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L'Arizona démasqué | Un budget qui nous fait payer et qui va nous enfoncer dans la crise

Le gouvernement Arizona justifie son plan d’austérité de 23 milliards d’euros par la nécessité de préserver la viabilité de notre système social. Pourtant, ces mesures frappent principalement la classe travailleuse, tandis que les super-riches sont épargnés. Et cette cure de restrictions va nous plonger dans la crise et nous enfermer dans une austérité permanente. Au lieu d’une militarisation accrue, nous avons besoin d’investir dans les gens, l’industrie et la paix.

« Notre situation budgétaire est préoccupante » nous dit la première ligne du discours du premier ministre Bart De Wever en ouverture de l’accord du gouvernement Arizona, qui ajoutera ensuite à la chambre dans son premier discours que « notre prospérité est menacée ». Menacée par quoi ? Selon le gouvernement Arizona, le problème est à chercher du côté des « dépenses publiques trop généreuses », mises sous pression par le vieillissement de la population. Tandis que la charge fiscale pesant sur les travailleurs et les entreprises est telle qu’on ne peut plus l’augmenter si on veut préserver notre compétitivité.

Alors, il faut, selon Bart De Wever, remettre de l’ordre. Il faut économiser. Et pas un peu. Le budget fédéral prévoit un effort budgétaire de plus de 23 milliards d’euros d’ici 2029. Le plus grand plan d’austérité depuis les années 1990. Des mesures d’économies douloureuses, mais « nécessaires pour garantir la viabilité financière de notre système de sécurité sociale. Nous le devons à nous-mêmes et aux générations futures ». La réalité est bien différente.

Alors que le déficit budgétaire est le résultat de cadeaux fiscaux qui ont profité aux plus grandes entreprises, c’est sur la classe travailleuse que se reporte l’essentiel de l’effort budgétaire de l’Arizona. Les plus riches sont une nouvelle fois épargnés par les mesures budgétaires, contrairement aux promesses de campagne et aux discours actuels de Vooruit, du cd&v ou des Engagés.

Nous somme face à un budget de classe, déséquilibré et qui risque d’aggraver le problème budgétaire en bloquant l’économie, nous enfermant alors dans une austérité permanente. Un budget qui nous éloigne de la réponse aux défis industriels, sociaux et environnementaux urgents au profit d’une militarisation de notre société.

Un budget payé par la classe travailleuse

Pour qualifier l’effort budgétaire, l’accord du gouvernement Arizona parle « d’une clé de répartition équilibrée », tandis que dans son discours d’investiture, le premier ministre Bart de Wever et son gouvernement expliquent que cette effort exigerait « des sacrifices de la part de tous les acteurs de notre société ». Tous les acteurs ? Quand on lit les tableaux budgétaires, une autre image apparaît.

Répartition des mesures budgétaires en 2029

L’essentiel des mesures sont des économies directes et indirectes sur le dos des travailleurs :

  1. 8,1 milliards de « réformes socio-économiques », c’est-à-dire une réforme des pensions qui nous fera travailler plus longtemps et pour des pensions plus faibles (2,4 milliards), une réforme du marché du travail qui attaque les travailleurs sans emploi, malades, précaires (2,7 milliards) et une quasi-disparition de l’ « enveloppe bien-être » (2,8 milliards) qui sert à augmenter les petites pensions et les allocations sociales les plus basses des travailleurs salariés ou indépendants (voir chapitres Emplois et Pensions).
  2. 7,88 milliards proviennent de l'effet retour de l’augmentation attendue du taux d’emploi jusqu’à 80 % de la population active. Un objectif peu crédible et que le gouvernement entend atteindre en mettant la pression sur les travailleurs malades, en facilitant le recours à des emplois flexibles, au travail étudiant, au travail de nuit ou de week-end et en réduisant les allocations sociales ou le droit à une prépension. Donc un « effet retour » qui sera payé par la classe travailleuse.
  3. 1,6 milliards d’économies dans l’administration publique fédérale. Donc moins de monde aux guichets ou pour traiter les demandes des citoyens, et des bâtiments publics qui vont continuer à se dégrader.
  4. 523 millions de coupes dans la santé, qui porteront essentiellement sur le personnel et les soins apportés aux malades (voir chapitre Santé).
  5. 1,05 milliards de coupes dans les subsides à d’autres services publics fédéraux. Des coupes dans les services publics du quotidien, SNCB et bpost, 25 % de coupes dans le budget de la recherche scientifique et les musées et institutions scientifiques et culturelles fédérales ainsi que dans la coopération au développement, ou encore dans le financement des infrastructures de la capitale par l’État fédéral (Beliris).
  6. 1,4 milliards de coupes dans le budget alloué à la migration, que ce soit au niveau de l’accueil avec une baisse de près de 2/3 du budget de Fedasil, ou dans les aides sociales accordées aux réfugiés (voir chapitre Droit d’asile).

