Soins de santé et non marchand : après les applaudissements, le refinancement
La crise du corona a clairement montré qu'un système de santé publique fort est indispensable et que les travailleurs des soins de santé et du bien-être sont nos héros. Après les avoir applaudis, il s’agit maintenant de changer de politique, de renverser la vapeur et d’investir dans ce secteur. C'est la raison pour laquelle le personnel et les syndicats vont se mobiliser tout au long de la semaine.
Ans Peeters, Kristien Merckx et Liza Lebrun
L’année 2019 a été marquée par de nombreuses mobilisations dans le secteur des soins de santé. Tous les mardis, des centaines d’infirmières et d’infirmiers, d’aide-soignantes et d’autre personnel des soins de santé se sont mobilisés à travers le pays. Ils s’en sont pris à la politique d’austérité et de sous-financement mené par Maggie De Block et par les gouvernements fédéraux précédents.
Car la situation dramatique que l’on rencontre aujourd’hui dans le secteur des maisons de repos et des soins de santé ne date pas d’hier. Les soignants ne se consacrent pas corps et âme à leurs patients et résidents depuis trois mois, mais depuis des années. Depuis des années, la pénurie de main-d'œuvre amène une pression intenable au travail. Cela fait des années aussi que les salaires sont bien trop faibles par rapport à la flexibilité et à la pénibilité du travail, ainsi qu’aux responsabilités qu’il implique.
Et puis le corona a frappé. Malgré ses efforts inouïs, le personnel a une fois de plus fait les frais d'une politique totalement bancale. Entre les neuf ministres de la Santé qui se marchaient sur les pieds et le matériel manquait – notamment parce que Maggie De Block a refusé de renouveler le stock stratégique de masques –, les soignants ont souvent dû se débrouiller. Qui aurait pu imaginer qu’en Belgique, en 2020, face à la plus grande crise sanitaire de ces 70 dernières années, les soignants devraient coudre eux-mêmes leur matériel de protection ?
Ce n’est pas tout. Après les efforts du personnel soignant ces trois derniers mois, après la lutte exemplaire qu’ils ont menée contre le coronavirus et pour sauver le plus de vies possibles, après les avoir salués comme les héros qu’ils sont, le gouvernement de Sophie Wilmès, avec l’aval des dix partis traditionnels, adopte deux mesures aux airs de coups de couteau dans le dos. Ces deux arrêtés royaux prévoient de pouvoir réquisitionner le personnel soignant en cas de deuxième vague du coronavirus et de pouvoir confier des tâches infirmières a du personnel non-infirmier. C’est la goutte qui fait déborder un vase déjà rempli par des années de coupes budgétaires.
La réaction des soignants est claire : lors de la visite de la Première ministre à l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles, le personnel l’accueil avec une « haie de déshonneur », en lui tournant le dos. La colère s’est fait entendre dans tout le pays et, sous la pression, le gouvernement a dû retirer ses deux mesures.
La lutte paie
Nos soignants et leurs patients méritent mieux. Le personnel a droit au respect. Et il est temps pour les différents gouvernements de traduire ce respect en action. C'est également l'avis des syndicats, qui, cet été, entameront de nouvelles négociations pour aboutir à un accord réellement social pour l’ensemble du personnel du secteur non marchand.
Pour mettre la pression sur les gouvernements, des actions ont déjà été menées dans tout le pays, notamment dans des hôpitaux de Bruxelles, Hasselt, Charleroi et Liège. Le dimanche 14 juin, à l’appel de La Santé En Lutte (une organisation née au début de la mobilisation des blouses blanches), des centaines de manifestants se sont réunis devant le pour faire entendre leur voix et ont tourné le dos à la politique d’austérité des différents gouvernements à Bruxelles, Charleroi, Liège et Namur.
Le 18 juin, la CSC organise une grande journée d'actions dans le non-marchand, menées sur les lieux de travail. Les travailleurs réclameront des augmentations salariales et un véritable plan pour alléger la pression au travail et obtenir plus de personnel sur le terrain. La FGTB organise quant à elle une semaine d’actions pour lancer ses revendications : plus de personnel sur le terrain, une amélioration des salaires et des conditions de travail, mais aussi de la formation et de l’enseignement.
La lutte paie
Les blouses blanches ont déjà réussi à faire ravaler au gouvernement ses deux arrêtés royaux sur la réquisition du personnel et la délégation des actes infirmiers à du personnel non formé.
Tout le monde a vu que, là où le gouvernement s’est montré incapable de gérer correctement la crise du coronavirus, les blouses blanches ont été en première ligne pour sauver des vies et se sont données sans compter. Dans ce contexte, difficile pour une ministre de s’en prendre encore frontalement au secteur des soins.
La mobilisation peut donc mener à une victoire. L'année dernière déjà, après plusieurs mois d'action dans le secteur de la santé et sous pression du PTB au Parlement, un fonds d’urgence pour les blouses blanches a été adopté. Ces 400 millions d’euros permettent d’embaucher 4000 personnes dans le secteur.
Aujourd’hui, nous avons besoin d’un fonds XXL, pour un refinancement structurel des soins de santé, pour plus de personnel, un travail viable, de meilleurs salaires… pour fournir aux résidents et aux patients les soins de qualité dont ils ont besoin. C’est ce que demandent les travailleurs et leurs syndicats et ils méritent tout notre soutien dans ce combat.