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Un vaccin Pfizer pour nous aider à sortir de cette crise ou pour faire grimper l’action en Bourse ?

Un nouveau vaccin, développé par l’américain Pfizer et l’allemand BioNTech, serait efficace à 90 %. Cela suscite, à juste titre, beaucoup d’espoir. Un tel vaccin serait d’une grande aide dans la lutte contre le coronavirus. La Commission européenne a immédiatement conclu un contrat coûteux avec l’entreprise. Pourtant, beaucoup de questions se posent. D’autant plus qu’il apparait maintenant que le PDG de Pfizer a vendu 62 % de ses actions le jour de l’annonce. S’agit-il surtout d’un coup de publicité pour faire monter le cours de l’action Pfizer ? Et le vaccin sera-t-il accessible ?

Mercredi 18 novembre 2020

Un succès boursier immédiat

L’annonce spectaculaire a bien réussi à Pfizer. Sur le marché boursier, la valeur des actions de l’entreprise a grimpé de près de 15 %. Pfizer avait déjà des contrats avec le gouvernement américain. L’annonce d’une telle efficacité a également rendu la Commission européenne nerveuse. Celle-ci avait déjà conclu quelques contrats avec des sociétés pharmaceutiques pour réserver leur vaccin, mais jusqu’à présent pas avec Pfizer. Le communiqué de presse a accru la pression sur la Commission qui, moins de 24 heures plus tard, a signé un contrat portant sur 300 millions de doses. Ce premier contrat de la Commission européenne rapporterait près de 5 milliards à Pfizer. Ces 5 milliards devront ensuite être versés par les systèmes de sécurité sociale des États membres. Il semble que la Belgique en achètera aussi.

Pour couronner le tout, Albert Boula, le PDG de Pfizer, a vendu simultanément 62 % de ses parts dans la société. Il s’est ainsi enrichi de près de 5 millions d’euros d’un coup, grâce à une annonce que son propre service de presse a diffusée dans le monde entier.

Ce vaccin fonctionne-t-il vraiment ?

On pourrait penser qu’une efficacité de 90 % signifierait que si 100 personnes sont vaccinées, 90 d’entre elles seraient immunisées contre le virus. Ce chiffre est certainement spectaculaire. Jusqu’à présent, on espérait une efficacité d’au moins 50 %. Mais la question est de savoir de quelle efficacité il est question ici. Et surtout : que valent ces résultats des études de Pfizer ?

Et c’est là que le bât blesse : tout ce que nous savons jusqu’à présent se trouve dans le communiqué de presse publié par la société elle-même. Les experts ont réagi en disant qu’ils « n’ont pas vu de leurs propres yeux les résultats, mais qu’ils doivent se fier à un communiqué de presse de l’entreprise. » Toutes les prédictions, les espoirs et les nouveaux investissements dans ce vaccin sont donc basés sur ce que Pfizer nous dit. En effet, la publication des résultats des recherches de l’entreprise se fait encore attendre, pour le moment.

Ce que nous savons, c’est que les études sur l’efficacité des vaccins contre le Covid-19 n’ont pas pour but de déterminer si une personne est immunisée ou non contre le virus. Un vaccin est déjà considéré comme efficace s’il protège contre les symptômes légers du Covid-19. Cela ne signifie donc pas nécessairement qu’il protège les gens contre les infections, les formes graves de la maladie ou la mort.1

En principe, le vaccin pourrait donc ne protéger que contre les symptômes légers, mais pas les 10 % de personnes présentant les symptômes les plus graves. Nous ne savons pas non plus combien de temps le vaccin sera efficace après les premières doses. Avons-nous besoin de nouvelles doses après quelques mois ou un an ? Et combien seront disponibles ? Sans données sur la répartition par âge, nous ne savons pas s’il protège également les personnes âgées. À supposer qu’il ne soit efficace qu’auprès des jeunes, l’effet serait alors bien sûr beaucoup plus limité.

Combien le vaccin coûtera-t-il ?

« Nous savons que cela signifie 0 % d’efficacité pour celles et ceux qui ne peuvent pas se permettre d’acheter le vaccin ou qui n’y ont pas accès », a commenté Oxfam International sur Twitter. Pfizer a annoncé un prix de 33 euros, dont au moins deux doses seraient nécessaires. C’est beaucoup d’argent, si vous devez vacciner des populations entières. C’est beaucoup plus que les 2 euros par vaccin promis par AstraZeneca en juin.

En fait, l’Union européenne, les États-Unis, le Japon et la Grande-Bretagne ont déjà réservé la quasi-totalité des capacités de production de Pfizer. Cela signifie que la grande majorité de la population mondiale ne peut même pas rêver de ce vaccin.

Ce prix soulève également des questions car BioNTech, qui a développé le vaccin et s’est associé à Pfizer, a reçu 375 millions d’euros de soutien du gouvernement allemand pour le développement et la production du vaccin. Si le vaccin est développé en partie avec l’aide de l’argent public, pourquoi cette aide n’est-elle pas soumise à des conditions ? Au lieu de ça, les États financent dans un premier temps, avec l’argent des contribuables, la recherche, le développement et/ou la production du vaccin, puis paient dans un second temps – toujours avec l’argent des contribuables – des prix beaucoup trop élevés pour celui-ci. Pfizer collecte déjà des milliards de fonds publics pour des doses, qui doivent encore être produites, d’un vaccin qui n’a même pas encore été approuvé et dont les résultats des études ne sont connus que par un communiqué de presse diffusé par l’entreprise elle-même. Tous les coûts sont pour la société, tous les gains pour Big Pharma, semble-t-il.

Donner la priorité à la santé plutôt qu’au profit

On peut faire autrement. Par exemple, dans le cadre d’un financement public de la recherche et du développement, on peut exiger que le produit final devienne également un bien public. Cela signifie non seulement que le gouvernement pourrait fixer le prix, mais aussi que plus d’une entreprise serait autorisée à produire le vaccin. De cette façon, on augmenterait également la quantité de vaccins disponibles. C’est 100 % gagnant pour la société.

Afin de garantir que la société ne paie pas pour les profits des Big Pharma, le PTB exige de Pfizer une transparence totale concernant les résultats de la recherche, ainsi que le montant et l’origine des fonds investis. La Commission européenne doit également divulguer immédiatement le contrat qu’elle a conclu avec Pfizer. Puisque le vaccin a été développé en partie avec des fonds publics, le PTB exige également que les brevets et la technologie soient partagés, si cela s’avère nécessaire pour garantir la disponibilité et l’accessibilité du vaccin.



 

 

 

 

 

1https://www.bmj.com/content/371/bmj.m4037