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DOSSIER | Le PTB veut une « taxe Canada » sur les millions de profits réalisés par les multinationales grâce à la vente d'actions

Nous voulons supprimer les taux nuls qui permettent aux grandes entreprises de ne payer aucun impôt sur les plus-values sur actions. Nous proposons de fermer cette niche fiscale et, à l'instar du Canada, d'imposer les deux tiers des plus-values au taux de l'impôt des sociétés. Cette proposition pourrait rapporter jusqu'à 2 milliards d'euros. 

Jeudi 2 mai 2024

1. Pourquoi, au Canada, les holdings paient-ils des impôts alors qu'en Belgique, les grandes entreprises n'en paient pas ?

Pourquoi le groupe d'investissement canadien Enbridge a-t-il payé des impôts sur la vente d’actions dans la société gazière Noverco en 2021, alors que de son côté, le holding belge Ackermans & van Haaren n’a payé aucun impôt sur la vente d’actions dans la société de soins de santé Anima et dans le distributeur de produits chimiques Manuchar en 2022 ? Dans les deux cas, il s’agit de millions de profits que ces grands holdings ont réalisés grâce à la vente d'actions. Des millions de profits taxés dans un cas, mais pas dans l'autre.

La différence se situe au niveau de la législation : 

  • au Canada, la loi précise que les entreprises doivent payer un impôt sur les profits qu'elles réalisent en vendant des actions, et la réglementation ne permet aucune exception ou niche fiscale ;

  • en Belgique, au contraire, les grandes entreprises sont exonérées de cet impôt sur les plus-values grâce à un régime fiscal favorable taillé sur mesure pour elles.

Si le Canada parvient à taxer équitablement les plus grandes entreprises, pourquoi ne pourrions-nous pas en faire autant ?

Nous voulons supprimer les taux nuls qui permettent aux grandes entreprises de ne payer aucun impôt sur les plus-values sur actions. Nous proposons de fermer cette niche fiscale et, à l'instar du Canada, d'imposer les deux tiers des plus-values au taux de l'impôt des sociétés. Cette proposition pourrait rapporter jusqu'à 2 milliards d'euros. 

2. Niche fiscale « made in Belgium » : dans notre pays, les multinationales et les holdings ne paient aucun impôt sur les plus-values sur actions. 

Pour de nombreuses grandes entreprises, les (millions de) profits réalisés sur la vente d'actions ne sont pas taxés. Ce régime favorable spécial place la Belgique en bonne position dans le « Corporate Tax Haven Index ».1 Le taux nul sur les plus-values est en application en Belgique depuis 1991 et n'existe pas dans de nombreux autres pays.

Quelques exemples de millions de profits non taxés en 2022 :

  • Le groupe d'entreprises Ackermans & van Haaren a réalisé un bénéfice de 340 millions d'euros en vendant ses actions dans l'entreprise de soins de santé Anima et dans le distributeur de produits chimiques Manuchar.2 Il a payé 0,0 % d'impôt.

  • Engie E.S.I., la filiale belge de l'entreprise énergétique française Engie, a enregistré plus d'1 milliard d'euros de profits en vendant ses actions dans sa filiale Equans.3 Elle aussi a payé 0,0 % d'impôt des sociétés. 

  • Le groupe d'investissement Bois Sauvage4 a réalisé 95 millions d'euros de profits non taxés en vendant ses actions dans l'entreprise chimique Recticel.5

  • En pleine crise de l’énergie, le groupe maritime Exmar a vendu un terminal GNL flottant à l'entreprise italienne ENI.6Cette vente lui a rapporté 293 millions d'euros de profits non taxés.7

Entreprise

Profits non taxés en 2022

Ventes de (entre autres)

Ackermans & van Haaren

340 millions d’euros

Anima et Manuchar

Engie E.S.I.

1 000 millions d’euros

Equans

Bois Sauvage

95 millions d’euros

Recticel

Exmar

293 millions d’euros

Tango FLNG

À eux seuls, ces quatre exemples ont généré 1,7 milliard d'euros de bénéfices qui n'ont pas été taxés en 2022.

Bien sûr, beaucoup d'autres entreprises profitent de cette niche fiscale. Globalement, notre pays perd en moyenne 4,3 milliards d'euros par an depuis 2018, selon les calculs des services de la Chambre.8

Une niche fiscale extrêmement coûteuse, taillée sur mesure pour les grandes entreprises

Les petites entreprises ne peuvent pas ou à peine bénéficier de cette exonération. En effet, si vous détenez moins de 10 % de la société dont vous vendez les actions, ou si vous avez investi moins de 2,5 millions d'euros dans cette société, l'exonération ne s'applique pas et vous devez payer le taux plein de l'impôt des sociétés sur la plus-value.

