PS et Ecolo vont négocier avec le MR : à qui la faute ?
La note Coquelicot du PS et d’Ecolo n’était pas faite pour le PTB. Si le PS et Ecolo vont maintenant négocier avec le MR, c’est avant tout parce que leur note d’orientation (que vous pouvez lire par vous-mêmes ici) vise surtout à continuer une politique libérale, et refuse toute idée de rupture, ce qui la rend bien plus adaptée à une alliance avec le MR. Voici pourquoi elle n’est pas compatible avec ce que défend le PTB.
1. La note maintient la même politique au service des multinationales
À part le nom du Plan Marshall, il n’y a aucun changement au niveau de la politique économique proposée pour la Wallonie. Les pôles de compétitivité sont maintenus - c’est même un des premiers axes de la note – et, avec eux, la politique qui consiste à subsidier le privé et les grandes multinationales en comptant sur elles pour répondre aux besoins économiques, sociaux et écologiques. Ces cinq dernières années, 2, 9 milliards d’euros ont été donné en subside au privé. Cette politique n’est pas du tout remise en cause, elle est au contraire largement confirmée.
Pire, on peut lire dans la note que le PS et Ecolo s’engagent à ce que le Gouvernement « mette en œuvre les recommandations du Conseil de l’Industrie » (page 8). Or qu’est-ce que ce Conseil ? Un groupe qui rassemble les dirigeants des grandes multinationales actives en Wallonie (Google, Alstom, UCB, GSK…) dont les recommandations sont évidemment tout sauf positives pour les travailleurs :
- limiter le « coût du travail » en « réduisant les écarts salariaux avec nos principaux partenaires économiques » (p. 22) ;
- renforcer la flexibilité pour « adapter le marché aux nouvelles réalités économiques » (p22) ;
- « soutenir une fiscalité propice » aux grandes entreprises (p.23) ;
- limiter le droit de grève en ajoutant des procédures avant de pouvoir déclencher une grève (p24).
Comment le PTB aurait-il pu soutenir une telle position ?
On voit ici qu’il y a un accord sur cette politique libérale non seulement du côté du MR mais aussi de tous les parts traditionnels, du PS à Ecolo en passant par le cdH. Elle est menée en Wallonie depuis plus de 30 ans et personne ne la remet en cause. Pourtant, il est clair qu’elle est un échec : non seulement le PIB de la Wallonie continue à baisser comparé à celui de la Flandre, mais, surtout, la vie des Wallons et Wallonnes continue à devenir de plus en plus dure.
Dans une réelle optique de gauche, l’argent public, et notamment ces 2,9 milliards investis au service du privé, devrait au contraire être utilisé pour des investissements publics qui répondent aux besoins de la population en matière de logement, de soins de santé ou d’énergie, tout en créant de l’emploi de qualité. C’est ce que nous avons défendu auprès de Di Rupo et Magnette et qu’ils ont refusé.
2. La note reste dans le cadre des carcans d’austérité européens et fédéraux
Aucun budget ni aucun chiffre n’accompagne le document soumis. Pourquoi ? Justement parce que PS et Ecolo ne remettent pas en cause le cadre austéritaire imposé par l'Union européenne et le niveau fédéral. Or, sans remettre en cause ces carcans, sans aller chercher de l’argent en taxant les millionnaires et les multinationales, sans remettre en cause les politiques qui empêchent de s’endetter pour faire des investissements publics productifs, on ne pourra tout simplement pas financer de politique sociale. Prétendre autre chose, c’est raconter de mensonges.
Ce que nous avons constaté autour de la table des négociations en juin face à Elio Di Rupo et Paul Magnette se vérifie malheureusement aujourd’hui : ils ne veulent pas remettre en cause ce cadre. Tant le PS qu’Ecolo ont d’ailleurs voté à l’époque pour installer ce cadre avec le TSCG, le fameux traité d’austérité européen.
La seule chose que dit la note, c’est que « Le Gouvernement [wallon] portera à l’échelle européenne une rupture avec les normes budgétaires actuelles » (notamment p2). Mais qu’espèrent-t-ils ? Qu’il va suffire de demander cela à l’échelon européen ? Que, maintenant que Charles Michel est président du Conseil européen, il les aidera à changer les règles ? Il faut être sérieux…
Autant dire que rien ne changera. Et, en attendant, la note est claire, elle indique : « La réalisation des mesures sera programmée en fonction des moyens disponibles et des possibilités de réorientation budgétaire. ». Traduction : au moment du budget, toute une série de promesses passeront à la trappe.
3. La note ressemble très fort à l’accord Olivier entre PS-Ecolo-cdH en 2009… et annonce les mêmes échecs
La note Coquelicot ressemble très fort à celle qui avait été écrite en 2009 pour préparer la majorité Olivier (PS-Ecolo-cdH), qui a gouverné la Wallonie entre 2009 et 2014. Cela montre que c’est bien le cdH qui était en premier lieu visé avec cette note.
