1989, suite à la faillite de la Ville de Liège, ce que ça veut dire. Les gouvernements préparent un bain de sang social dans les communes et présenteront la facture aux citoyens et citoyennes. Nous ne pouvons pas accepter cela et nous devons sérieusement soutenir les communes sur le plan financier » rappelle le député. Il poursuit : « Avant de vouloir vider l’eau du bateau, il faut boucher le trou. Le PTB appelle à refinancer le fonds des communes, supprimer les plans d’austérité imposés par le CRAC et exiger que l’État fédéral assume enfin ses responsabilités. »