Le paradis fiscal légal qu’est la Belgique

« Pas d'impôt sur les plus-values en Belgique ? Est-ce vrai ? Oui, sous certaines conditions. Mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle certains considèrent la Belgique comme un "paradis fiscal" légal. En réalité, il est parfaitement légal de bénéficier du régime fiscal favorable de la Belgique et de minimiser vos impôts grâce à une stratégie fiscale légitime, approfondie et optimisée. »9 C’est avec ce genre de textes promotionnels que le système fiscal belge est vanté à l’étranger. On y explique de manière détaillée les conditions dans lesquelles les sociétés sont « 100 % exonérées d'impôt » sur les plus-values sur actions.

3. Le Canada montre que c’est possible : les grandes entreprises aussi paient des impôts sur les deux tiers des plus-values sur actions

Comme c'est le cas dans plusieurs pays de l'OCDE, les plus-values sur actions sont taxées au Canada. C'est donc tout à fait possible, à condition d’en faire un choix politique.

Au Canada, les sociétés sont imposées sur la moitié des plus-values qu'elles génèrent sur la vente d'actions. Cette semaine, le gouvernement canadien a décidé d'étendre la base imposable de la moitié aux deux tiers des plus-values enregistrées à partir de la fin du mois de juin.10

Plus d'infos :

Au Canada, la moitié des soi-disant « capital gains » des entreprises sont imposés au taux de l'impôt des sociétés. Les capital gains sont tous les profits réalisés sur la vente d'investissements, et comprennent donc les actions, les biens immobiliers et autres profits. Au total, ce système rapporte entre 10 et 18 milliards de dollars en impôt des sociétés au Canada.11

Il s'agit d'une source importante de revenus principalement alimentée par les plus grandes entreprises. 

Le gouvernement canadien a décidé mi-avril de relever le « taux d'inclusion » de la moitié (50 %) aux deux tiers (66,6 %) des plus-values enregistrées à partir du 25 juin 2024. Des organisations telles que Canadians for Tax Fairness et les syndicats canadiens plaident depuis longtemps pour taxer jusqu'à 75 % des plus-values, comme ça a longtemps été le cas.12 

En Belgique, les entreprises contribuent à hauteur de 7,7 % aux recettes fiscales totales (chiffres de l'OCDE13), ce qui place notre pays en dessous de la moyenne de l'OCDE, qui est de 9 %. Au Canada, les entreprises contribuent presque deux fois plus : leur contribution représente 11,8 % du total des recettes fiscales. 

4. Proposition du PTB : une taxe Canada pour la Belgique

L'impôt canadien sur les plus-values doit inspirer notre pays pour supprimer le régime fiscal favorable aux multinationales et aux holdings financiers. Si le Canada parvient à taxer équitablement les plus grandes entreprises, pourquoi ne pourrions-nous pas en faire autant ?

  • Dans un premier temps, nous proposons de limiter l'exonération à 100 % existante à un tiers des plus-values. Les deux tiers restants de la plus-value sont imposés au taux de l'impôt des sociétés.

  • Les pertes peuvent être déduites dans les mêmes conditions.

De cette manière, nous faisons un premier pas pour fermer l'une des plus importantes niches fiscales de notre pays. Nous nous assurons ainsi que les très grandes entreprises ne sont plus exemptées et qu'elles paient leurs impôts de manière équitable, comme tout le monde. Cela nous permettra également de générer des revenus importants : cette mesure pourrait rapporter jusqu'à 2 milliards d'euros par an.

Bon à savoir : entre 2013 et 2017, notre pays avait une taxe sur les plus-values sur actions, mais d'à peine 0,4 %.14 Parallèlement à une réduction de l'impôt des sociétés de 33,99 % à 25 %, la Suédoise (MR-N-VA) a décidé, en 2017, de supprimer cet impôt sur les plus-values des sociétés et d'introduire un système très avantageux pour les plus grandes entreprises, mais hors de portée pour les PME.15

Belgique : un enfer fiscal pour les travailleurs et les petites entreprises, un paradis fiscal pour les riches et les multinationales

L’écart fiscal entre multinationales d'une part, et les travailleurs et les PME d'autre part, est insoutenable.

Dans notre pays, les travailleurs avec un salaire moyen paient environ 32 % d'impôts. Mais ce n'est pas tout : quand on fait nos courses, on paie la TVA. Quand on fait le plein d'essence ou qu’on se chauffe, on paie des accises, des tarifs de distribution ; on paie aussi des taxes sur les déchets, des taxes sur les eaux usées, et ainsi de suite... En outre, le gouvernement veut également introduire de nouvelles taxes telles que la taxe carbone.

