Si les multinationales payaient l’impôt dû, on pourrait financer la pension minimum à 1500 euros
« Le taux d'imposition des grandes entreprises reste ridiculement bas, même après la réforme de l'impôt des sociétés, explique le député PTB Marco Van Hees. Le taux minimum promis de 7,5 % est un mirage, les niches fiscales restent largement utilisées et les PME ne bénéficient que très peu de la réduction des taux. » Voilà ce qui ressort de la nouvelle étude du PTB sur le Top 50 des sociétés qui ne paient presque pas d’impôts.
Les grandes entreprises continuent de payer des impôts ridiculement bas après la réforme de l’impôt des sociétés
Il s’agit de la 10e éditions du « Top 50 des ristournes fiscales et Top 1000 des bénéfices », l’étude annuelle du PTB qui dénonce la manière dont les grandes entreprises évitent de payer des impôts en Belgique. Cette édition est la première depuis la réforme de l’impôt des sociétés adoptée par le gouvernement Michel, entrée en vigueur sur les revenus de 2018.
« Fin 2017, le gouvernement a présenté la réforme de l'impôt des sociétés comme un tout équilibré, avec une réduction du taux nominal de l'impôt des sociétés, d'une part, et une suppression des avantages fiscaux, d'autre part, analyse Marco Van Hees. Mais, maintenant que nous avons les premiers résultats, nous voyons que rien n'a changé. Le gouvernement a même déclaré que toute grande entreprise avec un bénéfice de plus d'un million d'euros paierait désormais au moins 7,5 % d’impôts. Notre étude montre que c’est loin d’être le cas. »
Si les multinationales payaient ne fût-ce que 7,5 % d’impôts, la pension minimum à 1500 euros net serait payée
Si nous examinons l'ensemble des 6 427 entreprises qui ont réalisé plus d'un million d'euros de bénéfices, nous constatons qu'un tiers de ces entreprises étaient imposées à moins de 7,5 %. Les 50 premières entreprises belges championnes de l'évasion fiscale avaient même un taux d'imposition moyen de 1,7 %. On est donc bien loin des 7,5 % promis. Pourtant, si ces seules 50 entreprises avaient effectivement payé 7,5 % d’impôts (sans même parler du taux nominal de 29,5 % auquel sont taxées la plupart des PME), les caisses de l’État auraient perçu 2,8 milliards d’euros supplémentaires. Exactement le montant que coûterait l’instauration d’une pension minimum à 1500 euros net, comme le propose le PTB.
« Dès qu’une telle mesure sociale est proposée, les partis de droite hurlent en prétendant que c’est impayable, dénonce Marco Van Hees. Notre étude montre clairement qu'il s'agit au contraire de choix politiques. Peut-être est-il temps de faire contribuer un peu ces multinationales qui nagent dans les profits pour offrir à chacun et chacune une pension décente après une vie de travail. C'est cela que nous demandons, ainsi que les plus de 60 000 personnes qui soutiennent déjà la loi d’initiative citoyenne pour une pension minimum de 1 500 euros net sur www.1500net.be. »
Les niches fiscales supprimées ? Faux
À part les intérêts notionnels, dont la réforme accélère la baisse « naturelle » entamée il y a déjà plusieurs années, les autres niches fiscales montrent plus de vigueur que jamais : RDT (revenus définitivement taxés), exonération des plus-values sur actions, déduction pour revenus de brevets/innovation… Certaines de ces niches, loin d’être éradiquées, ont même été étendues par la réforme de l’impôt des sociétés.
Exemple 1 : le groupe Total et ses revenus définitivement taxés
Prenons le cas de Total Petrochemicals & Refining, n° 6 de notre Top 50 et principale filiale belge du groupe pétrolier français Total (il s’agit de l’ancienne et emblématique Petrofina). En 2018, cette société perçoit pas moins de 4,2 milliards de dividendes. Un montant versé par une seule de ses propres filiales, Total Finances Global Services.
