Le PTB plus proche de toi et toi plus proche du PTB. Renforce la vague sociale.!

Télécharge notre app

Avec les plans de l’Arizona, au moins une personne sur trois sera sanctionnée en cas de pension anticipée

Les partis de l'Arizona négocient un « malus pension » : une pénalité financière pour les travailleurs qui prennent une pension anticipée et qui ne remplissent pas certaines conditions. Un personne sur trois qui prend une pension anticipée ne remplit pas ces conditions.

Vendredi 17 janvier 2025

Une femme travaille dans une boulangerie industrielle

Sofie Merckx, cheffe de groupe PTB à la Chambre

Kim De Witte, député fédéral PTB

Service d'études du PTB

Extrait de la super note de Bart De Wever de novembre 2024 

« Le montant de la pension sera réduit d'un malus de X % (jusqu'en 2030), X % (jusqu'en 2040), X % (à partir de 2040) par année de départ avant l’âge légal, si le pensionné remplit les conditions de carrière pour la pension anticipée, mais ne présente pas 35 années de carrière de 156 jours de travail effectif et 7020 jours effectivement travaillés. […] Les périodes de congé de maternité et d’interruption/réduction de carrière pour motif de soins, et de congé de naissance, sont assimilées à des prestations de travail effectif. »

I. En bref : 

  • Les partis de l'Arizona négocient un « malus pension » : une pénalité financière pour les travailleurs qui prennent une pension anticipée et qui ne remplissent pas certaines conditions.

  • Il s'agit des travailleurs qui prennent leur pension avant l'âge légal de 66 ans (ou 67 ans à partir du 1er janvier 2030) et qui présentent moins de (1) 35 années de carrière de 156 jours de travail effectif et de (2) 7 020 jours de travail effectif sur l'ensemble de leur carrière. 

  • Un personne sur trois qui prend une pension anticipée ne remplit pas ces conditions. Le malus entraînerait une forte réduction de leur pension.

II. Un « malus pension » pour ceux qui prennent une pension anticipée

Le malus est l'un des moyens utilisés par l'Arizona pour réduire les pensions. Le système prévoit une pénalité financière pour les personnes qui prennent leur pension avant l'âge légal de 66 ans (ou 67 ans à partir du 1er janvier 2030). La sanction consiste en une dépossession définitive des droits de pension déjà acquis.

Seules les personnes qui comptabilisent un certain nombre d'années et de jours de travail effectif échappent au malus de pension. La proposition actuelle est assortie de deux conditions strictes :

  1. 35 années de carrière de 156 jours de travail effectif chacune ;

  2. 7 020 jours de travail effectif sur l'ensemble de la carrière

La proposition précise que seules « les périodes de congé de maternité et d’interruption/réduction de carrière pour motif de soins, et de congé de naissance » sont assimilées à des prestations de travail effectif. 

Les autres périodes pendant lesquelles un travailleur est temporairement incapable de travailler, comme par exemple en cas de maladie, de chômage (temporaire), ou de prestations professionnelles réduites dans le cadre d'aménagements de fin de carrière, ne sont pas assimilées. Il ne s’agit pas d’un détail : ce sont précisément ces périodes qui concernent de très nombreux travailleurs, et qui constituent actuellement la grande majorité des périodes assimilées.

La question est donc la suivante : combien de personnes qui prennent une pension anticipée ne remplissent pas ces conditions ?

III. Au moins un tiers des personnes qui prennent une pension anticipée seront impactées par un « malus pension »

Dans le présent dossier, nous examinons le nombre de personnes qui remplissent ou non la première condition : 35 années de carrière de 156 jours de travail effectif chacune.

30 % des personnes qui ont pris leur pension avant l'âge légal de la pension en 2023 présentent moins de 35 années de carrière avec au moins 156 jours de travail effectif. C'est ce que nous confirme le cabinet de la ministre fédérale des Pensions, Karine Lalieux, sur la base des données de carrière du Service fédéral des pensions.

Ces chiffres ne concernent que le groupe de personnes qui ne remplissent pas la première condition. Les personnes qui remplissent la première condition mais pas la seconde, et qui sont donc également sanctionnées par un malus de pension, ne sont pas incluses dans ce calcul. Cela signifie que ces 30 % constituent une sous-estimation. Par conséquent, nous affirmons qu'au moins une personne sur trois qui prend une pension anticipée serait concernée par un malus de pension.

