Rudi Kennes : « Au Parlement européen, je parlerai la langue de la classe travailleuse »
Rudi Kennes est notre tête de liste flamande pour les élections européennes de lʼannée prochaine. Un défi qu'il est prêt à relever. « Parce que le parti soutient pleinement les syndicats et lutte en faveur de la classe travailleuse. »
« Je suis fier que le parti m’offre cette opportunité », déclare Rudi. « C'est la première fois qu'un parti belge peut envoyer un ouvrier au Parlement européen. C’est important, parce qu'on n'entend pratiquement pas la langue de la classe travailleuse dans les parlements. On y pratique principalement un langage compliqué qui met les gens à distance. C'est un choix délibéré, pour que les gens ne comprennent pas. Je connais la langue de la classe travailleuse et je veux la faire entrer au Parlement européen. »
Un syndicaliste au caractère bien trempé
Rudi voit le jour en 1959 dans la région de Rupelstreek (Anvers), dans une famille ouvrière. Sa mère travaille dans une usine de chaussures et de pantoufles, son père dans une tréfilerie (usine de fil en métal). Aujourd’hui, quand on lui demande pourquoi il est un « rouge » convaincu, il répond : « Vous devriez voir d’où je viens. Le curé se chargeait de nous rendre stupides, le patron de faire de nous des pauvres. » Rudi baigne dans la classe travailleuse depuis son enfance et l’environnement dans lequel il a grandi était rouge. Rouge vif.
En 1977, à l'âge de 18 ans, Rudi va travailler dans une petite usine de machines. Un an plus tard, il rejoint son père chez General Motors (GM, maison-mère dʼOpel à lʼépoque, entre autres), à Anvers. « Après une période d’essai de 14 jours, le contremaître m’a fait signer un contrat fixe. À l'époque, c'était encore possible. Chez GM, on recevait une première médaille après cinq ans de service. Aujourd'hui, après cinq ans, les gens peuvent peut-être espérer un contrat fixe. On n'a pas avancé. Au contraire. »
Très vite, Rudi se présente aux élections sociales et est rapidement élu. C’est le début d'une longue carrière de syndicaliste.
Au début des années 1990, il est invité à entrer au Comité d'entreprise européen. « Là, j’ai appris à travailler avec des personnes d'autres pays et cultures. Les syndicats fonctionnent parfois de manière très différente dans les différents pays et régions d'Europe. Il faut savoir écouter, construire des réseaux et créer un contre-pouvoir. C’était une école d’apprentissage exceptionnelle. Nous avons pu conclure des conventions collectives au niveau européen et organiser des actions et des grèves à l’échelle de l’Europe. J'ai pu suivre de près de nombreuses restructurations en Belgique et à l'étranger. J’ai participé à des négociations avec les directions, mais aussi avec les gouvernements. »
La lutte chez Opel
En tant que délégué principal de la FGTB, Rudi s'est battu avec et pour les travailleurs d'Opel Anvers. « Peu de gens se souviennent qu'il y avait deux usines à Anvers. La première, Plant 1, a fermé en 1988. On l’appelait ‘la Chevrolet’. Elle a fait place à des cinémas. » Cette fermeture fait forte impression sur le jeune délégué. « Je travaillais dans cette usine depuis des années et elle a fermé du jour au lendemain. Les derniers jours d’activité, on se serait crus à un enterrement. Je ne voulais plus jamais revivre ça. »
Mais l’histoire se répète. En 2010, la deuxième usine ferme également ses portes. Mais pas sans lutte. « Ce n'est qu'à la troisième tentative qu'ils sont parvenus à leurs fins. Nous avons réussi à éviter la fermeture à deux reprises. »
Une Europe avec et pour les gens
En 2021, Rudi rejoint le PTB et travaille au Parlement fédéral, comme assistant des députés Nadia Moscufo et Gaby Colebunders. Ce n'est pas un hasard si tous deux sont également des ouvriers et des syndicalistes : le PTB souhaite que leur voix soit plus présente au sein des différents parlements. Deux ans plus tard, le parti demande à Rudi d’être tête de liste pour les élections européennes de 2024.