Au total, pendant 33 ans, cette banque interne du groupe Total a accumulé 4,2 milliards d’euros. Pas mal pour une société comptant 27 équivalents temps plein. Et ces bénéfices restaient dans l’entreprise car ils gonflaient les fonds propres, donnant droit à une déduction d’intérêts notionnels encore plus importante. En 2018, la réforme de l’ISoc entre en application. Les intérêts notionnels sont moins intéressants mais, par contre, la déduction des RDT passe de 95 % à 100 %. C’est le moment idéal pour faire remonter tous ses bénéfices vers sa maison-mère, sous forme de dividendes.
On a donc ici un magnifique exemple de « revenus définitivement taxés » qui se transforment en « revenus définitivement non taxés » : les bénéfices de Total Finances Global Services n’ont pratiquement pas été taxés pendant 33 ans et sa maison-mère, Total Petrochemicals & Refining, exonère dans son propre bénéfice 100 % des 4,2 milliards de dividendes qu’elle perçoit en 2018.
Une réforme qui profite principalement aux PME ? Faux
Contrairement a ce qu’a pu prétendre le gouvernement, cette réforme fiscale est adaptée aux besoins des grandes entreprises et pénalise les PME. À peine 2,5 % de l'économie totale réalisée grâce aux réductions tarifaires vont aux PME. En outre, elles sont exclues de certaines niches fiscales, tandis que celles accordées aux grandes entreprises ont été étendus.
Exemple 2 : le holding GBL de la famille Frère et les exonérations de plus-value sur actions
Depuis 199, les plus-values que les sociétés réalisent sur leurs actions ne sont plus imposables. La plus-value désigne le gain réalisé lorsque le prix de vente des actions est supérieur à leur prix d’acquisition.
La réforme de l’impôt des sociétés introduite par le gouvernement Michel a apporté deux modifications au régime fiscal des plus-values sur actions.
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Elle supprime la taxe de 0,412 % dont devaient s’acquitter les grandes sociétés : les plus-values sont donc à nouveau déductibles à 100 %.
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Par contre, elle introduit des conditions pour bénéficier de cette déduction : détenir au moins 10 % des actions de la société sur laquelle la plus-value est réalisée ou détenir des actions dont la valeur d’acquisition est supérieure ou égale à 2 500 000 euros.
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On constate donc que les deux modifications introduites favorisent les grandes sociétés, au détriment des PME.
Comparons les deux situations suivantes.
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La SPRL « Ma petite entreprise » est une société de plomberie qui, ayant reçu un bon tuyau, a décidé de placer en Bourse une partie de ses – maigres – bénéfices en actions Adidas. Elle revend ces actions en réalisant une plus-value. Mais comme elle détenait une participation inférieure à 2,5 millions d'euros (et nettement inférieure, bien sûr à 10 % du capital d’Adidas), cette plus-value est désormais imposable.
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Le Groupe Bruxelles Lambert (GBL), qui figure à la 8e place de notre Top 50, détient 6,8 % du capital d’Adidas pour une valeur de 3,7 milliards d’euros. C’est moins que 10 % du capital, mais c’est largement plus que 2,5 millions d’euros. Si GBL revend ses actions Adidas et réalise une plus-value, celle-ci sera exonérée à 100 %. D’ailleurs, en 2018, GBL a réalisé, non sur Adidas mais sur d’autres participations, des plus-values pour un montant total de 1,5 milliard d’euros. Ce montant a été totalement exonéré.
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Les propositions du PTB
Le PTB défend la fin des niches fiscales pour les grandes entreprises, en particulier la fin de l'immunisation des plus-values sur action.
Quant aux « revenus définitivement taxés », ils doivent être réformés sur le modèle de l’imputation (voir RDT au point 3 ci-dessus) pour qu’il ne s’agisse pas de revenus définitivement non taxés.
« Une telle réforme de l’impôt des sociétés rapporterait plusieurs milliards d'euros de recettes supplémentaires chaque année, à consacrer aux dépenses sociales, conclut Marco Van Hees. À commencer par l’augmentation de la pension minimum à 1500 euros net. »