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Trump va parler de l'Ukraine avec Poutine et met l'Europe hors jeu. Que se passe-t-il vraiment ?

En quelques jours, Donald Trump et son nouveau gouvernement des États-Unis ont bouleversé les relations avec l'Europe. L'establishment européen est outré que les États-Unis veuillent discuter directement avec la Russie de la guerre en Ukraine. Cela démontre une fois de plus que l'Europe doit de toute urgence élaborer sa propre stratégie pour la paix sur le continent, indépendamment des États-Unis et de l'Otan.

Vendredi 21 février 2025

Le président russe Vladimir Poutine et le président américain Donald Trump se serrent la main lors d'une réunion en marge du sommet du G20 à Osaka en 2019.

Photo Belga

Trump met l'establishment européen en colère

Depuis son accession au pouvoir le mois dernier, Donald Trump s’est déjà fait remarquer à plusieurs reprises. Le 12 février, il a de nouveau fait parler de lui. D’abord, en annonçant qu'il avait eu un long entretien téléphonique avec son homologue russe, Poutine. Ils ont convenu d'entamer des négociations directes sur la guerre en Ukraine, en contournant le pays lui-même et l'Europe. Trump veut concentrer son attention sur la confrontation entre son pays et la Chine, qu'il considère comme un rival stratégique. Les problèmes en Europe doivent être résolus par les Européens eux-mêmes.

Dans le même temps, il a annoncé que son ministre des Finances se rendait à Kiev pour rencontrer le président ukrainien Zelensky afin de conclure un accord. Selon Trump, les États-Unis souhaiteraient obtenir pour 500 milliards de dollars de ressources ukrainiennes en échange de garanties de sécurité supplémentaires. Ainsi, Trump récupérerait trois dollars pour chaque dollar d'aide financière et militaire accordée à l'Ukraine depuis le début de la guerre. Une guerre rentable, donc !

Le même jour, le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, a déclaré lors d'une réunion de l'Otan à Bruxelles qu'il serait inévitable pour l'Ukraine de faire des concessions dans ces négociations : céder une partie de son territoire serait inévitable, et envisager une adhésion à l'Otan irréaliste. De plus, après le cessez-le-feu, ce seraient les Européens qui devraient assurer les garanties de sécurité.

Pour couronner le tout et exaspérer encore davantage les dirigeants européens, l'envoyé spécial de Trump pour l'Ukraine, Keith Kellogg, a explicitement déclaré que l'Europe n'avait pas sa place dans ces négociations. Il a fait cette déclaration lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, un événement sponsorisé par l'industrie militaire.

Trump est peut-être imprévisible, mais cette fois, il semblait très sérieux. Les politiciens européens présents n'en croyaient pas leurs oreilles et ont exigé une place à la table des négociations. De plus, ils ont réussi à convaincre Zelensky de s'aligner sur l'Europe et de s'opposer aux États-Unis.

Intérêts personnels et jeux de pouvoir

Tout le débat s'est concentré sur des intérêts personnels et des jeux de pouvoir. Plus personne ne parlait de la guerre elle-même. Pourtant, ce n'est pas un détail. Après trois ans de guerre, on compte déjà des centaines de milliers de victimes. En Ukraine comme en Russie, la population est lasse du conflit et aspire à la fin de l'effusion de sang.

De plus, la situation sur le champ de bataille est défavorable pour l'Ukraine, qui perd progressivement du terrain face à l'avancée russe. Même Zelensky n'exclut plus des négociations. Il a déjà laissé entendre qu'il ne pourra probablement pas restaurer l'intégralité du territoire initial.

Bien sûr, il y a beaucoup à dire sur l'initiative de Trump, notamment en raison de son intention de s'accaparer directement les richesses du sous-sol ukrainien. On aurait donc pu s'attendre à ce que les politiciens européens s'interrogent sur leur soumission aux États-Unis : « Pourquoi suivons-nous aveuglément les États-Unis depuis des décennies ? Pourquoi nous sommes-nous liés militairement à eux au sein de l'Otan, sous leur commandement ? »

Rien de tout cela. Les dirigeants européens étaient si déstabilisés qu'ils n'ont pas su formuler une réponse cohérente et unanime. Certains, dont Zelensky, ont proposé de créer une armée européenne. D'autres voulaient surtout regagner rapidement les faveurs de l'Oncle Sam. Mais sur un point, ils semblaient tous d'accord : il faut investir davantage dans les armes et l'armée. 2 %, 3 %, 4 %, 5 % du PIB, rien ne semble suffisant. Et malgré toute l'indignation suscitée par les démarches de Trump, l'Europe de l'Ouest continue de se réfugier sous le parapluie de l'Otan, où les États-Unis dictent les règles.