« Aujourd'hui, l'Europe fait surtout perdre beaucoup d'argent aux travailleurs et s’en prend à leurs droits sociaux »
Tête de liste PTB pour le Parlement européen
Pour Rudi, il s'agit de la suite logique de son travail syndical au niveau européen. « Nous voulons une Europe différente, une Europe avec et pour les gens. Nous devons nous opposer à la politique d’austérité. Pourquoi la classe travailleuse doit-elle payer autant aujourd'hui ? Tout simplement parce qu'il y en a d'autres qui ne paient pas. Aujourd'hui, l'Europe fait surtout perdre beaucoup d'argent aux travailleurs et s’en prend à leurs droits sociaux. »
L'Union européenne suscite aujourd'hui beaucoup de méfiance, ce que Rudi comprend parfaitement. « Quand on voit ce que l'UE a fait ces dernières années, il est normal que les gens ne se sentent pas représentés. Pensez à la flexibilisation du marché du travail, au démantèlement des pensions, à la réduction des investissements dans les services publics, aux politiques d'austérité, etc. »
Mais Rudi croit aussi en une Europe différente, que l'on voit déjà émerger. « Une Europe des luttes sociales, surtout au sein de la classe travailleuse, qui considère que, face aux multinationales, il faut s'organiser à l'échelle européenne. Prenez la crise de l'énergie. Dans toute l'Europe, les gens ne peuvent plus payer leurs factures. Les institutions européennes ne parviennent pas à prendre les mesures adéquates. Du coup, les gens perdent confiance. À quoi sert l'UE, si elle est incapable d’agir quand c’est nécessaire ? »
Au Parlement européen, Rudi souhaite renforcer le réseau syndical international. Ce qu'il fait déjà pleinement. En 2022, par exemple, il s'est rendu à Brême et à Hambourg pour soutenir le personnel d’Amazon dans ses actions lors du Black Friday. « Quelques mois plus tôt, j'avais déjà reçu une délégation du syndicat allemand Ver.di à ManiFiesta. Ces personnes ont adoré notre fête et veulent absolument revenir avec plus de monde. »
« La classe travailleuse européenne a des intérêts bien différents de ceux de l’extrême droite »
Tête de liste PTB pour le Parlement européen
Cette année, Rudi a effectué une visite de solidarité au site d'Amazon de Rheinberg, où il a à nouveau été accueilli à bras ouverts. « C’est ainsi que nous continuons à construire notre village syndical international à ManiFiesta. »
Un barrage contre l'extrême droite
En tant qu'antifasciste, Rudi estime que la lutte contre l'extrême droite constitue un défi européen majeur. L'extrême droite gagne du terrain dans plusieurs pays européens. « Les gens en ont marre des mensonges et des tromperies des partis traditionnels. Partout, ils assistent au démantèlement de la politique sociale. D'autre part, les grandes entreprises réalisent de plus en plus de profits. Les gens en ont assez. Mais des personnes comme Wilders aux Pays-Bas ou Meloni en Italie n'offrent aucune alternative. Ils ne proposent pas de politique sociale. L'extrême droite ne fera rien contre les surprofits des entreprises et des banques. La classe travailleuse européenne a des intérêts différents de ceux de l'establishment, mais aussi des intérêts fondamentalement différents de ceux de l'extrême droite. Si nous parvenons à l’exprimer clairement, nous pourrons faire en sorte que celle-ci ne progresse pas. »
Rudi baigne dans l’antifascisme depuis sa plus tendre enfance. « Ma grand-mère ne disait jamais que ‘les Allemands’ avaient occupé notre pays. Elle parlait des ‘fascistes’. Elle faisait cette distinction. Nous n’avions pas le droit de jouer avec certains enfants du quartier parce qu’ils étaient ‘collabos’. Mais ma mère nous a expliqué les choses. Lors de l'une de mes premières manifestations, j'ai entendu la chanson Avanti popolo (« En avant, le peuple », chant révolutionnaire italien, NdlR). Je sifflotais cet air à la maison, et ma mère m'a demandé où je l’avais appris. Elle m'en a alors expliqué la signification. »
Rudi est fasciné par les histoires des personnes qui ont été capturées et emprisonnées à Breendonk pendant la guerre. Ce sont des récits qui ne doivent pas tomber dans l'oubli. C’est pour cela qu'il est aussi devenu un membre engagé du Front de l'Indépendance, l'un des principaux mouvements de résistance durant la guerre, devenu une organisation de conscientisation aux dangers du fascisme. Il contribue également à la Coalition 8 Mai. « Les héros de la résistance doivent recevoir l'attention qu'ils méritent. Ils ont risqué leur vie, le bien le plus précieux qu'ils possédaient, pour notre liberté. Si nous ne transmettons pas cette histoire aux jeunes d'aujourd'hui, cette situation risque de se reproduire. C’est la mission de la Coalition 8 Mai. »
Rudi estime également que les syndicats ont un rôle important à jouer dans la lutte contre l'extrême droite. « Si nous parvenons à ralentir quelque peu le virage à droite de l’Europe, ce sera grâce à la force des syndicats. Tant que ceux-ci ne seront pas brisés, un régime autoritaire ne pourra pas être mis en place. Les organisations sociales constituent le dernier rempart contre l'extrême droite. »
Beaucoup de choses sont possibles
« Le PTB a clairement sa place au Parlement européen », déclare Rudi. « Notre député Marc Botenga l'a déjà prouvé lors de la dernière législature. C'est le seul parti qui se range véritablement du côté des travailleurs, des syndicats et de la société civile. »
« Lorsque des personnes et des peuples s'unissent dans la solidarité, beaucoup de choses deviennent possibles »
Tête de liste PTB pour le Parlement européen
Le choix du PTB de se tenir aux côtés de la classe travailleuse, Rudi a eu l’occasion d’en être témoin lors des inondations de l'été 2021 en Wallonie. Comme tant d'autres, il s'est rendu dans la vallée de la Vesdre avec les SolidariTeams du PTB. Lorsqu'il en parle aujourd'hui, il a encore une boule dans la gorge. « Je suis encore furieux. Dans un pays riche comme le nôtre, des gens ont été abandonnés et les responsables n’ont pas été rappelés à l’ordre. Aujourd'hui encore, certaines personnes dans la région se trouvent toujours dans une situation très difficile. Dans la vallée de la Vesdre, j'ai vu ce qu'un parti comme le nôtre peut accomplir. J'y ai acquis un immense respect pour la puissance d’organisation et la force du PTB. »
La puissance de l’organisation, Rudi y croit dur comme fer : « Je ne dis pas : votez pour moi et je résoudrai tous les problèmes. Je vais tout faire pour que les gens comprennent qu’ils disposent d’une grande force. Lorsque des personnes et des peuples s'unissent dans la solidarité, beaucoup de choses deviennent possibles. »