Voici les conflits d'intérêts cachés de la Vivaldi
Le degré d’influence des intérêts privés au sein de la plupart des cabinets ministériels est effrayant.
Nous avons passé en revue les profils des membres et collaborateurs des cabinets ministériels. Conclusion : le degré d’influence des intérêts privés au sein de la plupart des cabinets ministériels est effrayant. « Il est temps de mettre un terme aux portes tournantes entre le monde politique et celui des grandes entreprises, déclare Sofie Merckx, cheffe du groupe PTB à la Chambre. Il faut qu’il y ait une séparation nette entre les intérêts privés et l'État. »
Dans notre pays, la collusion entre intérêts publics et privés est problématique. C'est ce qui ressort d'une analyse menée par notre service d'étude. Celle-ci lève le voile sur le CV des personnes qui travaillent pour nos ministres.
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« Comment peut-on prendre des décisions politiques à l’abri des influences des grandes entreprises quand, par exemple, huit des douze membres du cabinet Van der Straeten (ministre fédérale de l’Énergie) travaillant sur les questions d’énergie viennent du secteur privé ? C’est impossible. »
Cheffe de groupe PTB à la Chambre
Pour Sofie Merckx, il est temps de mettre un terme aux portes tournantes entre le monde politique et celui des grandes entreprises : « Il faut qu’il y ait une séparation nette entre les intérêts privés et l'État. Comme on a pu le voir avec les récentes polémiques concernant les cabinets des ministres De Sutter et Gilkinet, la composition des cabinets ministériels reflète de manière très préoccupante les liaisons dangereuses entre le monde politique et celui des affaires. »
Par exemple, on y trouve des collaborateurs avec un passé dans le secteur diamantaire qui, maintenant, sont responsables d’importants dossiers au sein des cabinets Van Peteghem (Finances) et Van Quickenborne (Justice). Le secteur bancaire et celui de la consultance y sont aussi bien représentés, comme dans le cas de Ortwin De Vliegher, conseiller stratégie et communication au cabinet Bertrand (Secrétaire d’État au Budget) : il a travaillé chez Deloitte ainsi que dans plusieurs banques telles que KBC, ING, CKCP Bank (devenu Beobank) et Crelan/Axa Bank, dont il a été secrétaire général jusqu’en janvier 2023.
Le PTB propose deux mesures :
- Il faut que le CV reprenant les expériences professionnelles des cinq dernières années de chaque collaborateur soit public.
- Il faut rendre incompatible un emploi au sein d’un cabinet ministériel avec un mandat d’une entreprise publique autonome dépendant de l’État, d’une entreprise cotée en bourse, d’une entreprise multinationale ou d’une banque.
Ce n’est qu’en prenant des mesures fortes telles que celles-ci que nous pourrons réduire les ingérences du privé au sein des ministères.
Dossier | Les conflits d'intérêts dans les cabinets du gouvernement Vivaldi
Les récentes polémiques concernant les cabinets des ministres De Sutter et Gilkinet posent une question essentielle d’un point de vue démocratique, celui des conflits d’intérêts touchant les ministres et leurs conseillers. La composition des cabinets constitue typiquement un champ de liaisons dangereuses entre le monde politique et celui des affaires.
Ce dossier analyse la situation actuelle dans les cabinets ministériels de la Vivaldi et pointe les conflits d’intérêts auxquels sont exposés les Ministres et Secrétaire d’État dans l’exercice de leurs compétences.
Au vu des nombreux cas de « portes tournantes », il y a de quoi se questionner sur l’influence des intérêts privés quant aux décisions des Ministres fédéraux sur des sujets aussi importants que, par exemple : la politique énergétique, les liens avec les organisations patronales qui défendent le blocage des salaires, les lois liées au secteur des assurances, les dérogations octroyées aux pesticides, la politique de relance ou encore la réforme des pensions.
Ainsi, huit des douze membres du cabinet Van der Straeten travaillant sur les questions d’énergie viennent du secteur privé.
Le Premier ministre œuvre aussi au recyclage puisqu’il a fait de l’ancien économiste en chef de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) son « chief economist ».
Beaucoup moins écologique, David Clarinval se fait conseiller par un ancien lobbyiste de Phytofar… Faut-il y voir un lien avec les 64 dérogations octroyés pour l’emploi de pesticides alors que la Belgique n’en accordait que 14 en 2011 ?
Plusieurs collaborateurs au sein des cabinets des Finances et de la Justice, dont certains hauts placés, viennent du secteur diamantaire, loin d’être irréprochable en termes de fraude fiscale.