L'impact de la deuxième condition (7 020 jours de travail effectif sur l'ensemble de la carrière) ne peut en aucun cas être sous-estimé : une personne qui travaille à mi-temps pendant 40 ans (156 jours par an) ne remplit pas cette condition.

IV. Quel est l'impact du « malus pension » ?

Le malus s’accumule pour chaque année entre votre départ à la pension et l’âge légal de la pension. Le pourcentage n’a pas encore été fixé de façon définitive dans la dernière version du document de négociation, mais lors de la campagne électorale de 2014, la N-VA a proposé un malus de pension de 5 %. Nous prenons ce chiffre pour exemple.

Sur la base de ce chiffre, une personne qui prend une pension anticipée à 62 ans, c'est-à-dire quatre ans avant l'âge légal de la pension, sans remplir les conditions de 35 années de travail effectif et de 7 020 jours, perd 20 % (quatre fois cinq pour cent) du montant de sa pension. À partir de 2030, pour la même personne, lorsque l'âge légal de la pension passera à 67 ans, la pénalité s’élèvera à 25 % du montant de la pension.

Calcul :

  • l'âge légal de la pension est fixé à 66 ans

  • 66 - 62 ans = 4 ans

  • 4 ans x 5 % = 20 %

Une personne percevant une pension de 1 500 euros par mois perdrait ainsi 300 euros. Chaque mois, jusqu'à la fin de sa vie.

Voici un exemple concret, inspiré de la vie réelle :

Mieke a 63 ans et a accumulé une pension de 1 600 euros. Elle travaille dans le secteur de la santé depuis 42 ans, avec tout ce que cela implique : prendre soin des gens, les porter, devoir leur dire adieu, les longues heures de travail, les pénuries permanentes de personnel... Voici un aperçu de sa carrière :

Tableau montrant la carrière de Mieke

Tableau 1 : Carrière de Mieke. Les périodes en gras comptent comme des années de travail. 

Mieke n'atteindra 35 années de travail effectif qu'à 66 ans. Si elle s'arrête à 63 ans, elle perdra 15 % (trois fois 5 %) de sa pension. Cela représente 240 euros de moins par mois, pour le reste de sa vie.

V. Les métiers pénibles et les femmes sont les plus touchés par le « malus pension »

Les personnes exerçant un métier pénible sont particulièrement concernées par cette mesure. La pénibilité de leur travail les oblige plus souvent à prendre une pension anticipée. Au cours de leur carrière, elles sont également plus exposées aux risques de maladie. Il suffit de penser à l'ouvrier du bâtiment aux genoux abîmés, ou à l'ouvrier d'usine qui a le dos détruit. Leurs périodes de maladie ou de chômage temporaire ne comptent plus, alors qu'il leur est souvent physiquement impossible de travailler plus longtemps.

Luc a 62 ans et travaille depuis l'âge de 19 ans. Il souhaite prendre une pension anticipée après une carrière de 43 ans dans le secteur de la construction. Il recevra une pension de 1 700 euros. Voici un aperçu de sa carrière : 

Tableau montrant la carrière de Luc

Tableau 2 : Carrière de Luc. Les périodes en gras comptent comme des années de travail. 

Luc perdra 20 % de sa pension après une carrière de 43 ans. En raison du malus de pension, il percevra 340 euros de moins par mois. 

Les femmes sont particulièrement touchées par cette mesure. En effet : les femmes assument toujours une grande partie des tâches de soins et des tâches ménagères. En outre, elles sont beaucoup plus susceptibles de travailler à temps partiel : 40 % des femmes ne le font pas par choix, mais parce que c'est souvent le seul moyen de combiner famille et travail, ou parce que seuls des emplois à temps partiel sont disponibles. En outre, les femmes sont davantage représentées dans le groupe des malades de longue durée.

VI. Comment ça, nos pensions sont impayables ?

Selon la super note, la Belgique serait confrontée à des « défis uniques ». Les coûts du vieillissement seraient « principalement liés aux coûts des pensions » et « sans changements politiques majeurs, les pensions belges risqueraient sérieusement de devenir impayables ». En bref, nous devons réduire les droits à la pension. Il n’y a pas d’alternative.

Tout travailleur qui a déjà jeté un coup d'œil sur mypension.be s'interroge certainement sur ces sombres perspectives. La pension moyenne d'un travailleur est de 1 467 euros par mois. Nos pensions continuent d’être presque les plus faibles d'Europe occidentale. Alors, comment peuvent-elles être impayables ?