Pendant ce temps, la promesse de faire contribuer équitablement « épaules les plus larges » se heurte à la réalité des chiffres. Elles ne contribuent qu’à hauteur de 6,3 % au budget de l’Arizona. Et encore, cette contribution est composée de mesures qui ne toucheront pas les plus grandes fortunes ou les grandes entreprises (voir chapitre Fiscalité). Sachant que 25 % des richesses en Belgique sont détenues par le 1 % des personnes les plus riches, on est loin d’un effort équitablement réparti.

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Un déficit qui ne tombe pas du ciel : il est créé par les cadeaux aux grandes entreprises

Pour justifier les économies brutales dans les dépenses sociales, le gouvernement Arizona nous explique qu’il n'y a pas le choix, pas d’alternatives : il faut résorber le déficit budgétaire.

Mais quelle est la raison du déficit du budget fédéral ? Si on écoute Bart De Wever dans sa déclaration de formateur, c’est un problème de dépenses sociales : « En raison de l’évolution démographique, la viabilité financière de notre système de soins de santé et de pensions est menacée. » Des pensions trop précoces et trop élevées, la hausse des dépenses de santé liées au vieillissement, voilà le problème que cette coalition Arizona entend résoudre.

Une sécurité sociale qui nous coûte trop cher ? Ce n’est pas ce que disent les chiffres. Une comparaison faite par la Banque nationale de Belgique (BNB) en 2021 montre que la Belgique dépense un peu moins pour la sécurité sociale et les soins de santé que la moyenne des pays voisins. Nous consacrons 11,5 % de notre PIB (donc de la richesse produite en Belgique) au paiement de nos pensions. Une part qui devrait culminer à 13,5 % du PIB selon le Comité d’étude sur le vieillissement si on garde le système actuel. Impayable ? C’est pourtant déjà la part de leur richesse intérieure que l’Autriche, la Finlande et la France consacrent aujourd’hui au financement de leur système de pensions. Notre système social n’est pas non plus particulièrement généreux. Les pensions belges sont parmi les plus basses d’Europe, les conditions d’accès aux allocations de chômage parmi les plus strictes. Par contre, toujours d’après ce même rapport de la Banque Nationale, ce sont les mesures « de soutien à l’activité économique » (lisez « les subsides aux entreprises ») de l’État qui sont particulièrement élevées dans notre pays par rapport à nos voisins.

Un trou de 8 milliards en 2024 créé… par le tax shift du gouvernement MR–N-VA de 2014

Alors, pourquoi on n’arriverait plus à financer notre sécurité sociale ? Une étude récente du Denktank Minerva s’est penchée sur la question. Ses résultats font apparaître qu’à lui seul, le tax shift décidé par le gouvernement Michel (2014-2019) avec une baisse de l’impôt des sociétés et une réduction des cotisations patronales, a créé un trou évalué à 8 milliards par an en 2024 dans le financement de la sécurité sociale. Un chiffre qui coïncide presque parfaitement avec le déficit primaire1actuel du budget fédéral. Ce tax shift fait suite à d’autres cadeaux fiscaux aux entreprises décidés depuis plusieurs décennies. Pour 100 euros de salaire brut, les entreprises versaient 33 euros à la sécurité sociale en 1996, contre seulement 21 euros aujourd'hui. Des réductions qui représentent un trou de 16 milliards par an dans le financement de la sécurité sociale en 2024.