Au sein du cabinet Dermagne, plusieurs collaborateurs viennent du secteur des assurances… et défendent avec le Ministre un « partenariat public-privé » au même titre qu’Assuralia.
Le PTB réaffirme la nécessité de voter une loi de séparation entre les intérêts privés et l’État. Nous proposons de :
- Rendre publique la liste de chaque membre et collaborateur des cabinets ainsi que leur CV reprenant les expériences professionnelles des cinq années qui ont précédé leur emploi au cabinet.
- Rendre incompatible un emploi au sein d’un cabinet ministériel avec un mandat de directeur ou de membre d’un conseil d’administration, d’un comité ou d’un organe consultatif d’une entreprise publique autonome dépendant de l’État, d’une entreprise cotée en bourse, d’une entreprise multinationale ou d’une banque.
Cliquez sur un ministre pour voir les conflits d'intérêts au sein de son cabinet
L’énergie fait partie des secteurs potentiellement soumis aux conflits d’intérêts. Il est ainsi particulièrement analysé par le journaliste Dominique Soenens dans son ouvrage Lobbyen in de Wetstraat (EPO, 2017). Et si, au sein du gouvernement Michel, le cabinet de l’ancienne ministre libérale de l’Énergie Marie-Christine Marghem était le terrain de multiples conflits d’intérêts, on aurait pu imaginer qu’avec la coalition Vivaldi, la venue d’une écologiste à ce poste aurait modifié la donne.
Pourtant, le cabinet de la ministre de l’énergie Tinne Van der Straeten (Groen) est sérieusement investi de personnes issues du privé : sur les douze membres travaillant sur les questions d’énergie, huit en proviennent. Bien sûr, l’orientation du cabinet Van der Straeten est un (petit) peu moins nucléaire que celle du cabinet Marghem. Mais le poids du privé y correspond probablement, comme chez sa prédécesseure libéral, avec une conception dans laquelle le politique fixe certes des balises, mais en laissant au marché la plus grande part des initiatives d’investissements.
Tom Vanden Borre, chef de cabinet de Tinne Van der Straeten, était – comme mentionné plus haut – directeur marketing chez Comeos avant de rejoindre la ministre de l’Énergie. Ce juriste est un adepte des portes tournantes, effectuant des allers et venues entre privé et public.
Côté privé, outre Comeos, il a travaillé de 2010 à 2017 pour la multinationale énergétique ENI (dont les activités belges ont été reprises en 2017 par le groupe Eneco), où il dirigeait le département Legal, Corporate & Regulatory Affairs. Auparavant, il avait œuvré au sein du groupe de gestion des déchets Biffa.
Côté public, Vanden Borre a occupé diverses fonctions orientées énergie à la fondation d'utilité publique SCK-CEN (Centre d'étude de l'énergie nucléaire), à l’AFCN (Agence fédérale de contrôle nucléaire), à la CREG (Commission de régulation de l'électricité et du gaz) ou encore à la Commission européenne. Au début des années 2000, sous le gouvernement arc-en-ciel, Il avait également déjà goûté aux cabinets ministériels, mais libéraux, comme conseiller énergie pour le Premier ministre Guy Verhofstadt et la ministre de l'Économie et de l'Énergie Fientje Moermans.
Bref, le chef de cabinet de Tinne Van der Straeten marche résolument sur deux pieds : un pied dans le privé, l’autre dans le public ; un pied dans le nucléaire, l’autre dans l’énergie renouvelable ; un pied chez les verts, l’autre chez les libéraux…
Carl Malbrain est le directeur adjoint du cabinet Van der Straeten, où il est en charge du nucléaire. Cet ingénieur nucléaire se retrouve ainsi pour la troisième fois collègue du chef-cab Tom Vanden Borre puisqu’ils s’étaient déjà côtoyés chez Biffa et au Centre d'étude de l'énergie nucléaire SCK-CEN, où Malbrain, en tant que directeur, avait mené une importante restructuration.
Sa longue et mouvementée carrière dans le privé l’a conduit dans de nombreuses sociétés, surtout dans l’énergie et l’environnement. En 2019, il est devenu administrateur d'Enervalis, une start-up belge alliée à la multinationale suisse ABB et spécialisée dans le contrôle informatique des flux d'énergie domestiques. Si l’on en croit les publications au Moniteur belge, Malbrain aurait gardé ce mandat après son entrée au cabinet de la ministre de l’Énergie. Il serait même président du conseil d’administration, selon le site internet d’Enervalis.
