Stop Frontex et la politique migratoire inhumaine de la Vivaldi
La politique d'asile et de migration du gouvernement fédéral serait basée sur les « droits humains » et un « accueil de qualité » pour les personnes en exil. C'est du moins ce que dit l'accord de majorité conclu en 2020. Quatre ans plus tard, le bilan est dramatique.
BELGA
Lors de la toute dernière session de la législature, le gouvernement a lancé une dernière attaque contre les droits humains fondamentaux. Il autorise, avec le soutien du Vlaams Belang, le corps anti-migrants Frontex à opérer sur le sol belge, et introduit une loi de rapatriement coûteuse, inefficace et inhumaine qui conduira principalement à une augmentation de la détention. Les deux projets de loi ont été approuvés par le Parlement fédéral jeudi soir. Le PTB s'y est opposé.
S'attaquer aux causes de l’exil : un sujet encore tabou
Dans le monde, la guerre reste la principale cause d’exil des populations. En Belgique aussi, la plupart des demandeurs d'asile sont des réfugiés de guerre : les trois principaux pays d'origine sont la Syrie, l'Afghanistan et la Palestine. Les guerres dans ces pays ont été au moins partiellement causées ou exacerbées par les actions de la Belgique et de l'Union européenne. Si nous voulons réduire le nombre de réfugiés, nous ne pouvons pas éviter ce débat. Par exemple, pendant combien de temps le gouvernement autorisera-t-il encore les livraisons d'armes en provenance et à destination d'Israël ?
Au lieu de s'attaquer aux causes de l'immigration, le gouvernement fédéral s'est encore et toujours attaqué aux droits humains.
Pour la première fois dans l'histoire, un gouvernement a délibérément choisi de laisser les personnes en exil dormir dans la rue. Depuis septembre 2021, des personnes dorment chaque jour dans la rue parce qu'elles ne trouvent pas de place dans le réseau des centres d'hébergement. Pendant les mois d'hiver, les familles avec enfants n'ont pas toujours la possibilité d'avoir un lit.
L'État belge a été condamné 9 000 fois pour ne pas avoir accordé aux réfugiés l'accueil auquel ils ont droit. Non seulement par nos propres tribunaux du travail belges, mais aussi par le Conseil d'État et la Cour européenne des droits de l'Homme. Le gouvernement fédéral a ignoré ces condamnations. L'État de droit semble ne plus avoir d'importance dans la politique d'asile et de migration.
Au niveau européen, c’est la voie du « pacte migratoire européen » qui l’emporte, ce pacte qui, à son tour, fera systématiquement enfermer les personnes aux frontières extérieures, y compris les enfants.
Une « loi retour » coûteuse, inefficace et inhumaine
En ce qui concerne la politique de retour, la Vivaldi montre qu'elle ne se préoccupe plus des droits humains. Ce jeudi 2 mai, par exemple, le parlement fédéral a approuvé à la dernière minute une loi sur la « politique proactive de retour » coûteuse, inefficace et inhumaine qui garantira principalement une plus grande détention des personnes en fuite. Le PTB a voté contre.
Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, le Collège de Médecine Générale de Belgique francophone, Medimmigrant, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, le CIRÉ, Caritas International, JRS Belgium, de nombreux experts en migration... à peu près toutes les organisations qui œuvrent au quotidien pour les droits des migrants et des réfugiés, soutenues par les syndicats FGTB, CSC et CGSLB, tirent la sonnette d'alarme sur cette loi depuis des mois. Pour eux, il s'agit d'une atteinte flagrante aux droits fondamentaux des personnes en exil.
Pour rappel, la Secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration Nicole de Moor (CD&V) avait sorti la loi retour du tiroir au lendemain de l'attentat terroriste de Bruxelles du 16 octobre 2023. Plusieurs partis du gouvernement avaient affirmé que l'attaque était le résultat d'une « politique de retour ratée ». Le fait que la Tunisie demandait depuis longtemps l'extradition de l'auteur de l'attentat, et que la faute en incombait donc à un système judiciaire défaillant, n'avait eu aucune importance : la « loi retour » devait venir et viendrait.
- Plus de détention
Le gouvernement prolonge la période de détention : il veut pouvoir enfermer des personnes jusqu'à 18 mois dans un centre fermé. Le retour forcé via la détention est coûteux (il coûte à notre pays quelque 70 millions d'euros par an), inefficace (il ne réduit pas le nombre de demandeurs d'asile, mais leurs droits) et inhumain. Nous ne devons pas oublier qu'il s'agit de personnes qui n'ont pas de casier judiciaire, mais qui fuient la guerre et la violence.