Il existe un organisme chargé de calculer le coût du vieillissement dans notre pays, c'est le Comité d'étude sur le vieillissement. Mettons les cris d'alarme de la super note en regard des derniers rapports du Comité d'étude sur le vieillissement et de la Commission européenne.

Des « défis uniques » ? Aujourd'hui, la Belgique consacre un peu plus de 11 % de sa richesse aux pensions. C'est la moyenne de la zone euro. Cinq pays d'Europe occidentale dépensent davantage. En Belgique, les dépenses pour les pensions tendront vers un peu plus de 13 % d'ici 2050. C'est toujours moins que ce que la Finlande, l'Autriche et la France investissent déjà aujourd'hui dans leurs pensions. Impayable ? Comment ces pays font-ils, alors ?

Dans la zone euro, les dépenses pour les pensions augmenteront en moyenne de 1 % d'ici 2050. Moins dans certains pays, plus dans d'autres. En Espagne, les dépenses pour les pensions augmenteront de 4 % d'ici 2050, soit deux fois plus que chez nous. En Slovaquie, de 3 %, au Portugal, de 2,5 %. L'affirmation selon laquelle la Belgique serait confrontée à des « défis uniques » est donc fausse. Le vieillissement est un défi pour l'ensemble du monde industrialisé.

« Les coûts liés au vieillissement sont principalement liés aux coûts des pensions » ? Là encore, le Comité d'étude sur le vieillissement est clair. Ce ne sont pas les pensions, mais les dépenses de santé qui augmenteront le plus d'ici 2050 (et 2070). Si une partie du surcoût des soins de santé est liée au vieillissement, une partie importante ne l'est pas. Dans son rapport annuel, le Comité établit une distinction entre les soins chroniques et les soins aigus. Les soins chroniques en particulier sont liés au vieillissement et représentent un quart des dépenses (un tiers d'ici 2050).

Cela nous amène à la discussion sur le financement de notre système de soins de santé, avec les dépenses excessives liées aux suppléments d'honoraires des spécialistes, aux médicaments hors de prix de Big Pharma et à la médecine à la prestation de l'industrie médicale. Ceux-ci pompent des milliards hors de notre système de sécurité sociale. Avec les mesures que nous proposons – l'introduction du modèle kiwi sur les médicaments brevetés et la réduction des suppléments d’honoraires excessifs et de la médecine à la prestation –, nous pouvons économiser deux milliards par an.

« Sans changements politiques majeurs, les pensions belges risqueraient sérieusement de devenir impayables » ? Les retraités représentent aujourd’hui un peu plus d'un cinquième de notre population, et les pensions un peu plus d'un dixième de notre richesse annuelle (PIB). Ces chiffres évolueront pour devenir un quart de notre population et un huitième de notre PIB. Est-ce payable ? Bien sûr que oui. Six pays d'Europe occidentale investissent déjà aujourd'hui un huitième ou plus de leur PIB dans les pensions.

Ce ne sont pas les dépenses, mais les revenus qui constituent la plus grande menace pour pouvoir payer nos pensions. Les pensions sont payées par les cotisations sociales sur nos salaires. Il s'agit d'une sorte de salaire différé. Mais les gouvernements successifs ont furtivement sapé ce salaire différé. Les administrateurs de la sécurité sociale ont déjà tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises. Les cotisations patronales font comme les calottes polaires : elles fondent.

Selon le Bureau du Plan, les exonérations, les réductions des cotisations patronales pour la sécurité sociale et les subventions salariales représentent déjà 16 milliards d'euros par an. Ce chiffre passera à 18 milliards d'ici 2029. Cela représente près de 3 % de notre PIB, soit plus que l'augmentation des coûts des pensions en pourcentage du PIB pour les 25 prochaines années. Les réductions de cotisations et les subventions salariales vont très loin en Belgique. Dans un pays comme l'Autriche, où les pensions légales sont supérieures d'un tiers et où les hommes peuvent encore prendre leur retraite à 65 ans et les femmes à 60 ans, les cotisations sociales sur les salaires sont plus élevées et n'ont pas été systématiquement réduites.

Le processus de vieillissement s'étend sur de nombreuses années. Cela pose de sérieux défis. Nous y associons une vision à long terme qui protège les salaires différés et combat le ver qui ronge la sécurité sociale. C’est une question de choix, pas de lois. Voulons-nous une société où les personnes âgées peuvent vivre dans la dignité ? Voulons-nous répartir plus équitablement les richesses et renforcer la solidarité ? La réponse à ces questions déterminera l'avenir du droit à la pension, non seulement le nôtre, mais aussi celui de nos enfants.