Il a également été administrateur du groupe limbourgeois Machiels (énergie, gestion des déchets, immobilier) et du groupe énergétique Upgrade Energy. Il a été pendant quatre ans administrateur d'Erda, une société wallonne active dans l'énergie verte. Il a été CEO du groupe Thenergo – devenu ABO – actif dans les projets environnementaux, où il a procédé à une restructuration.
Parmi les autres postes de Malbrain, notons qu’entre 2010 et 2014, il a été directeur de Stonefund, un fonds d’investissement du milliardaire Jef Colruyt. Il a également été conseiller chez Korys, un autre fonds de la galaxie Colruyt, qui investit dans l'économie verte.
- An Stroobandt, directrice adjointe du cabinet Van der Straeten pour les énergies renouvelables, a effectué l’essentiel de sa carrière au sein de la branche énergie de la multinationale Siemens, où elle a notamment été directrice des ventes pour le gaz et le pétrole. Elle a passé dix années (2007-2017) chez Siemens Wind Power, dont elle est devenue CEO. Lorsque l’allemand Siemens et l’espagnol Gamesa ont fusionné leurs activités dans l’éolien, Stroobandt en a pris la direction pour la Belgique et le Luxembourg.
- Bram De Wispelaere, directeur adjoint « marché » du cabinet Van der Straeten, a travaillé près de douze ans pour EDF Luminus, où il a été responsable des questions de régulation des marchés. Il a également travaillé pour Brussels Airport Company en tant que gestionnaire de l'énergie, pour le régulateur flamand du marché de l'énergie VREG et pour Engie-Fabricom.
- Lara Desimpel, conseillère « CRM » au cabinet Van der Straeten, a passé trois ans au sein de la société d'énergie verte Eneco, où elle était responsable des affaires réglementaires et publiques. Elle a également été associée dans les cabinets d'avocats internationaux DLA Piper et Linklaters.
Le monde des affaires peut s’immiscer dans les cabinets ministériels en envoyant des cadres de grandes entreprises, mais ces liaisons dangereuses peuvent aussi se nouer directement avec des organisations patronales. Le gouvernement De Croo ne fait pas exception et cela commence par le cabinet même du Premier ministre.
Geert Vancronenburg est, dans le cabinet du Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD), à la fois le directeur adjoint et le... « chef économiste ». Une fonction que, généralement, on trouve plutôt dans les banques ou… les organisations patronales. Justement, Van Cronenburg est, de 2006 à 2014, l’économiste en chef de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB).
C’est à ce titre qu’en 2012, il explique qu’un saut d’index « peut aider la compétitivité des entreprises dans les circonstances actuelles donc en ce sens c’est vraiment nécessaire mais cela peut aussi permettre de réaliser des économies au niveau des dépenses. Si on parle d’un saut d’index au niveau des salaires des fonctionnaires et même au niveau des allocations sociales par exemple, c’est clair que pour le budget c’est un gain net. » Une vision win-win pour les patrons et l’État, donc : il y a juste la population qui est perdante…
En tout cas, une vision qui aboutira en 2015 alors que l’année précédente, Vancronenburg rejoint le cabinet du Vice-Premier ministre Alexander De Croo. Le journaliste Alain Mouton note à ce propos que « pendant des années, Alexander De Croo a été le chien de garde des employeurs, et de la FEB en particulier, au sein du gouvernement fédéral », précisant que cette mission s’appuie en particulier sur les bons contacts que son chef de cabinet adjoint a gardé à la FEB. Nul doute qu’avec l’élévation de De Croo à la tête du gouvernement, ce relais est encore plus précieux pour l’organisation patronale.
Sam Proesmans est toujours membre du cabinet du Premier ministre Alexander De Croo, selon la liste gouvernementale de mai 2023 alors que selon la page LinkedIn de l’intéressé, il a œuvré au sein du cabinet d’octobre 2020 à septembre 2022, ce qui pose question quant à la fiabilité des informations fournies par la Vivaldi. Avant de rejoindre le cabinet De Croo, ce médecin a travaillé comme consultant spécialisé en santé au Boston Consulting Group, membre du top-3 mondial des multinationales de la consultance.
C’est dans ce cadre qu’il a été amené à travailler avec le cabinet de… l’ancienne ministre de la Santé Maggie De Block, qui a fini par l’engager comme conseiller dans son cabinet en août 2020. Il a ensuite rejoint l’équipe du Premier ministre lors de la constitution du gouvernement De Croo.
