Pourquoi le PTB s'est abstenu au Parlement européen
En séance plénière du Parlement européen, le PTB s’est prononcé en faveur de la condamnation ferme et inconditionnelle de la guerre criminelle de la Russie contre l'Ukraine.
Plusieurs amendements du PTB appelant à une solution négociée et à un cessez-le-feu immédiat ont été approuvés par le Parlement européen.
Cependant, le Parlement européen s’est aussi réjoui des nouveaux exercices militaires de l'Otan en Europe de l'Est. Et la résolution encourage la poursuite de la militarisation du conflit. Le député européen du PTB Marc Botenga a donc qualifié la résolution d'« ambiguë ». C'est la raison pour laquelle le PTB s'est abstenu.
Soutien à la condamnation inconditionnelle de Poutine
Au Parlement européen, le PTB a demandé un vote séparé sur les trois premiers articles afin de condamner inconditionnellement et sévèrement la guerre criminelle de la Russie contre l'Ukraine. Le PTB a voté en faveur de ces trois articles, qui ne laissent aucune place au doute quant à la condamnation :
- Le Parlement européen condamne avec la plus grande fermeté l’agression militaire illégale, non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et l’invasion de cette dernière par la Fédération de Russie, ainsi que l’implication de la Biélorussie dans cette agression.
- Le Parlement européen exige de la Fédération de Russie qu’elle mette un terme immédiat à toutes les activités militaires en Ukraine, qu’elle retire sans condition l’intégralité de ses forces militaires et paramilitaires et de ses équipements militaires de l’ensemble du territoire ukrainien internationalement reconnu, et qu’elle respecte pleinement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.
- Le Parlement européen souligne que cette agression militaire et cette invasion constituent une violation grave du droit international, et en particulier de la charte des Nations unies, et demande à la Fédération de Russie de se consacrer de nouveau aux responsabilités qui lui incombent en matière de maintien de la paix et de la sécurité en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations et de respecter les engagements qu’elle a pris au titre de l’acte final d’Helsinki, de la charte de Paris pour une nouvelle Europe et du mémorandum de Budapest; estime que l’attaque que constitue l’invasion russe en Ukraine n’est pas uniquement dirigée contre un pays souverain, mais aussi contre les principes et le mécanisme de coopération et de sécurité en Europe et contre l’ordre international fondé sur des règles, tel que défini par la charte des Nations unies.
Des amendements appelant à un cessez-le-feu
Le PTB se félicite du fait qu'un certain nombre d'amendements importants proposés par The Left, à laquelle le PTB appartient, ont été adoptés et inclus dans la résolution du Parlement européen, car ces amendements soulignent l'importance d'avancer le plus rapidement possible vers un cessez-le-feu et vers une solution diplomatique à ce conflit qui menace la paix mondiale. Le groupe PTB a notamment soumis ces amendements, qui ont été approuvés :
- Le Parlement européen souligne que tout doit être fait pour ramener la Russie à la table des négociations; rappelle que l’OSCE, en tant que dispositif régional relevant du chapitre VIII de la charte des Nations unies, reste l’organisation de premier recours pour le règlement pacifique des différends dans la région; préconise le recours aux mécanismes de résolution des crises de l’ONU; invite l’Union, ses États membres et les États-Unis à poursuivre leurs efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre en Ukraine.
- Le Parlement européen appelle à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel; exige que les canaux de communication avec la Russie restent ouverts et que les parties concernées soient prêtes au dialogue et aux négociations jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit instauré et que la guerre prenne fin.
- Le Parlement européen souligne que les sanctions pourraient avoir des répercussions concrètes sur les ménages européens et que ceux-ci ne doivent pas payer le prix de cette crise; invite donc les États membres à définir des dispositifs et des subventions en faveur des ménages afin d’éviter l’aggravation de la crise énergétique.
- Le Parlement européen demande à l’Union et aux États membres de soutenir les mouvements anti-guerre qui protestent contre l’invasion de l’Ukraine par Poutine en Russie et en Biélorussie.
Hypocrisie : rejet des sanctions fermes contre les paradis fiscaux
Le PTB considère comme hypocrite le rejet des amendements visant à prendre des sanctions strictes contre les avoirs des oligarques russes dans les paradis fiscaux européens. En particulier, les trois amendements suivants de The Left ont été rejetés par le Parlement européen.
- Le Parlement européen rappelle, à la lumière des Paradise Papers, que la plupart des actifs des oligarques russes sont cachés dans des paradis fiscaux européens; déplore ce manque de transparence fiscale qui empêche l’Union de cibler les sanctions sur les actifs des oligarques et d’exercer ainsi une réelle pression sur eux et, par voie de conséquence, sur Poutine; invite l’Union à durcir ses mesures contre les paradis fiscaux européens.
- Le Parlement européen demande instamment la création d’un registre financier mondial qui comprenne des informations sur le patrimoine, les biens immobiliers, les actifs financiers et les propriétaires finaux des actifs; demande que les paradis fiscaux européens coopèrent pleinement à la mise en place du registre financier mondial et que l’Union impose des sanctions aux paradis fiscaux européens qui refusent de coopérer.
- Le Parlement européen demande à l’Union d’adopter un nouveau type de sanctions, fondé sur le registre financier mondial, qui viserait les particuliers russes détenant plus de 10 millions d’euros d’actifs immobiliers et financiers dans l’Union (0,02 % de la population adulte russe).
