Toujours plus de voyageurs, toujours moins de cheminots ? Investissons dans le rail
Pour la première fois de son histoire récente, le nombre de cheminots (en équivalents temps-plein, ETP) est passé sous la barre des 30 000 en mai 2018. Une chute de 10 000 ETP en moins de 15 ans. Alors que le nombre de voyageurs, lui, a augmenté de 40 % en 15 ans...
La chute du nombre de cheminots ressort des chiffres internes à la SNCB que le PTB a pu consulter. Le PTB propose l'instauration d'un « indice-voyageur » : pour garantir la qualité du service, le nombre de cheminots doit suivre le nombre de voyageurs que la SNCB transporte.
L'équivalent d'une fermeture de Caterpillar Gosselies tous les 3 ans
Alors qu'au 1er janvier 2004, il y avait encore 40 243 cheminots ETP actifs à la SNCB. Le nombre de cheminots a chuté de 25 % pour passer pour la première fois sous la barre symbolique des 30 000 au 1er mai 2018. « C'est une chute vertigineuse en moins de 15 ans. C'est l'équivalent d'une fermeture de Caterpillar Gosselies tous les 3 ans », explique Michaël Verbauwhede, spécialiste rail du PTB. « C'est d'autant plus incompréhensible que le nombre de voyageurs a lui augmenté de 40 % sur la même période. » En 2004, chaque cheminot accompagnait en moyenne 4 100 voyageurs. En 2018, c'est 7 666 : une hausse de 87 %.
La SNCB répond en affirmant que « les statistiques montrent bien que la première cause de retard est liée à des tiers, et n’est donc pas imputable à la SNCB ou au gestionnaire du réseau Infrabel ». C'est une manière habile de présenter les choses. Au total, en 2017, 54% des retards sont dus à la Sncb ou à Infrabel, selon le rapport de ponctualité. En cause : des défauts au matériel de la SNCB ou des dommages à l'infrastructure. Et là, le manque de personnel joue très certainement un rôle : moins de personnel, c'est moins d'entretien, donc davantage d'incidents. Avec du personnel en suffisance dans les gares on éviterait aussi d'autres causes de retards, comme la présence de personnes sur les voies.
Selon le PTB, c'est la qualité du service qui paie la note : « Le nombre de trains à l'heure a baissé en 15 ans. La courbe de ponctualité suit la même trajectoire que le nombre de cheminots. Coïncidence ? Nous ne le pensons pas. Tout le personnel est constamment mis sous pression. Le personnel dans les ateliers ne peut plus réparer correctement les trains. La pression est telle sur le personnel roulant que de très nombreux conducteurs quittent l'entreprise. Tout cela a un impact négatif sur la ponctualité. Moins de cheminots, c'est aussi plus de gares fermées, et des guichets fermés à mi-temps quand ils ne le sont pas définitivement. Sans compter la sécurité des usagers, elle aussi mise en danger », poursuit le spécialiste rail du PTB.
Pour un « indice-voyageur »
Pour garantir la qualité du service et la sécurité des usagers, le nombre de cheminots devrait suivre le nombre de voyageurs. « Une piste serait de s'inspirer de ce qu'il se passe au niveau des salaires. Comme pour les salaires qui sont censés suivre la hausse des prix, nous devons réfléchir à la mise en place d'un “indice-voyageur” : on évaluerait chaque année la hausse du nombre de voyageurs, et en fonction de cela, on engagerait du personnel supplémentaire. Développer le rail pour diminuer les files sur nos routes et lutter contre le réchauffement climatique devrait être un objectif majeur du gouvernement. Et pour faire circuler des trains, les réparer, les nettoyer, conseiller les usagers, garantir leur sécurité, il n'y a pas de secret : il faut des cheminots. »
Nous avons le droit d'avoir des trains en suffisance et à l'heure. Pour pouvoir se déplacer, respirer de l'air non pollué, et pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous avons besoin d'une SNCB du 21ème siècle, et pas d'une SNCB du 19ème siècle, inefficace, en miettes et privatisée comme est en train de le prévoir le gouvernement.