Aujourd’hui, ce déficit de recettes sert d’argument sacré à Bart De Wever pour justifier des coupes brutales dans la sécurité sociale. Faire payer les travailleurs pour combler le trou créé par les cadeaux faits aux entreprises, et en premier lieu le tax shift décidé par les mêmes partis MR et N-VA il y a dix ans.

Nous produisons de plus en plus de richesses dans ce pays pour financer notre sécurité sociale maintenant et dans les prochaines années. Le problème, c'est que nous ne parvenons pas à la récupérer là où elle se trouve : chez les plus riches et auprès des plus grandes entreprises qui ont profité de cadeaux fiscaux sans jamais devoir rendre de compte. Les déficits publics structurels en Belgique sont le résultat d’un choix de classe : celui de couper dans les cotisations payées par les entreprises pour notre sécurité sociale et de ne pas taxer les plus grosses fortunes. Et de faire des cadeaux aux grandes entreprises.

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Un budget qui ne tient pas la route et qui annonce une austérité sans fin

L’effort budgétaire demandé par le gouvernement Arizona est inédit, « Il s’agira de l’assainissement le plus difficile de notre histoire moderne » nous dit Bart De Wever dans le texte de l’accord de gouvernement, ajoutant lors de son discours d’investiture à la chambre que « Le voyage qui nous attend n'a rien d'une promenade de santé mais celles et ceux qui feront l'effort de gravir cette montagne pourront apprécier la vue depuis le sommet ». Le gouvernement Arizona nous le promet : une fois les efforts faits pour remettre de l’ordre, nous serons récompensés par une situation budgétaire saine et sérieuse, qui garantit « la viabilité à long terme des finances publiques ».

Or avant même de commencer, ce budget prend l’eau de toutes parts. Faute de faire contribuer les grandes fortunes (voir chapitre Fiscalité), le gouvernement Arizona fonde l’essentiel des nouvelles rentrées budgétaires sur un pari : 7,8 milliards, un tiers de l’effort budgétaire total de 23 milliards, est censé provenir de « l’effet retour de l’augmentation du taux d’emploi ». Les mesures fiscales en faveur des grandes entreprises additionnées à une politique « d’activation » des travailleurs (voir chapitres Emplois, Pensions et Santé pour le détail) sont censées permettre d’augmenter le taux d’emploi de 72 % aujourd’hui à 80 % en 2029. Et ainsi de faire augmenter l’activité économique et les rentrées fiscales.

« Je n’ai jamais vu une estimation aussi excessive »explique l’économiste de l’UGent Geert Peersman. « L’augmentation du taux d’emploi à 80 % n’est pas réaliste » dit la Banque Nationale de Belgique. Aucun économiste sérieux ne croit au pari de l’Arizona.

La KULeuven a calculé l’effet retour du fameux tax shift du gouvernement Michel en 2014, qui coûte 8 milliards par an au financement de la sécurité sociale. Le résultat : un effet retour de 4 à 15 %. Or dans le budget Arizona, l’effet retour attendu est bien plus élevé : près de 50 %. C’est irréaliste. Si on se base sur un effet retour similaire à celui du tax shift Michel, on aurait au mieux 2 milliards de rentrées supplémentaires.

Réduire la couverture sociale et déréguler le marché du travail pour gonfler le taux d’emploi, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas ont déjà pris des mesures similaires. Le résultat : une remontée fictive du taux de personnes au travail par la multiplication des statuts précaires, des postes à temps partiels et une baisse de la productivité2. De même, en Belgique, alors que le taux d’emploi a augmenté de 5 % entre 2010 et 2020, on a vu la proportion des cotisations patronales dans le financement de la sécurité sociale se réduire de 5 % et celles des travailleurs baisser de 2 %. Un bilan nul pour le budget fédéral et la sécurité sociale qui s’explique par les nombreux cadeaux fiscaux faits aux entreprises et par la multiplication des statuts précaires (jobs étudiants, faux indépendants, Flexi-jobs, chèques-services…). Ces statuts précaires rapportent peu aux travailleurs, sont exonérés (d’une partie) des cotisations patronales et ne participent pas ou très peu au financement de la sécurité sociale.