- Ruben Lecok est le chef de cabinet le plus puissant du pays puisque comme directeur de la cellule de coordination générale de la politique chez le Premier ministre Alexander De Croo, il supervise tous les dossiers du gouvernement au conseil des ministres. À seulement 40 ans, il cumule déjà une expérience de quinze années dans de nombreux cabinets libéraux (Fientje Moerman, Guy Verhofstadt, Patrick Dewael, Karel De Gucht, Guy Vanhengel, Alexander De Croo) et à la tête du service d’études de l’Open VLD. Par deux fois, cependant, il s’est aventuré dans d’autres sphères, une première fois lors d’un bref passage à la Banque nationale, où le parti a été le rechercher, et une seconde fois en juin 2020 lorsque la société de conseil Egon Zehnder l’a débauché en période d’affaires courantes. Avant, à nouveau, d’être récupéré par les libéraux pour la fonction cabinetarde suprême. Acteur international des conseils de gestion aux entreprises, actif dans 41 pays, Egon Zehnder est aussi le n° 1 mondial des chasseurs de têtes.
Le secteur des assurances et Assuralia, peuvent compter sur Pierre-Yves Dermagne et son cabinet pour défendre leurs intérêts et promouvoir "des partenariats public-privé", expression aussi chère au Ministre qu’à l’organisation patronale.
Suite aux inondations de juillet 2021, Pierre-Yves Dermagne a refusé de livrer le montant du plafond par assureur limitant leurs interventions sur base des primes collectées. Le Ministre de l’Économie s’est également opposé à communiquer la proposition de réforme de la loi faite par Assuralia… confirmant ainsi les critiques sur le manque de transparence faites par le PTB.
Plus récemment, dans le dossier de l’indemnisation des victimes d’attentats, le Ministre socialise a fait le choix de la mise en place d’un système reposant sur les assureurs privés plutôt que sur un fonds de garantie public comme le prévoyait pourtant les recommandations de la commission attentats votées à l’unanimité.6 Cette décision a été critiquée par les associations d’aide aux victimes et par de nombreux députés (y compris au sein de la majorité)… mais elle a reçu le soutien des assurances.
En effet, plusieurs conseillers du Ministre connaissent très bien le secteur dont il est question...
- Rémi Janssen est conseiller au cabinet Dermagne depuis février 2023. Auparavant, il a travaillé comme avocat au cabinet Lexlitis Brussels et chez PwC Legal Belgium.
- Frederic Nguyen est expert au cabinet du ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne. Ce dernier indiquait fin 2020 en réponse à une question parlementaire : « Un collaborateur provenant des assurances assure le suivi de cette matière au sein de mon cabinet7. » Nous avons trouvé deux membres de son cabinet issus de ce secteur. À commencer par Frederic Nguyen, passé successivement chez Akkermans & Partners (expertises pour assurances), Delta Lloyd et P&V/Vivium. Plus inquiétant encore : depuis 2021, tout en conseillant le ministre, il travaille pour Insert, le centre de formation d’Assuralia, l’organisation patronale du secteur de l’assurance.
- Dady Kawaya Mwana-Mufula, conseiller au cabinet Dermagne depuis octobre 2021, est également passé par le monde de l’assurance, ayant travaillé trois ans pour la compagnie Axa.
Pierrick Walravens se trouve dans une position qui a été dénoncée en tant que conflit d’intérêt par l’ONG Pesticide action Network Europe (PAN), qui fédère 400 organisations de 28 pays. Embauché en janvier 2021 comme expert du cabinet du ministre de l’Agriculture, David Clarinval, il était en effet, jusque août 2020, lobbyiste de Phytofar, la puissante fédération belge des producteurs de produits phyto-pharmaceutiques (pesticides, biocides…). Il a d’ailleurs figuré à ce titre sur le registre des lobbyistes de la Chambre.
Est-ce M. Walravens qui a conseillé au Ministre Clarinval d’octroyer des dérogations pour l’utilisation de pesticides expressément interdits en Europe comme les néonicotinoïdes ou l'indoxacarbe ?
PAN Europe a écrit au Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) pour demander le départ de l'intéressé du cabinet Clarinval, mais il figure toujours sur la dernière liste des cabinets ministériels, datée du 8 mai 2023. C’est d’autant plus étonnant que, selon sa page LinkedIn, Pierrick Walravens travaille depuis mars 2023 pour le groupe suédois DeLaval, un leader mondial dans le secteur de l'élevage laitier, et a travaillé de 2020 jusqu’en mars 2023 pour la ForFarmers, multinationale flamande spécialisée dans l’alimentation animale. Cela tout en conseillant le ministre de l’Agriculture ?