Une aubaine pour Theo Francken

Cette situation fait bien sûr le bonheur de notre nouveau ministre de la Défense, Theo Francken (N-VA). Il l'a résumé à sa manière ce week-end dans une interview au journal flamand De Tijd : « Hegseth dit que les Américains se retirent d'Ukraine et que nous ne pouvons plus compter sur eux. Le Donbass et la Crimée reviendront aux Russes, l'Ukraine peut oublier l'adhésion à l'Otan, les États-Unis n'interviendront pas si la situation dégénère, une force internationale devra être mise en place, mais sans les Américains, et les pays de l'Otan devront consacrer 5 % de leur PIB aux investissements dans la défense. » Il voulait déjà commander des avions de chasse F-35 supplémentaires et atteindre 2 % du PIB dès cet été au lieu de 2029 comme prévu dans l'accord gouvernemental. Il trouvait également « évident » que la Belgique envoie des troupes au sol en Ukraine.

Dans la même interview, Francken s'est moqué de ceux qui soulignent le coût social de l’augmentation des dépenses militaires : « Nous avons ri des Américains pendant des années pour leur pauvreté, leurs addictions, leur absence de filet social ou le fait qu'ils doivent payer 1 000 dollars chez le dentiste. Nous ne voulions pas vivre là-bas parce qu'ils consacrent tout leur argent à une sécurité dure. C'est évidemment plus agréable de dépenser de l'argent pour les pensions, le chômage, ou un système de santé à la cubaine où vous pouvez repartir de la pharmacie avec un sac rempli de médicaments pour 13 euros. » La sécurité sociale, c'est pour les faibles, donnez plutôt à Theo des avions de combat !

Sécurité collective

Après les démarches américaines de la semaine dernière, on aurait pu s'attendre à ce que les politiciens européens se demandent pourquoi ils n'ont pris aucune initiative de paix pour mettre fin à la guerre en Ukraine. S'il y a bien un point sur lequel Trump a raison, c'est que cette guerre dure depuis trop longtemps.

Pour le PTB, la sécurité n'est pas seulement une question militaire. C'est pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec l'augmentation des dépenses en armement. La guerre en Ukraine souligne au contraire la nécessité d'une sécurité collective sur le continent européen. La seule voie menant à la stabilité et à la paix passe par une solution qui prend en compte la sécurité de l'ensemble du continent.

Cela nécessitera des consultations, du dialogue et de la diplomatie. Même avec la Russie ? Oui, même avec la Russie, car – que cela nous plaise ou non – ce pays fait partie de notre continent. Nous n'avons pas besoin d'être les meilleurs amis, mais un conflit ouvert avec nos voisins n'est jamais souhaitable. D'ailleurs, on ne négocie pas avec ses amis, mais avec ceux avec qui la relation est difficile, voire avec ses ennemis.

Pour être plus fort dans de telles négociations, l'Europe ferait mieux de rechercher des alliés dans le monde. En s'alignant sur les États-Unis via l'Otan – un pays qui est déjà intervenu militairement dans plus de 100 pays –, nous ne nous rendons pas populaires et risquons de nous fermer des portes. L'Europe doit au contraire garder les portes ouvertes avec le plus grand nombre de pays possible dans le monde, en particulier avec les nouvelles puissances émergentes comme l'Afrique du Sud, l'Inde, le Brésil, l'Indonésie et la Chine.

Si l'Europe avait choisi la sécurité collective, la situation serait totalement différente aujourd'hui et nous aurions pu éviter des centaines de milliers de morts. De plus, l'image de l'Europe dans le monde en serait grandement améliorée.

Ce n'est pas en nous armant jusqu'aux dents que nous nous ferons respecter. Sur ce point, nous ne pourrons jamais rattraper les États-Unis. Le prestige international se gagne aussi par des initiatives diplomatiques et la défense des droits humains, comme le fait actuellement l'Afrique du Sud dans le cas du génocide en Palestine. Il n'est pas trop tard pour l'Europe. Faisons enfin ce choix.