Bref, le gouvernement Arizona n’arrivera pas à remettre le budget à l’équilibre avec les mesures prévues. Dans le meilleur des cas, seuls 2 des 7,8 milliards prévus d’effet retour aboutiront dans les caisses de l’Etat. Le gouvernement fédéral risque donc de revenir avec une ou plusieurs nouvelles vagues d’austérité dans les prochaines années pour combler les milliards manquants. De Wever, en parlant de l’austérité qui s’annonce, explique qu’il faudra franchir cette montagne pour apprécier la vue depuis le sommet. Mais cette ascension risque plutôt de ressembler au mythe de Sisyphe, ce personnage mythologique condamné à faire rouler éternellement jusqu'en haut d'une colline un rocher qui en redescend chaque fois avant de parvenir au sommet. Bart de Wever et Axel Ronse (député N-VA) ne s’en cachent d’ailleurs pas, le premier en parlant d’un « effort budgétaire qui prendra au moins dix ans », le second en disant qu’il faudrait 20 ans de gouvernement De Wever pour rétablir l’équilibre budgétaire. Et avec quelles mesures d’austérité supplémentaires ? Le rapport de la banque nationale, sous la direction du libéral Pierre Wunsch, pointe clairement une cible : l’indexation des salaires, de nouvelles coupes dans les pensions et dans les prestations sociales.

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« Tailler dans les dépenses pour relancer la croissance » : une idée stupide et dangereuse

« Nous allons réaliser l'exercice d'assainissement budgétaire le plus difficile de l'histoire de notre pays. Ce ne sera pas agréable, mais un régime contraignant est parfois la seule option pour continuer à vivre sainement » dit le nouveau premier ministre Bart De Wever.

« Snoeien om te groeien », tailler (dans les dépenses publiques) pour relancer la croissance demain, le gouvernement Arizona n’a rien inventé. C’est la même recette qu’on applique depuis au moins quarante ans. Le gouvernement ne fait que copier les politiques qui ont déjà été menées plus durement que chez nous en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Italie et qui ont rendu leur demande intérieure si faible qu’elle cause aujourd’hui la destruction massive de leur secteur industriel et de leur économie. En laissant se dégrader les infrastructures publiques, en plus de dégrader les services de santé, de chemin de fer ou d’enseignement, ces politiques augmentent la dette cachée et les coûts futurs pour la collectivité.

« “Snoeien om te groeien”, c’est l’idée la plus stupide qu’un gouvernement puisse appliquer » explique l’économiste internationalement reconnue Marianna Mazzucato. Dans un monde qui bascule, avec la montée du protectionnisme de Trump et l’émergence de la Chine, pense-t-on qu’on va s’en sortir, qu’on va « rivaliser » avec d’autres, en « baissant nos coûts du travail » ? Et pas en ayant d’abord une politique volontariste sur le front de l’innovation, de la technologie et des investissements ?

Au contraire, poursuit Mazzucato, nous avons besoin d’investir publiquement bien plus. Dans l’industrie et en particulier dans la production et la distribution d’énergie verte et bon marché. Dans les infrastructures, les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle. Dans la transition climatique, avec un grand plan public de rénovation des bâtiments et de développement des transports en commun. Des investissements publics qui ont un effet multiplicateur sur la croissance économique estimé entre 1,4 et 2,3 et permettent donc de réduire le poids de la dette publique bien plus efficacement que l’austérité budgétaire, tout en répondant aux besoins des gens et de la planète.

Ce gouvernement entend faire tout l’inverse : 2 milliards d’économies en 5 ans dans la santé et 675 millions de moins pour la SNCB, 25 % de budget en moins pour la recherche scientifique fédérale, pas un euro d’investissement prévu dans l’énergie et même des centaines de millions d’économies dans les projets en matière d’hydrogène vert indispensable à la métallurgie ou la chimie.

Que l'Arizona veuille résoudre le déficit budgétaire en coupant aveuglément n'est pas seulement injuste socialement, mais aussi inefficace. La réduction du pouvoir d'achat des actifs et des retraités diminuera la consommation intérieure. Le manque d’investissement dans les infrastructures réduira les performances de notre économie. Un cercle vicieux menace alors de s'enclencher, le médicament rendant le patient plus malade et les coupes budgétaires se succédant à un rythme accéléré. Nous avons besoin d'investissements dans les gens, l’industrie, la paix et d'une fiscalité équitable, pas d'une austérité aveugle. 