- Jean-François Krenc constitue un cas très particulier en matière de conflit d’intérêts. Contrairement au processus de portes tournantes, qui consiste de passé du privé au public et inversement, il accumule concomitamment les mandats chez deux employeurs avec la mission auprès du premier d’influencer le second. En effet, depuis 2014, il œuvre au sein de différents cabinets MR : Sabine Laruelle, Charles Michel, Sophie Wilmès et, actuellement, David Clarinval. Mais depuis 2007, il travaille également pour l’UCM où, selon sa page LinkedIn, il est chargé de… « la défense des PME auprès du gouvernement fédéral ». En quelque sorte, il doit s’influencer lui-même. Surréaliste !
- Christine Lhoste a été d’octobre 2020 à janvier 2023 la directrice de cabinet de David Clarinval (MR), le ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME et de l’Agriculture. Cette juriste passée par le cabinet d’avocats Claeys & Engels, leader du droit social sur son versant patronal, est une spécialiste des portes tournantes puisque, après près de neuf années (2005-2013) au cabinet de Sabine Laruelle, ministre des Indépendants et des PME, elle devient secrétaire générale de l’Union des classes moyennes (UCM), puis présidente du Conseil Supérieur des Indépendants et des PME, avant de revenir aux cabinets ministériels dédiés aux PME, successivement chez Willy Borsus, Denis Ducarme et finalement David Clarinval. Elle est actuellement directrice générale d’Embuild, la confédération patronale du secteur de la construction.
- Olivier Lohest a été chef de cabinet adjoint de Sophie Wilmès lorsque celle-ci était ministre du Budget de 2015 à 2019 et est resté depuis au cabinet Wilmès avant de rejoindre celui de David Clarinval où il est conseiller « macro, budget, investissements, politique scientifique, développement durable » du vice-Premier. Lohest a été macro-économiste senior chez Dexia durant les années 2008 et 2009, c’est-à-dire les pires années de la banque, lorsque celle-ci a dû être sauvée de la faillite par l’Etat.
S’il y a des cabinets ministériels où il serait malvenu de trouver des représentants du secteur diamantaire, c’est à la Justice et aux Finances, vu la mauvaise réputation du secteur en matière de fraude fiscale et les jeux dangereux exercés par celui-ci sur le monde judiciaire. Or, ce sont précisément les deux Vincent, ministres de la Justice et des Finances, qui ont embauché de « brillants » collaborateurs.
Karla Basselier, a été directrice de cabinet pour la cellule de politique générale chez le Vice-Premier ministre Vincent Van Quickenborne (Open VLD) de 2020 à 2022, devenant alors CEO de Fedustria, l'organisation patronale des fabricants belges du textile, du bois et de l'ameublement, mais tout en restant membre du conseil d’administration d’Enabel, l’Agence de développement de l’État fédéral belge, une double casquette qui pose question en termes de possibles conflits d’intérêts.
Des conflits d’intérêts qui ne sont pas nouveaux. Cette juriste spécialisée en droit international et européen a débuté sa carrière comme collaboratrice parlementaire, pour ensuite entrer au SPF Affaires étrangères, où elle a été chargée de la responsabilité sociale des entreprises pour des produits comme le cacao, les produits miniers ou les diamants, ce qui l’a amenée à suivre le « Processus de Kimberley », mis en place au niveau mondial pour empêcher le commerce des « diamants du sang » (issus des zones de conflits armés).
Une noble mission qui l’a conduite… à l’AWDC (Antwerp World Diamond), la coupole et le lobby de l’industrie diamantaire, dont plusieurs administrateurs ont été cités dans les Panama Papers et les SwissLeaks. Au sein de l’AWDC, Basselier dirigeait le département Affaires publiques, ce qui l’amenait à faire du lobbying auprès des pouvoirs publics afin d’y défendre les intérêts du secteur et de lui donner une couche de respectabilité. On retrouve d’ailleurs son nom dans le « Registre des lobbies » tenu par la Chambre des représentants.
Sa fonction au sein de l’AWDC l’a également conduit à participer à des missions commerciales avec l’ancien ministre Pieter De Crem (CD&V) ainsi qu’à représenter la place anversoise dans le Processus de Kimberley, dont des observateurs avisés estiment qu’il est moins efficace pour combattre les diamants du sang que pour offrir une virginité aux diamantaires. Et Basselier apparaît toujours sur le site internet de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) en tant que membre suppléante du conseil d’administration de l’organisation patronale, représentante du secteur diamantaire.
