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Comment les super-riches échappent à l’impôt sur les plus-values de l'Arizona

Les partis de l'Arizona font-ils contribuer les « épaules les plus larges » ? Notre service d'étude s'est penché sur les mesures. Le constat : la taxe sur les plus-values de l'Arizona n'aboutira pas à une participation équitable des super-riches...

Mardi 18 février 2025

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Service d'étude du PTB

Groupe de travail sur la fiscalité

Introduction               

L’impôt sur les plus-values du nouveau gouvernement Arizona devrait faire en sorte que les « épaules les plus larges » contribuent également à l'effort budgétaire prévu de plus de 23 milliards d'euros. Lors du débat parlementaire sur l'accord de gouvernement, Raoul Hedebouw, le président du PTB, a souligné que les super-riches ne paieraient pas d'impôt sur les plus-values, car cet impôt ne s'applique pas à l'impôt des sociétés, et les super-riches gèrent leurs actions par l'intermédiaire de sociétés.

Jan Jambon, le ministre des Finances, a répondu en déclarant que les plus-values sont déjà imposées dans le cadre de l'impôt des sociétés. Il a « oublié » de mentionner qu'il existe une importante niche fiscale dans l'impôt des sociétés pour les participations importantes : la déduction RDT. Grâce à ce mécanisme, les entreprises sont totalement exonérées d'impôts sur leurs plus-values sous certaines conditions. L'impôt sur les plus-values de l'Arizona ne supprime pas cette niche fiscale.

Ce dossier explique pourquoi l'impôt sur les plus-values de l'Arizona épargnera les super-riches. Même après l'introduction de l'impôt sur les plus-values, ils pourront encore utiliser des niches fiscales et ne devront donc pas payer d'impôts sur les plus-values qu'ils réalisent. L'impôt sur les plus-values de l'Arizona ne se traduira donc pas par une contribution juste de la part des super-riches. Celle-ci ne sera possible qu’avec la mise en place d’un impôt sur la fortune ciblant spécifiquement les 1 % les plus riches.

Quand les plus-values sont-elles imposées ?

Une plus-value est le profit réalisé sur la vente d’actions d'une société lorsque celles-ci sont vendues à un montant supérieur à l'investissement initial. Les entreprises et les particuliers peuvent réaliser des plus-values en achetant et en vendant des actions. Il peut s'agir d'actions cotées en bourse ou de participations dans des sociétés non cotées en bourse.

Il existe une confusion entre les plus-values réalisées par des particuliers et les plus-values réalisées par des entreprises. Cette différence est cruciale pour comprendre qui doit ou ne doit pas payer l'impôt sur les plus-values du gouvernement Arizona.

  1. Les plus-values réalisées par une personne physique relèvent du régime de l’impôt des personnes physiques. Aujourd'hui, ces revenus sont exonérés d'impôts. L'impôt sur les plus-values de l'Arizona se situe dans ce régime fiscal.
  2. Les plus-values réalisées par une société relèvent du régime de l’impôt des sociétés. Les plus-values réalisées sont comptabilisées dans le bénéfice d'exploitation et sont imposées au taux normal de l'impôt des sociétés (entre 20 et 25 %).

Concernant l'impôt des sociétés, il existe toutefois un régime exceptionnel non négligeable pour les participations importantes. Si un certain nombre de conditions sont remplies, les plus-values réalisées par une société sur la vente d'actions qu'elle détient dans une autre société peuvent être exonérées à 100 % de l'impôt normal des sociétés. Ce régime d'exonération s'inspire des règles de la « Déduction RDT ». RDT est l'acronyme de « Revenus Définitivement Taxés ». Les conditions pour bénéficier de cette exonération sont les suivantes :

  1. La condition de participation : la société détient une participation d'au moins 10 % OU 2,5 millions d'euros dans la société dont les actions sont vendues. 
  2. La condition de permanence : les actions sont détenues depuis au moins un an par la société.
  3. La condition de taxation : la société dont les actions sont vendues est imposée selon un régime fiscal normal.

Les propos de M. Jambon, le ministre des Finances, sont donc trompeurs quand il laisse entendre que les plus-values réalisées par les sociétés sont en principe imposées dans le cadre de l'impôt normal des sociétés. Ce n'est pas le cas pour les participations importantes.

L'impôt sur les plus-values de l'Arizona : uniquement pour l'impôt des personnes physiques, pas pour l'impôt des sociétés

L'impôt sur les plus-values de l'Arizona apporte un changement. Lors du débat parlementaire à la Chambre, Jan Jambon (N-VA), le ministre des Finances, a confirmé que l'impôt sur les plus-values que l'Arizona souhaite introduire ne concerne que l'impôt des personnes physiques1.

