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L’Arizona démasqué | L’art de diviser pour mieux régner

En Belgique, le vent du gouvernement Arizona souffle sans pour autant transformer fondamentalement les structures de l’État… du moins pas encore. Le gouvernement, appliquant en apparence un statu quo institutionnel, prépare en réalité les bases d’une réforme majeure de l’État à l’horizon 2029. Derrière une rhétorique de « responsabilisation » et « d’efficacité », de « compétences homogènes », se profile un projet de scission par étapes, qui accentue les inégalités avec un transfert subtil mais progressif de compétences.

Pour la première fois depuis près de vingt ans, les élections de 2024 ont amené au pouvoir un gouvernement fédéral miroir des gouvernements régionaux wallon et flamand. Et au pays du surréalisme, le gouvernement fédéral belge est aujourd’hui dirigé pour la première fois par un nationaliste flamand.

Pas de réforme de l’État dans l’immédiat, mais…

Extrait de l’accord de gouvernement Arizona :

« Nous prendrons des mesures pour (...) accroître l’efficacité des pouvoirs publics et renforcer les entités fédérées. »

Dans l’immédiat, il n’y aura pas de grande réforme de l’État voulue par la N-VA, faute d’une majorité des deux tiers au Parlement et en raison de l’opposition d’une partie de ses partenaires de majorité.

Mais l’Arizona annonce une nouvelle réforme de l’État... en 2029 : 

« L‘objectif annoncé est d’avoir, à partir de la prochaine législature, une nouvelle structure de l’État avec une répartition plus homogène et plus efficace des compétences. »

C’est De Wever lui-même qui préparera, sous forme de textes législatifs, des propositions sur la répartition des compétences, les règles de financement et les institutions... 
Cette réforme ira dans le sens de plus de scission. Le 19 mars, interrogé à la Chambre, Bart De Wever s’est montré très clair : « Non, je n’ai pas l’intention de proposer une refédéralisation de compétences ». Autrement dit : le transfert de compétences qu’il envisage n’ira que dans un sens, du niveau fédéral vers les entités fédérées, pas l’inverse.

En attendant, sans majorité des deux tiers, De Wever veut saisir l’opportunité actuelle, les gouvernements fédéraux et régionaux – aussi en Wallonie – étant de droite, pour avancer sur des réformes anti-sociales qui ont, selon lui, aussi un caractère communautaire. « Les réformes du marché du travail et des pensions prévues dans l'accord de gouvernement sont des réformes communautaires », a-t-il déclaré. « Limiter le chômage dans le temps est la réforme la plus communautaire que l'on puisse faire. » En d’autres mots : auparavant, la N-VA voulait scinder ces compétences pour pouvoir appliquer en Flandre une politique plus antisociale, demandée par le VOKA, l’organisation du patronat flamand. Mais comme le MR et les Engagés acceptent aujourd’hui de mener cette politique sur l’ensemble de la Belgique, plus besoin de scinder ces compétences. Cela confirme ce que nous avançons depuis longtemps : la politique de scission sert à mettre en place des politiques de régression sociale. 

La N-VA a d’ailleurs reçu le soutien du CD&V qui, par la bouche du vice-Premier ministre Van Peteghem (Terzake, 1er février 2025), a dit que tout était mis en place avec l’Arizona pour la régionalisation de la politique des soins de santé et du marché du travail pour 2029, également une revendication du VOKA.

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… une scission larvée de l’emploi, de la santé et d’autres compétences

L’Arizona parle d’un « fédéralisme de réforme renforcé qui vise à créer un contexte permettant d’accroître la responsabilité de chaque entité et la solidarité réciproque entre le gouvernement fédéral et les entités fédérés ».

En réalité, Bart De Wever a trouvé un terrain d’entente avec Georges-Louis Bouchez sur la question d’une plus grande « responsabilisation » des régions. Via cette « responsabilisation », l’Arizona appliquera une scission larvée renforçant l’autonomie régionale, dans le cadre des lois actuelles.

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Emploi

Extrait de l’accord de gouvernement Arizona :

« Les entités fédérées peuvent déterminer elles-mêmes les critères d’un emploi convenable (tels que la distance et le temps de trajet maximum), la disponibilité et l’exemption des demandeurs d’emploi (par exemple pour la formation ou le volontariat) et les niveaux de sanction et les faire contrôler par le service pour l’emploi régional (Forem, VDAB, Actiris, Arbeitsambt). »

Ainsi des demandeurs d’emplois pourraient avoir, selon les Régions, des sanctions plus fortes et plus rapides, et devraient être contraints à accepter plus vite des emplois précaires plus loin de chez eux.

Il y aura donc des politiques « asymétriques » en matière d’emploi. C’est à dire que, sans transfert officiel des compétences, on permet aux régions d'exercer les compétences fédérales de manière différenciée. On scinde dans les faits le droit du travail, en contournant l’obligation d’une réforme constitutionnelle.

L’accord prévoit aussi une possibilité pour les régions de mener « une approche plus régionale pour permettre aux Régions de contacter plus rapidement les chômeurs temporaires et de les inciter à suivre une formation appropriée, par exemple en les obligeant à s’inscrire dans un service pour l’emploi à partir d’une certaine durée de chômage. » Cette approche asymétrique conduit à un droit du travail régionalisé. Cette asymétrie va accentuer la pression pour, à terme, scinder les allocations de chômage.