Les travailleuses et travailleurs ne disposent pas d’une armée d'analystes fiscaux pour les aider à contourner les impôts. Les grandes entreprises, oui. Et elles appellent cela de l'optimisation fiscale.

Une entreprise devrait payer 25 % d'impôt (impôt des sociétés) sur les bénéfices qu’elle génère. C'est la loi. Le fait est que ce n'est souvent pas le cas aujourd'hui. Bien sûr, la boulangerie du coin de la rue paie ses impôts, tout comme les petites entreprises. Mais ce n'est pas le cas de nombreuses multinationales.

L'exonération des plus-values réalisées par une société lors de la vente d'actions constitue une niche importante utilisée par les grandes entreprises. Il est temps de supprimer ce privilège fiscal, il est temps de mettre en place une fiscalité équitable. 

5. Questions fréquentes sur la taxation des plus-values sur actions

Tout ce que nous demandons, c'est que les multinationales paient 25 % d'impôt sur les sociétés. Ces 25 % placeraient la Belgique « dans la moyenne européenne », selon la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Dans nos grands pays voisins, le taux est même légèrement supérieur.

Le taux d'imposition n'est pas la raison déterminante pour laquelle les multinationales investissent en Belgique. Des facteurs comme la productivité élevée de notre main-d'œuvre, la situation stratégique de notre pays, y compris le port d'Anvers, et le grand nombre d’ouvriers et d’employés hautement qualifiés sont autant de raisons pour lesquelles les entreprises investissent dans notre pays.

Le groupe de réflexion Minerva a également étudié la relation entre les impôts et les investissements, mais n'a trouvé aucune corrélation : « Le niveau d'investissement en capital des entreprises dans un pays donné n'est pas en corrélation avec le taux d'imposition des sociétés dans ce pays. »2

La crise de l'énergie a montré que des prix de l'énergie bas et stables sont beaucoup plus décisifs pour attirer les investissements que le taux d'imposition. Les prix élevés de l'énergie, et le fait qu'ils puissent augmenter aussi rapidement sans être bloqués par le gouvernement, font hésiter beaucoup d'investisseurs internationaux à investir en Europe. L'impôt sur les sociétés n'est certainement pas leur première préoccupation.

Bien entendu, il est possible que les sociétés écrans qui sont aujourd'hui installées en Belgique en raison des faibles taxes déplacent leur boîte postale dans un autre pays. Mais ces entreprises ne contribuent en rien à l'économie réelle du pays. Nous encourageons ainsi les autres pays à fermer également leurs niches fiscales.

Le Canada montre qu'il est tout à fait normal d'imposer également les plus-values sur actions. Et ce pays n'est pas réputé pour son mauvais environnement entrepreneurial, bien au contraire.

En outre, les PME qui investissent dans des actions doivent déjà ajouter les plus-values à leurs revenus ordinaires. Grâce à une niche fiscale, les grandes entreprises ne paient pas cette taxe. Pourtant, cela n'a pas toujours été le cas en Belgique. Entre 2013 et 2017, ces entreprises ont payé une (petite) taxe sur les plus-values réalisées.1

Cette taxe est-elle une double imposition ? Ça dépend de la façon dont on voit les choses. Les opposants affirment que les plus-values sont des « bénéfices et dividendes futurs attendus » qui seront ensuite imposés au titre de l'impôt sur les sociétés. Mais aujourd’hui, les PME paient déjà cette taxe. L'argument de la double imposition crée surtout une double non-imposition, car l'impôt futur sera principalement payé par l'acheteur, et non par le vendeur. C’est un moyen créatif de légitimer la niche fiscale.

Idéalement, tous les revenus des entreprises devraient être imposés au taux de 25 %. Ce n'est que s'il peut être démontré que des impôts ont déjà été payés sur une petite partie de la plus-value qu'ils peuvent être déduits. Avec la Taxe Canada, nous faisons un premier pas en exonérant, comme au Canada, un tiers des plus-values. Un pourcentage arbitraire, auparavant seulement un quart était exonéré. Mais au moins, de cette façon, nous évitons la double non-imposition.

D’ailleurs, un travailleur ordinaire paie la TVA et les droits d'accise lorsqu'il fait ses achats avec son salaire déjà taxé. Il paie ensuite la commune pour les sacs poubelles dans lesquels il met l'emballage des produits. Et il doit également payer des impôts à cette même commune. Ce travailleur ne serait que trop heureux de n'être taxé que deux fois.