L'impôt sur les plus-values de l'Arizona comprend deux régimes différents :

  1. Un impôt de 10 % est prélevé sur les plus-values réalisées lors de la vente d'actions. Dans ce contexte, les 10 000 premiers euros de plus-values réalisées sont exonérés d'impôt.
  2. Si l'on détient un « intérêt considérable » d'au moins 20 % dans la société dont on vend les actions, des règles différentes s'appliquent. Dans ce cas, le premier million de plus-values réalisées est exonéré d'impôt. Tout ce qui dépasse ce montant est imposé progressivement : 1,25 % entre 1 et 2,5 millions ; 2,5 % entre 2,5 et 5 millions ; 5 % entre 5 et 10 millions ; 10 % au-delà de 10 millions.

Les grandes fortunes gèrent leurs actions par l'intermédiaire de sociétés

Contrairement aux petits investisseurs ou aux entrepreneurs de PME, les Belges les plus riches gèrent leurs actions par l'intermédiaire de sociétés. Les « family offices » des familles les plus riches de Belgique s’illustrent dans ce domaine. L'impôt sur les plus-values de l'Arizona ne modifie pas l'exonération fiscale de 100 % des plus-values réalisées par des entreprises, en cas de participation importante2. L’Arizona conserve donc la niche fiscale très utilisée qui permet aux grandes fortunes de réaliser des plus-values exonérées d'impôt sur la vente d'actions.

Quelques exemples concrets l’illustrent à merveille :

  • En 2022, la Compagnie du Bois Sauvage, la société d'investissement contrôlée par le multimillionnaire liégeois Guy Pacquot, a vendu sa participation dans le groupe immobilier Recticel. Ce faisant, elle a enregistré un profit de près de 95 millions d'euros. Ce profit a été totalement exonéré d’impôts. Elle a ensuite pu le réinvestir. Si, à un moment donné, le groupe décidait de vendre sa participation dans des sociétés comme Umicore ou Neuhaus en réalisant des plus-values, cette opération pourrait encore être exonérée d’impôts.
  • En 2022, Cobepa, le véhicule d'investissement de la famille De Spoelbergh, a vendu sa participation dans la société de transport allemande Hillebrand.
​ La vente a permis de réaliser une plus-value de 620,5 millions d'euros. Étant donné que Cobepa détenait 58 % des actions d’Hillebrand, Cobepa ne doit pas payer d'impôts sur cette plus-value. Par conséquent, la famille De Spoelberch pourra réinvestir intégralement cet argent. Même avec les modifications apportées par l'Arizona, les plus-values réalisées resteraient exonérées d'impôt à 100 %.
  • Si Straco, le véhicule d'investissement de la famille De Raedt-Verheyden, active dans le secteur des laboratoires, devait vendre sa participation dans Incendin, le spécialiste de la lutte contre les incendies, il pourrait lui aussi profiter de la niche dans le régime des plus-values pour éviter de payer l'impôt sur les plus-values. Après tout, Straco a pris une participation de plus de 110 millions d'euros dans l'entreprise en 2022.

Les « family offices » des familles les plus riches de Belgique sont donc exonérés de l'impôt sur les plus-values de l'Arizona. Tant que les membres de la famille ne vendent pas eux-mêmes leurs actions gérées par les « family offices », ils échappent à l’impôt. En outre, les participations dans ces sociétés d'investissement peuvent être structurées de différentes manières, afin de pouvoir être transmises de génération en génération. De cette manière, la réalisation de plus-values par les familles les plus riches peut donc être postposée pendant des décennies. C'est un problème que les économistes français Emanuel Saez et Gabriel Zucman décrivent depuis longtemps comme l'une des raisons pour lesquelles les impôts sur les plus-values n'affectent pas les ultra-riches en pratique.

Selon des études récentes menées par le professeur André De Coster et ses collègues, le rendement des actifs financiers concentrés chez les 1 % les plus riches est déterminant dans l'augmentation des inégalités de revenus en Belgique. Une grande partie de la base imposable pour l’impôt sur les plus-values de l'Arizona est donc perdue. Un impôt sur la fortune ne présente pas ce problème.

Conclusion

L'impôt sur les plus-values de l'Arizona s'applique uniquement à l'impôt des personnes physiques. En effet : les grandes fortunes gèrent la plupart de leurs actions par l'intermédiaire de sociétés. Par conséquent, elles ne paient pas l'impôt sur les plus-values de l'Arizona. Les plus-values qu’elles réalisent peuvent encore être exonérées d’impôt à 100 %. Par conséquent, une grande partie de la base imposable échappe au nouvel impôt. L'impôt sur les plus-values concernera principalement les petits investisseurs et les PME, et épargnera les super-riches. Pour faire contribuer les super-riches de façon juste, il est nécessaire d'instaurer un impôt sur la fortune, qui ne viserait que les 1 % les plus riches.

Résumé : comment sont imposées les plus-values dans le cadre de la vente d’actions ?

1. Ministre Jan Jambon « Il est vrai qu'il s'agit de l'impôt des personnes physiques. » (p. 26, rapport de la session plénière du 5 février 2025 : https://www.dekamer.be/doc/PCRI/pdf/56/ip025.pdf

2. L'accord de gouvernement durcit légèrement la condition de participation dans le cadre du régime RDT, mais l'exonération de 100 % reste en place.