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La santé, la SNCB, la coopération au développement et la politique scientifique : à la diète avant une scission ?

Il y aura des mesures asymétriques en matière de santé – prévention, soins aux personnes âgées – qui vont pousser à aller dans le sens de la défédéralisation (politiques différentes selon les Régions).

Il y aurait des financements différenciés selon les Régions pour les investissements dans la SNCB.

Les coupes sévères dans le budget fédéral de la coopération au développement (- 25 %) et de la politique scientifique fédérale, avec des institutions comme l’IRM (- 15 %), pourraient pousser à la régionalisation complète de la coopération et de la politique scientifique.

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Les mesures de l’Arizona seront au final payées par les Régions et les communes

Plusieurs mesures fédérales auront un effet poussant à la scission : des économies sont reportées vers les Régions et seront à la fin payées par les citoyens au niveau régional et communal. 
Ainsi l’exclusion de 100 000 chômeurs de longue durée sera à charge des CPAS dans les communes, et donc des régions. Cela déplacera 100 000 sur les 287 000 chômeurs complets indemnisés d’une assurance sociale fédérale vers une assistance sociale gérée par les communes et dirigée par les Régions.

L’augmentation de la quotitée exemptée d’impôts prévue dans la réforme fiscale va réduire les recettes issues de l’impôt des personnes physiques (IPP) des Régions (25 % de l’IPP revient aux Régions) et des communes sans aucune compensation. Bref, une partie de la réforme fiscale fédérale devra être payée par les citoyens par des économies dans les Régions. Ce qui est donné d’une main au fédéral sera repris de l’autre dans les Régions.

La région bruxelloise verra ses moyens limités par une interprétation plus restrictive du financement de Beliris.

Et alors que tous les départements fédéraux subissent une cure d’austérité, la seule entité fédérale qui sera renforcé sera… l’armée.

Le jour férié variable d’une Région à l’autre

Le gouvernement souhaite aussi permettre aux Régions de pouvoir reconnaître leur propre jour férié régional comme jour férié officiel « sans affecter la compétitivité des investissements ».

Après les vacances scolaires différenciées – les jeunes Flamands ayant leurs congés de printemps en avril et les Wallons en mai, les Bruxellois dépendant de la langue de leur école –, il y aura des jours fériés différents selon les Régions pour leur jour férié « régional ». On se demande ce qui va se passer pour le navetteur habitant en Flandre et travaillant à Bruxelles et le travailleur habitant à Lessines en Wallonie et travaillant à Renaix en Flandre. Et surtout, un jour férié fédéral sera-t-il supprimé et remplacé par ce jour férié régional, puisque cela doit se faire « sans affecter la compétitivité » ?

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L’efficacité et la solidarité passent par plus d’unité, pas plus de division

L’Arizona affirme que « l’objectif est d’avoir, à partir de la prochaine législature, une nouvelle structure de l’État avec une répartition plus homogène et plus efficace des compétences. »

Or ce que propose l’Arizona ne mènera pas à plus d’efficacité, mais à une scission plus poussée. C’est le contraire qu’il faut faire.

Car si le système actuel montre beaucoup d’inefficacité et de dépenses inutiles, la solution ne réside pas dans une division toujours plus grande. Le problème est que dans notre pays, l’État fédéral, les Communautés et les Régions décident les uns à côté des autres. Il n’y a pas de hiérarchie. Or, cela conduit à des blocages, avec des conséquences dramatiques, comme l’ont montré la crise du Covid et les inondations dans la vallée de la Vesdre.

Pourtant, tous les fédéralismes ne mènent pas automatiquement à une division croissante. Au contraire, la grande majorité des États fédéraux tendent, au fil du temps, à centraliser davantage de pouvoir législatif au niveau fédéral. En Allemagne, par exemple, le gouvernement fédéral fixe le cadre pour les différents Länder (Régions) et est le juge en cas de différend entre Régions. C’est plus efficace et cela entraîne moins de conflits.

L’État fédéral devrait fixer les normes et les grandes orientations dans les domaines clés. C’est essentiel pour assurer la cohérence des grands plans d’investissements publics, indispensables pour relever les défis sociaux et climatiques, et pour lutter contre les inégalités de développement entre les Régions.

Aujourd’hui par exemple, les énergies renouvelables sont une compétence régionale, mais les parcs éoliens en mer du Nord et l’énergie nucléaire sont des questions fédérales. Il serait logique que la politique énergétique devienne une compétence fédérale et publique. Ce serait plus efficace pour concentrer les efforts pour assurer la transition climatique.

Le centre de gravité de la décision politique devrait revenir au niveau fédéral, soit l’exact contraire de ce que prévoit le gouvernement Arizona, où se trouvent pourtant des partis que se disent pour l’unité de la Belgique comme le MR, Vooruit et les Engagés.
Pour le PTB, il est essentiel que certains domaines clés soient refédéralisés (santé, mobilité, énergie, climat, emploi) et que d’autres soient maintenus et renforcés au niveau national, comme la sécurité sociale.

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