La police d'Anvers veut acheter des disperseurs de gaz lacrymogène israéliens « testés » sur des Palestiniens
Les autorités communales d’Anvers (N-VA et Vooruit) sont en plein dans une procédure pour acheter 11 disperseurs de gaz lacrymogène pour la police d’Anvers. Le collège a donné son feu vert le 23 février dernier pour envisager une offre faite par la firme israélienne Ispra.
« Ce n’est pas n’importe quelle entreprise, explique Peter Mertens, député PTB et conseiller communal anversois. C’est le principal fournisseur d’armes de l’armée d’occupation israélienne. Cette entreprise s’enorgueillit d'avoir testé ses armes “sur le terrain”, c’est-à-dire contre les Palestiniens. Dans le passé, l’utilisation de ces disperseurs de gaz lacrymogène a déjà mené à différentes morts de Palestiniens. C’est injustifiable. L'argent des contribuables anversois est utilisé pour renforcer l'industrie de la défense israélienne, alors que c’est d’un embargo militaire que nous avons besoin. »
ISPRA est une société israélienne spécialisée dans la production de gaz lacrymogène et d'autres munitions « non létales » et « moins létales », ainsi que dans les systèmes d'armement permettant de les utiliser.
La zone de police d'Anvers veut acheter 11 disperseurs de gaz lacrymogène à l'entreprise par l'intermédiaire d'un fournisseur belge. Les armes sont destinées aux services de l'Unité mobile (ME), aux services de lutte contre la violence (GWB) et à des fins de formation et d'entraînement.
En plus des disperseurs de gaz lacrymogène individuels portables, ISPRA développe des systèmes plus avancés. Elle produit ainsi un système de lanceur à monter sur les voitures qui peut tirer des grenades lacrymogènes à grande vitesse. Un drone (« Cyclone Riot Control Drone System ») capable de lancer diverses grenades lacrymogènes sur les foules depuis une haute altitude figure également dans le catalogue de l'entreprise. Le site Internet indique fièrement que l'entreprise est un fournisseur privilégié de l'armée israélienne et de la police et des services de sécurité. L'entreprise indique qu'elle combine son savoir-faire technique à une « expérience pratique sur le terrain ».
« Le "terrain" où est acquise cette "expérience pratique" est connu : ces armes sont utilisées et testées sur des civils palestiniens, précise Peter Mertens. Leurs systèmes d'armes ont été déployés et testés à grande échelle pendant la "Marche du retour". »
Lors de cette marche, en 2018, les Palestiniens ont réclamé le droit au retour des réfugiés expulsés de leurs maisons en 1948. Les forces israéliennes ont tiré à balles réelles et utilisé massivement du gaz lacrymogène. Il y a eu des dizaines de morts et des centaines de blessés. Des images montrent des drones de type ISPRA lançant des grenades à gaz sur, entre autres, une équipe de journalistes, une tente remplie de femmes et d'enfants, et sur d'autres manifestants pacifiques, souvent à des centaines de mètres des émeutiers présumés. Des drones ont également été déployés à la mosquée Al-Aqsa et plusieurs autres lieux.
« Le collège communal d'Anvers veut maintenant acheter des armes à cette entreprise qui utilise des civils palestiniens comme cobayes et en tire profit, s’indigne Peter Mertens. Cette décision a été prise le 23 février 2024, soit un mois après le verdict de la Cour internationale de Justice, qui appelait à faire “tout ce qui était possible pour éviter un génocide”. »
Peter Mertens poursuit : « Le bourgmestre De Wever montre dans la pratique ce qu'il entendait par sa déclaration de se ranger du côté d'Israël, qu’il estime être celui de la "lumière" et la "démocratie". Il y a d'abord eu la coopération policière et la visite de travail du bourgmestre De Wever à l'été 2023. Des livraisons militaires illégales à destination d'Israël via le port d'Anvers ont ensuite été découvertes, dont 16 tonnes de poudre explosive fabriquée en Belgique, sur lesquelles on ferme tout simplement les yeux. Ces livraisons se poursuivent d'ailleurs encore aujourd'hui. Ensuite, la nationalité belge a été retirée à 18 enfants de parents palestiniens à Anvers. Et maintenant ceci ? Mais qu'est-ce qu'on est en train de faire ? »
Peter Mertens dénonce le double jeu de Vooruit. « Lors de la réunion du collège, personne n’a tiré la sonnette d’alarme. Pas même Jinnih Beels de Vooruit. N’étaient-ils pas au courant de la provenance de ce gaz lacrymogène ? Ou bien n'ont-ils aucune objection morale à cet achat ? La ministre de la Coopération au développement, Caroline Gennez, souhaite que la Belgique largue des colis d'aide humanitaire sur Gaza. Entre-temps, à Anvers, son parti se lance dans la procédure d'achat d'armes auprès d'une société qui lâche du gaz lacrymogène sur des enfants. Il s'avère donc que non seulement on permette que des armes quittent la Belgique à destination d'Israël, mais qu’on veut en plus importer des armes israéliennes chez nous. Pour nous, c’est clair : cette procédure doit être interrompue. Elle est moralement inacceptable et ne fait que renforcer la machine de guerre israélienne. »
Par ailleurs, Mertens souligne que l'importation d'armes israéliennes pendant la guerre contre Gaza va à l’encontre du verdict de la Cour internationale de Justice de La Haye de fin janvier : « La Cour déclare que toutes les mesures possibles doivent être prises pour empêcher un éventuel génocide à Gaza. Cet arrêt est contraignant pour notre pays, qui a ratifié la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. L'achat d'armes auprès d'une entreprise d'armement israélienne contribue indirectement à la guerre destructrice qu'elle mène contre Gaza. Il faut donc mettre un terme à tout commerce militaire avec Israël. »