Prenons l'exemple d'Hélène, originaire du Rwanda. Aujourd'hui, elle travaille comme aide à domicile à Hasselt, mais a été enfermée pendant 6 mois au centre fermé 127bis. À propos de son expérience, elle déclare : « Laissez les gens comme moi simplement travailler. À quoi a servi mon incarcération ? Pendant six mois, je n'ai rien fait. Je n'ai fait que coûter de l'argent à l'État. »
- Examen médical obligatoire
Le gouvernement veut obliger les gens à se soumettre à un examen médical. Et non, il nʼest pas question ici de test Covid. Ce qui importe, c'est le précédent que crée cette loi : chez le médecin, menottes aux mains et aux pieds, y compris pour les femmes enceintes ou les personnes qui ont déjà été victimes de torture. Selon le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ces pratiques peuvent constituer des mauvais traitements. Médecins du Monde est également catégorique : « Un examen médical obligatoire va à l'encontre des intérêts du patient et viole tous les principes éthiques et la déontologie médicale.(...) Il est évident que ce principe ne peut être remis en question. » Pour la Vivaldi, ces droits ne s'appliquent apparemment pas à tout le monde.
- Soupçon de fuite
Toute personne qui ne coopère pas à un retour est soupçonnée de « fuite » en vertu de cette loi. Et la « non-coopération » est définie de manière très vague, mais elle conduit irrévocablement à la détention. Cela ouvre la porte à la détention arbitraire et prolongée des personnes en exil. Les situations individuelles ne sont pas suffisamment prises en compte. Supposons que vous ayez fui l'Afghanistan, un pays bombardé depuis 20 ans et où les talibans ont repris le pouvoir. Pourtant, votre demande d'asile est refusée et on vous demande d'entamer une procédure de retour. Allez-vous coopérer ? Peut-on s'attendre à ce qu'une personne coopère à son retour, sachant pertinemment qu'elle retourne vivre sous le régime des talibans ? Avec le PTB, nous ne pensons pas que ce soit le cas. Et certainement pas si la non-coopération signifie un ticket pour la détention.
- Interdiction de la détention des enfants
Ecolo défend la « loi retour », censée être un compromis pour inclure une interdiction légale de la détention d'enfants. C'est une chose que nous soutenons pleinement avec le PTB et pour laquelle nous avons également notre propre proposition de loi. Mais cette interdiction de la détention des enfants ne peut être échangée contre d'autres droits fondamentaux, tels que le droit de refuser un traitement médical, conformément à la loi sur les droits des patients et à la Convention européenne des droits de l'Homme.
Le contingent anti-migrants de Frontex sur le sol belge
Un second projet de loi du gouvernement Vivaldi autorise l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex à opérer sur le sol belge. Les agents de Frontex sont habilités à porter des armes dans notre pays et à faire usage de la force pour le contrôle et la surveillance des frontières, ainsi que pour les retours forcés. Seul le PTB a voté contre.
C'est un nouveau pas vers encore plus de répression dans la politique d'asile et de migration de la Belgique. Frontex n'est pas une organisation comme les autres. L'année dernière encore, il est apparu qu'elle couvrait et coorganisait les nombreux refoulements à nos frontières extérieures. Une enquête a également été lancée en juin dernier sur le rôle de Frontex dans le naufrage d'un navire au large des côtes grecques avec 750 migrants à bord, dont seulement 104 ont pu être secourus.
Le précédent directeur de Frontex, Fabrice Leggeri, a dû démissionner en raison des critiques persistantes concernant la politique de refoulement. Ce même Fabrice Leggeri figure désormais sur la liste du Rassemblement national, le parti d'extrême droite de Marine Le Pen, pour les élections européennes.
Frontex est une organisation qui tolère la violence et la déshumanisation et qui coopère activement avec la police des frontières bulgare où les migrants et les réfugiés sont enfermés dans des cages. « Compte tenu des antécédents problématiques de Frontex en matière de violence policière et de refoulement illégal, il est essentiel que ce projet de loi soit réexaminé en profondeur », affirme Tine Claus, directrice de Vluchtelingenwerk Vlaanderen.
Pour le PTB, c'est clair : de telles pratiques sont inadmissibles. Frontex n'a pas sa place dans la politique d’asile et de migration belge.
S'attaquer aux causes de l’exil, pas aux réfugiés
Les partis au pouvoir, Ecolo et PS en tête, disent ne jurer que par les droits humains. Mais l'écart entre les paroles et les actes ne pourrait être plus grand, surtout lorsqu'il s'agit des personnes en exil.
Comme l'affirmaient hier Amnesty International et de nombreuses autres organisations, dont la Ligue des droits de l'Homme et les syndicats, le gouvernement Vivaldi « a été un des pires que nous ayons connu sur les questions migratoires, de respect des droits humains et de l’État de droit. Politique assumée de non accueil des demandeurs d’asile, refus d’exécuter des décisions de justice belges et européennes mépris de la situation des sans papiers, détention et refoulements de personnes en ordre de visa… Un vote en faveur de cette loi serait la touche finale à une législature qui se sera honteusement distinguée et que nous n’oublierons pas. »
Tant que les guerres, les bouleversements économiques et les catastrophes climatiques se multiplieront, les gens seront contraints de fuir leur pays. Nous devons nous attaquer à ces causes. Au lieu de cela, le gouvernement fédéral s'est encore et encore attaqué aux droits humains.