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Faire plus avec moins… sauf pour la militarisation

« On peut et on doit faire plus avec moins », voilà le discours pour les budgets de la santé, des chemins de fer ou de l’administration publique. Il n’y a pas d’investissements publics sérieux prévus par l’Arizona. Au contraire, le gouvernement annonce même une limite des investissements publics à maximum 3 % : à peine plus que ce qui est nécessaire pour entretenir et renouveler les infrastructures publiques existantes.

Dans l’économie, ce sont les subsides sans conditions aux entreprises privées qui restent l’alpha et l’omega de l’Arizona. Sans contrôle de résultats. Même concernant l’énergie, le gouvernement espère du privé les investissements énormes pour l’approvisionnement et la transition énergétiques. Il n’y a pas un euro nouveau prévu dans les tableaux budgétaires.

Un seul domaine échappe à cette austérité généralisée : les investissements militaires. « Nous investissons ainsi de manière essentielle dans le matériel et le personnel, mais aussi dans l'industrie de la défense, afin d'augmenter la capacité et encourager l'innovation. Nous prendrons nos militaires et notre défense au sérieux » a dit De Wever le 4 février à la Chambre.

Pour acheter plus de chars, d’avions et d’armes, le gouvernement Arizona entend en effet être bien plus généreux. On parle d’un doublement des budgets actuels pour atteindre 2 % du PIB d’ici 2029. Et l’objectif est d’atteindre 2,5 % du PIB en 2035. Des montants qui pourraient même encore augmenter: certains envisagent déjà une hausse du budget dans les prochains mois pour « injecter plus rapidement des milliards supplémentaires dans la défense » et atteindre 3 voire 3,5 % de dépenses militaires d’ici 2035. Une facture qui sera payée par les travailleurs.

2 % du PIB consacré aux dépenses militaires en 2029, cela représente 12 milliards d’euros par an, soit 4 milliards de plus qu’aujourd’hui. Et jusqu’à 10 milliards par an de dépenses militaires en plus d’ici 2035 pour atteindre 2,5 % du PIB3. L’effort demandé pour la défense est du même ordre que celui nécessaire pour faire face au coût du vieillissement sans obliger tout le monde à travailler plus longtemps pour moins de pensions. Bien sûr, tout ce qui ira aux dépenses militaires ne sera pas consacré à autre chose.

D’où viendrait cet argent introuvable pour tout le reste ? Pourquoi ces dépenses supplémentaires n’apparaissent pas dans les tableaux budgétaires ? Le gouvernement Arizona entend négocier avec l’Union européenne pour sortir ces dépenses militaires du cadre budgétaire européen qui bloque l’investissement public. Une exception aux règles budgétaires que L’Union européenne est prête à accorder, faisant monter le cours boursier des fabricants d’armes. Cela montre que ces règles d’austérité sont d’abord politiques. Ce qui est impossible pour des dépenses utiles à tous, pour préparer notre avenir énergétique et climatique, le deviendrait donc pour préparer les guerres de demain (voir chapitre Militarisation).

Et s’il faut trouver des moyens supplémentaires, l’Arizona a une piste : vendre les participations publiques fédérales pour financer la création d’un « fonds de la défense ». Cela veut dire privatiser Belfius, bpost ou Belgacom ou vendre les participations publiques dans BNP Paribas Fortis. Une fois ces actifs vendus, nous perdrions donc la possibilité de faire des entreprises détenues par l’État de vrais services publics, ainsi que les revenus que génèrent ces entreprises et qui financent le budget fédéral, au profit d’une militarisation de notre économie.

Il ne s’agit pas d’un refinancement, mais d’un surfinancement pour le militaire. Et pas pour défendre le territoire, mais pour participer à des guerres offensives. Vu l’armement (comme les nouveaux avions F-35) dans lequel on investit, les plans de militarisation de l’économie vont servir des plans d’expansion militaire au service de grandes puissances. Comme les États-Unis de Trump qui veut intervenir du Groenland à Gaza. Augmenter dans de telles proportions le budget militaire, c’est obéir au chantage de Trump.