En 2016, Karla Basselier accompagnait Ari Epstein, le CEO de l'AWDC, à la commission spéciale Panama Papers de la Chambre des représentants, pour une audition à laquelle, dans un premier temps, ils avaient tenté de se soustraire. Ils y ont expliqué que le recours aux sociétés et banques offshore panaméennes n’avait rien à voir avec la fraude fiscale, le blanchiment ou autres opérations illégales, mais consistait simplement à faire des affaires dans un pays propice au commerce du diamant.
Pierre Van Herck, a été spécialement engagé dans la cellule politique générale du cabinet Van Quickenborne pour conseiller le Vice-Premier ministre Open VLD en matière de santé dans le cadre de la crise du covid. Il était jusque-là Senior Advisor sur les questions de santé au sein de l’organisation patronale flamande Voka (de 2013 à 2020 – son nom et sa photo apparaissent d’ailleurs toujours sur le site du Voka).
Sa fonction précédente ne manque pas d’intérêt puisque Van Herck était conseiller en soins de santé au sein de l’institut Itinera. Ce think tank patronal est probablement le plus influent du pays puisqu’il est mentionné plus d’une fois par jour dans la presse9. Il se présente comme un institut indépendant mais est financé et piloté par de grands noms du capitalisme belge (Saverys, Leysen, Verelst, etc.).
La santé est un des thèmes de prédilection d’Itinera (son conseil d’administration comprend Leo Neels, l’ancien et emblématique CEO de pharma.be, le puissant lobby de l’industrie pharmaceutique). C’est ainsi que lors de ses années chez Itinera et au Voka, Pieter Van Herck était régulièrement interviewé dans la presse en tant qu’expert en santé publique. En mars 2020, juste avant la pandémie de Covid, il appelait à réduire les tâches exclusivement dédiées au personnel infirmier, ce qui conduit à les attribuer à du personnel moins qualifié et moins payé. Bref, inutile de préciser qu’avec de tels conseillers, c’est clairement une inspiration patronale qui est insufflée au sein du kern (conseil de ministres restreint) sur la gestion de la crise sanitaire.
- Loïc Van Staey est, depuis janvier 2023, conseiller dans les matières fiscales au cabinet de Vincent Van Quickenborne, qui est ministre de la Justice et Vice-Premier ministre. Jusque là, il était actif dans ces mêmes matières fiscales dans l’organisation patronale Unizo, après l’avoir été chez PwC. Or, on a vu plus haut que cette institution des Big Four est passée maître dans l’art de concevoir des armes de détaxation massive.
- Davine Dujardin évolue au départ dans les cabinets CD&V d’Yves Leterme, Herman Van Rompuy et Koen Geens, aux niveaux flamand, fédéral et européen. De porte-parole de ministre, elle devient alors porte-parole de la banque Delta Lloyd, avant de passer par le cabinet d’avocats d’affaires Odigo, puis de revenir au cabinet du ministre de la Justice de 2020 à 2021, mais avec un changement de couleur politique puisque c’est l’Open VLD Vincent Van Quickenborne qui a hérité du maroquin. Elle est ensuite retournée au cabinet Odigo.
Laura Mahieu est directrice « Communication et Stratégie politique » au sein de la cellule stratégique du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V). De 2010 à 2013, elle a été responsable de la Compliance chez Rosy Blue, société diamantaire indo-belge, l’une des plus importantes de la place anversoise.
Le CEO de Rosy Blue, Dilip Metha, dont la famille est 86e fortune de Belgique avec un patrimoine 271 millions d’euros, a reçu le titre de baron en 2006 pour son rôle joué dans les missions économiques princières (notamment celles menée par le futur roi Albert II, qui l’a anobli) en Inde, mais avait créé dès 1986 deux opaques fondations au Liechtenstein pour y loger sa fortune et celle de ses deux frères. Il a été poursuivi pour fraude fiscale en 2015, Rosy Blue étant citée dans les Panama Papers et les Paradise Papers en 2017. Autant dire que la responsable Compliance de Rosy Blue n’a pas forcément fait du bon boulot. Aujourd’hui, elle est donc directrice de la communication du ministre des Finances chargé de la Coordination de la lutte contre la fraude…
Eddy Peeters, même s’il est fiscaliste à la base, est le chef de cabinet du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) dans sa fonction de vice-Premier ministre. C’est un spécialiste des portes doublement tournantes, puisque déjà chef de cabinet de Theo Kelchtermans de 1995 à 1999, il devient directeur chez PwC puis IBM, pour revenir ensuite comme chef de cabinet de Vandeurzen, Van Ackere, De Crem, Peters, Beke, Geens, Muylle et enfin Van Peteghem (9 ministres, donc!).
