Un espoir de gauche au pays de Trump
Deux ans après l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les Américains se sont rendus aux urnes pour ce qu'on appelle les midterms, les élections de mi-mandat. Les résultats ne permettent pas de parler d'une « vague bleue », d'une victoire éclatante des démocrates. Mais la tâche ne sera pour autant pas facile pour Trump car, jamais auparavant, autant de forces jeunes, féminines et de gauche n'ont été élues.
Ces élections parlementaires intermédiaires, les midterms, déterminent la trajectoire d'un pays pour les années à venir. Les élections ont attiré plus d'attention internationale que jamais et ont également mobilisé un bien plus grand nombre d'électeurs que précédemment. Aussi les perçoit-on comme un référendum sur la politique du très controversé président Trump. Son parti, le Parti républicain dominant les deux chambres du Congrès, le président américain concentrait beaucoup de pouvoir. Il a pu de la sorte nommer à la Cour suprême des juges pourtant très contestés.
Trump face à davantage d'opposition
Au vu des résultats, l'opposition démocratique semble reconquérir la Chambre des représentants pour la première fois en huit ans, mais ses rivaux républicains renforcent leur position au Sénat. Dès l’annonce des premiers résultats, le président Trump a tout de suite envoyé un tweet parlant d'un « succès éclatant », en faisant allusion aux bons résultats au Sénat et au fait que les choses allaient encore plutôt bien en dépit de l'annonce d'une « vague bleue ». Cette vague n'a pas inondé le Sud des États-Unis, qui vote traditionnellement républicain. Mais, ce qui est certain, c'est que, pour la première fois, le président Trump va désormais devoir composer avec un vent contraire. Car, vu sa position majoritaire à la Chambre, l'opposition peut cette fois disposer d'un pouvoir réel.
Un vent de gauche
Dans le sillage de la campagne de Bernie Sanders aux dernières élections présidentielles, des femmes, des noirs, des Latinos, des militants LGBTQ+... sont passés à l'avant-plan dans les mouvements sociaux et au sein du Parti démocrate. Ils se rendent parfaitement compte qu'ils vont devoir lutter pour leurs droits, dans le climat de plus en plus à droite et polarisé créé par Trump. Bon nombre d'entre eux ont également été élus. Le Congrès américain va donc se diversifier.
Ce qui surprend aussi, c'est le nombre de femmes qui ont participé aux élections. Elles sont généralement jeunes, avec un pied dans la politique et l'autre dans les mouvements sociaux, et n'ont pas du tout été pétries dans la vieille culture politique du Parti démocrate.
Généralement, ce sont aussi les candidats s’affirmant résolument à gauche – loin d’être une simple version light de leurs opposants républicains – qui ont fait les meilleurs scores dans ces élections de mi-mandat.
« Ils ont l'argent, nous, nous avons le peuple »
Comme on s'y attendait, Alexandria Ocasio-Cortez, 29 ans, du Queens (New York) a été élue. C'était une candidate des Democratic Socialists of America (DSA), le mouvement de Bernie Sanders. Quand ce dernier était candidat à l’investiture démocrate, elle faisait partie de la direction de sa campagne. Ce mouvement « Feel the Bern » a fait bouger les lignes aux États-Unis. Pour la première fois, il y avait des candidats démocrates qui s'affirmaient ouvertement comme socialistes. Ocasio-Cortez va devenir la plus jeune membre du Congrès américain de tous les temps.
L'ancienne serveuse aux racines portoricaines a mené sa campagne avec l’idée suivante : « il est temps pour l'un d'entre nous ». Elle a décrit la compétition électorale comme une lutte de l'argent contre les gens et a répondu : « ils ont l'argent, nous, nous avons le peuple. »
Elle vient du Bronx et a mené une campagne de porte-à-porte pour une assurance universelle couvrant les frais de maladie, une université publique gratuite et des salaires convenables. Un signal plein d'espoir pour les nouvelles générations d'Américains qui se rendent compte que l'avenir leur appartient et qu'il ne doit pas être éternellement géré en leur nom par les familles Bush, Clinton ou Trump ou leurs partisans.
Outre Alexandria, on peut encore signaler bien d'autres primeurs féminines au Congrès. Ainsi, l'Américano-Palestinienne Rashida Tlaib, du Michigan (également rattachée aux Democratic Socialists of America) et l'Américano-Somalienne Ilhan Omar, du Minnesota, seront les premières élues de confession musulmane à siéger. Il y a un mois, Rashida Tlaib était arrêtée lors d'une action de protestation du mouvement pour fixer le salaire minimum à 15 dollars, qui réclame de meilleurs salaires et droits des travailleurs.
L'unité contre la polarisation
Le Texas, traditionnellement un bastion républicain, a connu un bras de fer entre le vainqueur annoncé, Ted Cruz, et l'étoile montante Beto O’Rourke. Il s'en est fallu d'un cheveu que le second l'emporte.
Qu'est-ce qui a rendu Beto O’Rourke si populaire ? Outre le soutien des stars d'Hollywood, il a conquis de nombreux jeunes par son discours. Originaire de la ville texane d'El Paso, séparée de la ville mexicaine de Ciudad Juarez par le fleuve Rio Grande, O’Rourke a affirmé que « le Rio Grande n'est pas le fleuve qui sépare les deux villes mais qui les unit. Tous ceux qui habitent à la frontière savent que le Texas ne peut rien sans les travailleurs mexicains. » Il s’est opposé aux discours haineux qui considèrent les migrants comme des ennemis.
C'est ainsi que, d'une façon très engagée, il va à l'encontre de la séparation du monde entre le « nous » et « les autres » créée par Trump. Car les questions migratoires ont également dominé les élections intermédiaires, avec les candidats républicains – et Trump en personne – qui ont dirigé toutes leurs salves contre la caravane des migrants venue d'Amérique centrale, « remplie de terroristes qui menacent l'Amérique ». La perception aurait été tout autre si Cruz – et donc Trump – avait perdu le Texas. Mais soyons sûrs que les Républicains ont été très effrayés du mauvais résultat de leur poulain.
Une alternative à la haine
Certes, il reste beaucoup de pain sur la planche, mais la victoire retentissante des candidates Alexandria Ocasio-Cortez et Rashida Thlaib constitue le symbole d'un nouveau son de cloche aux États-Unis. Pour la première fois, deux femmes militantes et ouvertement socialistes ont été élues au Congrès. Lors des préélections dans un district de New York, la première a même détrôné le candidat démocrate de l'establishment. Elles viennent toutes les deux de la base et elles font partie du mouvement social qui ces dernières années, s’est vraiment renforcé aux États-Unis.
Ce résultat renforce le camp de ceux qui travaillent à une alternative aux problèmes sociaux de plus en plus graves qui secouent les États-Unis. Une alternative à la haine et aux Républicains de plus en plus à droite sous Trump. C'est une bonne nouvelle pour les Américains mais aussi pour tous les progressistes du monde entier.
Il faut encore attendre si ces nouveaux élus vont pouvoir maintenir leur discours de gauche et leur radicalisme au sein d'un Parti démocrate encore fortement dominé par l'establishment. Mais une chose est certaine, c'est que l'élection de ces candidats de gauche, le soutien qu'ils ont reçu de simples citoyens américains et l'enthousiasme des mouvements sociaux dont ils proviennent donnent de l'espoir à la gauche dans le pays de Trump.