Chaque euro en plus pour la militarisation sera un euro en moins pour l’énergie, l’enseignement, la santé ou l’industrie. Cette course aux armements va nous pousser à investir toujours davantage chez les marchands de canons, pas dans des projets indispensables pour l’industrie civile du futur, pour la transition climatique et pour l’avenir de nos jeunes.

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Et la dette publique?

Autre argument souvent avancé pour expliquer la nécessité de se serrer la ceinture, celui de la dette publique élevée en Belgique et qui menace d’augmenter encore dans les prochaines années. Cela ferait bondir les frais d’intérêts sur cette dette et nous mettrait au ban des marchés financiers, sous la menace d’un déclassement de la note de notre dette par les agences de notation.

Effectivement, les projections de la Banque Nationale envisagent une hausse de la dette belge, qui représente aujourd’hui 105 % du PIB et pourrait atteindre 126 % du PIB en 2032.

Qui est responsable du poids et de l’augmentation de cette dette ? Si on en croit le gouvernement Arizona, le problème est à trouver du côté des dépenses publiques trop généreuses. 

Mais si la dette est historiquement si élevée, ce n’est pas non plus du côté de dépenses trop généreuses pour les travailleurs qu’il faut regarder. Au cours des vingt dernières années, la dette belge, qui était redescendue à moins de 90 % du PIB en 2007, a été recreusée par trois crises successives : la crise financière en 2008, celle du Covid en 2020-2021 et celle de l’énergie en 2023. À chaque fois, ce sont les travailleurs qui ont trinqué. En 2008, pour payer l’avidité des banques qui ont spéculé. En 2020-2021 pour sauver d’abord les intérêts des grandes multinationales avec l’argent public, puis les profits de Big Pharma. En 2023 pour financer les surprofits des géants de l’énergie de Total à Engie.

Des règles budgétaires européennes qui nous enferment 

Pour justifier sa politique d’austérité, le gouvernement Arizona avance le respect des nouvelles normes budgétaires européennes : « En juin dernier, sur base de ces mauvais chiffres budgétaires, l’Union européenne a déclenché une procédure de déficits excessifs [à l’encontre de la Belgique], comme prévu par le Pacte » (page 8). 

Six pays, dont la Belgique, ont été placés en procédure de déficit excessif et sont sommés de rétablir leur équilibre budgétaire. Pour atteindre cet équilibre, la Commission européenne laisse quatre ans aux États membres pour revenir dans les clous budgétaires. Un délais qui peut être allongé à sept ans, comme l’a demandé la Belgique, en échange de « réformes structurelles » (entendez « coupes dans les dépenses publiques ») supplémentaires et d’une réduction plus forte du déficit. S'ensuit une période de surveillance de dix ans pendant laquelle le déficit public ne peut augmenter. 

C’est donc vers une austérité forcée de 17 ans que nous mène ce cadre budgétaire européen. Un cadre économique qui a pourtant prouvé son inefficacité, comme le rappelle une étude récente. Un cadre idéologique et à géométrie variable, car lorsqu’il s’est agi de sauver les banques en 2008, de payer les vaccins à Big Pharma en 2020 ou maintenant d’acheter des armes, la Commission européenne a trouvé les moyens de contourner ou de suspendre ces règles budgétaires. Ce qui est possible pour payer des monopoles privés avec de l’argent public ne l’est soudain plus lorsqu’il s’agit de financer des investissements publics utiles. Accepter de se placer dans ce cadre, c’est donc renoncer à toute politique économique, sociale ou écologique ambitieuse pour près de vingt ans.

1. Donc hors payement des intérêts de la dette.

2. Avec de telles mesures, on assiste plutôt à une division des emplois existants, sans rentrées fiscales supplémentaires. Ainsi, en Allemagne, lorsque le ministre allemand Hartz a entamé ses réformes du marché du travail, il y avait 65,8 millions d’heures travaillées dans le pays et un taux d’activité d’environ 70 % d’après l’institut européen de statistique Eurostat. En 2023, alors que le taux d’emploi était monté à près de 80 %, le nombre d’heures prestées était quasi identique. Qu'est-ce qui s'est passé ? Beaucoup d'emplois bien rémunérés ont été supprimés ou divisés et il n'y a pas eu d'effet retour.

3. En tenant compte de l’inflation.