Dans un article de 2012, le quotidien De Tijd éclaire l’aptitude de Peeters à maintenir un pied dans le monde des affaires, l’autre dans le monde politique : chez IBM, « il est rapidement entré en contact avec le gouvernement. En tant que consultant IBM, il a contribué à la réforme Copernicus. » Tandis que revenu dans les cabinets ministériels, il garde de bons contacts dans le secteur privé : « Piet Vanthemsche (Boerenbond), Karel Van Eetvelt (Unizo) et Pieter Timmermans (FEB) répondent lorsque Peeters appelle. »
PwC, l’un des fameux Big Four (les quatre multinationales dominant le monde de l’audit et du conseil, avec Deloitte, Ernst & Young et KPMG), est cité dans une série de scandales en matière comptable et fiscale, notamment pour son implication dans les LuxLeaks, l’affaire des rulings luxembourgeois. En matière de rulings, PwC joue également un rôle actif en Belgique. C’est d’ailleurs une spécialiste PwC de ces questions qui a conçu, en 2004, la loi créant les très controversés Excess Profit Rulings, condamnés ensuite par l’Union européenne : « Isabel Verlinden, de PricewaterhouseCoopers (PwC) est le cerveau derrière les ‘excess profit rulings’ », écrit le magazine Trends.
- Wannes De Roeck est arrivé au cabinet Van Peteghem en janvier 2023 en tant que conseiller fiscalité. Il est lui aussi passé chez PwC durant deux années, où il accédé à la fonction de Senior Tax Consultant.
- Amaury Caprasse est l’éphémère chef de cabinet du secrétaire d’État Thomas Dermine qui, après quelques semaines dans la fonction l’a quittée pour… succéder à Dermine à la tête de l’Institut Émile Vandervelde, centre d’études du PS.
- Mouna Dourasse, conseillère au cabinet Thomas Dermine de novembre 2020 à décembre 2022, appartient aussi à l’écurie McKinsey du secrétaire d’État à la Relance. C’est là que ce dernier l’a recrutée. Elle y avait passé quatre années, devenant manager et associée. Actuellement, elle est conseillère stratégie pour la CEO de la multinationale Solvay tout en siégeant au conseil de SFPI-Relaunch, filiale de la SFPI axée sur la relance de l’économie belge. Le port concomitant de ces deux casquettes est clairement problématique en termes de conflits d’intérêts.
- Baudouin Regout, conseiller au cabinet Dermine, a également effectué un – long – passage (douze années) chez McKinsey, avant de devenir conseiller à la Commission européenne, notamment auprès de l’ancien président José Manuel Barroso, grand maître des portes tournantes. Chez McKinsey, Regout était l’un des auteurs de l’ouvrage Beyond austerity: A path to economic growth and renewal in Europe (2010), qui fournissait déjà les recettes libérales typiques de la Commission européenne, parmi lesquelles la réforme du marché du travail.
- Anton Muyldermans, conseiller au cabinet Dermine, a été consultant au Boston Consulting Group. Mais il a surtout été durant neuf ans chez Lineas, où le secrétaire d’État a été le chercher. Ce n’est pas anodin en termes de potentiels conflits d’intérêt puisque le plan de relance mené par Thomas Dermine envisage d’investir d’importants montants dans le développement du réseau de fret ferroviaire, ce qui intéresse directement Lineas, la branche privatisée de l’ancienne branche marchandises de la SNCB.
- Naïm Cordemans, conseiller au cabinet de Thomas Dermine, le secrétaire d’État socialiste pour la Relance et les Investissements stratégiques, a débuté sa carrière auprès du commissaire européen... libéral Louis Michel, avant de passer à l’Institut Itinera. Un passage assez bref au sein du think tank patronal, mais suffisant que pour rédiger avec Jean Hindriks (l’une des principales figures d’Itinera) une étude intitulée S’inspirer de la Finlande pour accroître le taux d’emploi de nos seniors. Le sujet n’est pas anodin : l’allongement des carrières est l’un des grands axes des politiques libérales et patronales, y compris celles figurant dans les réformes que l’Union européenne entend insuffler via les réformes qu’elles imposent à travers son financement… des plans de relance des États-membres.