Comme au Canada, nous ne prélèverons l'impôt qu'au moment de la réalisation de la plus-value. À ce moment-là, il y a un paiement de la partie acheteuse à la partie vendeuse, et nous soumettons ce revenu à un impôt comme n'importe quel autre revenu.

Les plus-values ne sont réalisées que lorsque les entreprises vendent leurs actions. Bien qu'il s'agisse d'un phénomène propre à chaque entreprise qui ne se produit pas de la même manière chaque année, nous constatons qu'en moyenne, les revenus de toutes les entreprises sont relativement stables. Depuis 2018, en Belgique, ce montant fluctue entre 2,14 milliards d'euros et 5,80 milliards d'euros. Au Canada, l'impôt sur les plus-values des sociétés rapporte entre 10 et 18 milliards de dollars canadiens par an (calculé sur la base de l'exonération). Nous estimons que son application en Belgique pourrait rapporter jusqu'à 2 milliards d'euros par an.

De nombreux pays européens imposent une taxe sur les plus-values des entreprises, et la Belgique a fait de même jusqu'en 2017. Il est donc tout à fait possible d'imposer les plus-values dans le cadre de la réglementation européenne.

L'Europe réglemente l'imposition des dividendes par le biais de la directive dite « mère-filiales ». Cette directive prévoit des dispositions pour les bénéfices sous forme de dividendes. La plus-value n’entre pas dans le cadre de cette directive. En outre, la directive sur les fusions impose également des restrictions en cas de fusion, mais notre impôt sur les plus-values ne sera pas prélevé dans ce cas, car il s'agit de transferts au sein d'un groupe d’entreprises.

Les grandes sociétés d'investissement réalisent des bénéfices en partie grâce à l'achat et à la vente d'actions. Elles ne vont pas soudainement changer cela si elles doivent payer une petite taxe. Les entreprises vendent des actions lorsque leurs plus-values sont suffisamment importantes. Cela dépend davantage de l'environnement de marché et du fait de trouver de bons acheteurs pour un prix élevé, que de l'existence d'une taxe.

Depuis les années 1970, les plus-values réalisées par les entreprises qui vendent des actions sont imposées au Canada. Cela rapporte entre 10 et 18 milliards de dollars canadiens. Récemment, le gouvernement canadien a décidé d'augmenter la taxe d'un tiers, car il s'agit d'une source de revenus importante qui affecte principalement les plus grandes entreprises.

1 https://cthi.taxjustice.net/en/ 

2 https://www.tijd.be/ondernemen/zware-industrie/twee-exits-stuwen-ackermans-van-haaren-naar-recordjaar/10450563.html 

3 https://en.newsroom.engie.com/news/completion-of-the-sale-of-equans-a-major-milestone-in-the-execution-of-engies-strategic-plan-4576-314df.html 

4 https://www.bois-sauvage.be/wp-content/uploads/2023/03/CBS2022NL.pdf 

5 https://www.lalibre.be/economie/entreprises-startup/2022/02/23/la-compagnie-du-bois-sauvage-finalise-la-vente-de-ses-parts-dans-recticel-pour-200-milllions-deuros-P3OPOMIGORBWZIUYFR73KUKKD4/ 

6 https://www.offshore-energy.biz/exmar-sells-tango-flng-to-eni/

7 https://www.exmar.com/sites/default/files/media/document_center/reports_and_downloads/financial_reports/exmar_annual_financial_report_2022_pdf.pdf 

8 Chaque année, les services fiscaux de la Chambre calculent le montant de l'impôt sur les sociétés qui nous échappe chaque année à cause de cette niche fiscale. Entre 2018 et 2021 (derniers chiffres disponibles), la moyenne s’élevait à 4,3 milliards d'euros https://www.dekamer.be/FLWB/PDF/55/3646/55K3646002.pdf 

9 https://www.mondaq.com/capital-gains-tax/1155784/the-truth-about-capital-gains-tax-in-belgium 

10 https://www.advisor.ca/tax/tax-news/capital-gains-inclusion-rate-raised-to-66-6-for-high-earners/ 

11Calculé sur la base de l'exonération : https://www.canada.ca/en/department-finance/services/publications/federal-tax-expenditures/2024/part-6.html#Partial-inclusion-of-capital-gains 

12 https://www.taxfairness.ca/en/resources/explainers/explainer-what-are-canadas-worst-tax-loopholes 

13 OECD Corporate Tax Statistics 2023 – https://doi.org/10.1787/f1f07219-en 

14 https://www.demorgen.be/nieuws/di-rupo-we-hebben-de-burgers-maximaal-gespaard~bed37927/

15 https://www.practicali.be/blog/hervorming-vennootschapsbelasting