L'augmentation spectaculaire des dépenses militaires est inquiétante
L'amendement concernant notre préoccupation quant à l'augmentation constante des dépenses militaires a également été rejeté. La militarisation se fera au détriment des dépenses sociales des États membres. L'amendement suivant est rejeté :
- Le Parlement européen se déclare vivement préoccupé de constater que la guerre russe contre l’Ukraine a donné un nouvel élan à la course aux armements en Europe et a entraîné une augmentation spectaculaire des dépenses militaires; rejette l’augmentation spectaculaire des dépenses militaires annoncée par certains États membres de l’Union, comme l’Allemagne; souligne que la stabilité militaire et la paix en Europe passent par le règlement pacifique des conflits et par des mesures de contrôle des armements et de désarmement.
Le danger d'une logique de guerre en pleine expansion
Le PTB est en désaccord avec deux éléments importants de militarisation et d'incitation à la guerre contenus dans la résolution. Ce sont deux éléments qui sont également activement rejetés par le vaste mouvement pour la paix. Il s'agit des articles 21 et 22 de la résolution, et des articles 24 et 25.
L'article 22 se félicite des nouveaux exercices militaires de l’Otan sur le flanc oriental de l'Ukraine. Il indique que l'Union européenne « se félicite, à cet égard, de l’activation des plans de défense de l’Otan ainsi que de l’activation des forces de réaction de l’Otan et de leur déploiement partiel, en plus des déploiements de troupes provenant des alliés de l’Otan, y compris le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada, afin de renforcer le flanc oriental ».
Les articles 24 et 25 demandent à tous les États membres européens d'augmenter encore leurs budgets de guerre et d'autoriser de nouvelles livraisons d'armes à l'Ukraine.
Une résolution ambiguë
La résolution du Parlement européen est donc ambiguë. Entre autres, par le biais de nos amendements, les solutions diplomatiques sont soulignées. Mais en même temps, elle va de pair avec une nouvelle escalade militaire du conflit. Pour cette raison, le PTB s'abstiendra.
Le PTB répète son inquiétude sur l’escalade du conflit. La Russie a mis ses armes nucléaires en état d’alerte. Avec près de 6 000 ogives nucléaires, elle dispose du plus grand arsenal nucléaire au monde. Pour la première fois depuis son indépendance, la Biélorussie se montre ouverte à l'idée d'autoriser des armes nucléaires sur son territoire. Nous devons prendre ce risque au sérieux : une confrontation nucléaire entraînerait un drame humain inimaginable. La Belgique abrite également des bombes nucléaires américaines sur son territoire, à Kleine Brogel. Notre pays serait directement impliqué dans une telle guerre.
Nous devons donc éviter toute escalade militaire ultérieure. Les récentes négociations entre l'Ukraine et la Russie montrent qu’il y a encore un espace pour le dialogue. Aussi petit soit-il, nous devons le saisir à deux mains. Pour les mêmes raisons, nous voulions exprimer notre inquiétude quant au risque de voir les pays européens directement impliqués dans la guerre si nous fournissons des armes à l'Ukraine. Via un amendement introduit par notre groupe parlementaire (The Left), nous avons appelé l’Otan et ses États membres à agir de manière responsable. C'est également ce que demande le Vlaams Vredesinstituut (l’Institut flamand pour la paix) : celui-ci souligne que plus on fournit et déploie d'armes, plus on risque de prolonger le conflit. À la télévision flamande, les professeurs de politique internationale Tom Sauer et David Criekemans se sont également demandés si l'on avait suffisamment réfléchi aux conséquences potentielles.
Dans une logique de désescalade, nous ne pouvons pas accepter de nouvelles activités militaires de l’Otan à proximité de la zone de conflit. Cela ne ferait qu'augmenter le risque de voir la guerre s'étendre davantage. Nous ne voulons pas cela. Pour cette même raison, notre groupe parlementaire a demandé qu’on attende la fin de la guerre avant d'ouvrir la porte à l’adhésion à l'Union européenne de l’Ukraine. Cette demande a également été rejetée.
Pour éviter une aggravation de la situation et le risque d'une guerre nucléaire, il faut d’urgence ouvrir le débat sur la meilleure façon d'aller vers une désescalade et de garantir la sécurité collective en Europe. Pour le PTB, il faut au plus vite réunir une conférence pour la paix, la sécurité et la coopération en Europe, qui rassemble toutes les parties autour de la table, afin d'assurer une désescalade et une solution diplomatique au conflit. Ces négociations peuvent se tenir sur la base des principes de l'acte final des accords d'Helsinki de 1975 et la charte de Paris de 1990, conclue après la chute du mur de Berlin. Ce processus doit déboucher sur un nouvel ordre de sécurité commune pour l'Europe. C'est pourquoi notre groupe a souligné, dans un amendement, que la stabilité et la paix en Europe nécessitent une approche autre que la surenchère militaire. Il faut au contraire une approche de résolution pacifique du conflit, de contrôle des armements et de mesures de désarmement.
Concernant les sanctions, nous soutenons les sanctions ciblées contre les oligarques, les grandes entreprises capitalistes et ceux qui financent la guerre en Russie. Nous avons nous-mêmes introduit des amendements qui les impacteraient sévèrement. Ces amendements ont été rejetés. Nous nous opposons aux sanctions qui toucheront la population civile.
Nous nous réjouissons que cette résolution condamne sans équivoque l'invasion criminelle de l'Ukraine par la Russie et sa violation du droit international. Nous soutenons également pleinement les sanctions contre les oligarques et l'appel à soutenir les réfugiés. Ainsi que d'autres passages, relatifs aux crimes de guerre. C'est pourquoi nous n'avons pas voté contre ce texte. Cependant, compte tenu du risque de plus en plus tangible de guerre nucléaire, nous pensons qu'une résolution du Parlement européen doit servir avant tout à éviter toute nouvelle escalade militaire, et à mobiliser activement toutes les ressources diplomatiques disponibles à cette fin.
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