- Thibault Vanderhauwart, conseiller au cabinet Dermine, a été consultant chez Deloitte. Il a également été chef de projets au GRE-Liège, Groupement de redéploiement économique développant des partenariats public-privé dans le cadre du Plan Marshall.
- Laura Sabato, conseillère communication au cabinet Dermine, est passé chez Engie où elle travaillait sur l’analyse du marché et de la concurrence.
- Melodie Geurts, conseillère au cabinet Dermine depuis janvier 2023 provient en droite ligne de PwC.
- Ortwin De Vliegher, conseiller stragégie et communication au cabinet Bertrand, est un maître des portes tournantes : il est passé par le cabinet Van Quickenborne et a aligné des fonctions chez Deloitte, mais aussi dans la multinationale IBM, chez bpost et tout particulièrement dans le secteur financier : KBC, ING, BKCP Bank (devenu Beobank) et Crelan/Axa Bank, dont il a été secrétaire général jusqu’en janvier 2023. Une telle carrière dans le monde bancaire ne peut que poser question lorsque la secrétaire d’État est confrontée aux banques, par exemple dans la négociation avec celles-ci sur la tendance baissière des distributeurs de cash.
D’autant qu’Alexia Bertrand appartient elle-même à la famille actionnaire historique d’Ackermans & van Haaren, puissant holding actif entre autres dans le secteur bancaire (Delen Private Bank et Banque Van Breda).
Karel De Bondt, chef de cabinet adjoint du Vice-Premier ministre Frank Vandebroucke (Vooruit) de 2020 à 2022, a fait des allers-retours entre le monde bancaire, la surveillance des banques (aux niveaux belge et européen) et les cabinets ministériels. Côté bancaire, outre une brève incursion chez Fortis, il a géré d’importantes fusions d’entreprises chez Degroof-Petercam. Côté politique, il a été dans les cabinets de Freya Van den Bossche au gouvernement flamand et de Johan Vande Lanotte au fédéral. Il est actuellement en charge du contrôle des assurances à la FSMA.
- Baron Jean-Pierre Hansen est une grande figure belge du monde de l’entreprise (au point d’être anobli en 2014), est surtout connu pour avoir dirigé Electrabel. C’est dans ce cadre qu’il sera inculpé pour l’Electragate, affaire dans laquelle il avait fait espionner « sa » propre entreprise par des informaticiens au profit de la maison-mère française Suez (devenue Engie) et de son actionnaire belge Albert Frère (qui l’embauche comme administrateur de son holding CNP). Aucun procès n’aura finalement lieu, Le Vif titrant alors « Electragate : affaire classée ou enterrée ? »
Cela n’empêchera pas Hansen d’être baronisé, ni d’être nommé dans les conseils d’administration de diverses sociétés publiques et privés (Distrigaz, Fluxys, Arcelor, Socofe, Nethys, Banque nationale, Fabricom, Agbar, Arcelor, CNP, Delhaize, KBC, Ergon Capital, Intregrale, SPGE, Forem…), ni de se retrouver aujourd’hui expert d’un cabinet ministériel. C’est l’Ecolo Georges Gilkinet qui a ouvert ses portes à cet ancien vice-président de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB).
- Catherine Wijnants est conseillère « bpost Volet Juridique » au cabinet De Sutter, mais cette ancienne avocate fait toujours partie du personnel de bpost (où elle est arrivée en 2018), qui continue à lui payer son salaire de Senior Legal Counsel. Des messages échangés en 2021 sur WhatsApp entre Kurt Van Raemdonck, le chef de cabinet de De Sutter, et Dirk Tirez, alors CEO de bpost, révèlent la problématique de cette double casquette. La discussion pet que nous avons pu consulter. Le CEO interrogeait la ministre sur une possible décision gouvernementale de baisser la dotation pour la concession pour la distribution de journaux. «Il en sera en effet question lors du kern de demain», lui a répondu Van Raemdonck. «Je transmets votre préoccupation à la ministre. Catherine Wijnants a suivi ce dossier, je vérifie. »
- Finke Jacobs est conseiller « bpost Volet commercial et digitalisation » au cabinet De Sutter, mais lui aussi reçoit son salaire de bpost.
- Anthony Baert est le conseiller « Budget, Fiscalité, Relance » de la vice-Première ministre Petra De Sutter (Groen). Il a été conseiller économique des deux partis verts, Ecolo et Groen, après avoir été économiste à la banque ING.