Mais, du coup, la note Coquelicot annonce surtout les même échecs que ceux qu’a connus l’Olivier :
Comme avec l’Olivier, le PS et Ecolo annoncent beaucoup de bonnes intentions, mais, vu qu’ils refusent de rompre avec les règles budgétaires, ils feront à nouveau le contraire de ce qu’ils ont promis. L’Olivier avait ainsi promis 6 000 nouveaux logements sociaux, mais il a fini la législature avec 2 078 logements en moins. Leur excuse ? Impossible de faire autrement avec la situation budgétaire.
Autre exemple : le prix des tickets de bus. Alors que le gouvernement Olivier promettait de garantir un coût modéré, il a augmenté le ticket de 45 %, passant de 1,30 euro à 1,90 euro, et a supprimé la gratuité pour les plus de 65 ans.
Lire ici le bilan du gouvernement Olivier, qui n’est pas fait pour rassurer quant aux promesses du Coquelicot.
4. La note comporte des renoncements importants sur des questions essentielles comme le logement, l’énergie ou l’éthique
Parlons du logement, d’abord. 40 000 familles ont besoin d’un logement social en Wallonie. Il y a urgence. La FGTB wallonne demande donc par exemple la construction de 40 000 logements sociaux pour la prochaine législature. Le document transmis par PS et Ecolo évoque la volonté d’arriver à 10 % de « logements à loyer modéré » (page 15).
Pourquoi ce drôle de terme et pas une mention claire du logement social public ? Et pourquoi n’y a-t-il aucun chiffre concret, aucune date ? La réponse est simple : parce qu’ils ont renoncé à avoir une politique de logement ambitieuse basée sur des investissements publics. Tous les acteurs du secteur savent que la question de l’investissement public dans le logement social est une question clef pour assurer le droit au logement. Ici, cela passe complètement à la trappe.
Concernant la politique énergétique, la déclaration prévoit notamment que le gouvernement poursuivra « l’installation de panneaux solaires sur les toits et encouragera les opérateurs publics et les entreprises privées à réaliser des installations photovoltaïques de grande dimension. ». À aucun moment il n’est prévu de remettre en cause la mainmise des géants de l’énergie comme Electrabel et Luminus sur la production d’énergie. Aucune remise en cause, donc, de la libéralisation qui a fait augmenter les factures sans verdir notre énergie. Une transition environnementale ambitieuse et sociale en même temps exige pourtant une planification écologique qui se détache du marché. On en est loin.
Enfin, les promesses en matière d’éthique ne tiennent pas la route. Bien sûr, sur papier, il y a quelques idées intéressantes. Mais comment peut-on croire ces promesses alors que, le jour même de l'annonce de l'accord PS-Ecolo, on apprend que Muriel Targnion (PS), bourgmestre de Verviers et présidente de l’ex-Publifin, siégera comme « conseillère » chez Luminus, filiale de la multinationale française EDF, pour la somme de 30 000 euros par an. En plus de son salaire de bourgmestre de 103 000 euros par an comme bourgmestre. Après Publifin, après le Samusocial, et alors que Di Rupo prétend depuis près de 15 ans que c’en est fini des parvenus… Il n’y a pas meilleur exemple pour illustrer la distance entre la parole et les actes chez le PS.
Voir ici notre vidéo sur le sujet.
5. La gauche ne peut gagner que si elle sort du cadre
Après une analyse approfondie et la consultation de nos instances et de nos parlementaires, nous avons malheureusement dû constater que soutenir la note Coquelicot et le gouvernement PS-Ecolo équivaudrait à donner un chèque en blanc à une politique qui va, une fois de plus, échouer à changer les choses. C’est une note qui est en réalité compatible avec le cdH, mais aussi le MR. Le PTB ne veut pas devenir un parti comme les partis traditionnels, qui, passé les élections, remise ses principes au placard et rentre dans un gouvernement qui ne changera pas grand chose en échange de quelques postes.
Le PTB ne veut pas suivre le chemin de Syriza, en Grèce, qui s’est fait élire en promettant la rupture et a fini par appliquer une politique d’austérité, contribuant à empirer la situation des Grecs. Ce n’est pas un hasard si ce parti est aujourd’hui sanctionné pour cela. Avec ses 14 %, le PTB n’est pas encore assez fort pour imposer un vrai changement. Et, en face, Di Rupo et Nollet ne sont pas prêts à remettre en cause les carcans dans lesquels ils se sont enfermés. C’est pour cela que leur note est compatible avec le MR et pas avec le PTB. C’est leur responsabilité si celui-ci revient aujourd’hui à la table des négociations.
Est-ce que cela veut dire qu’on ne peut rien faire ? Non. Un changement véritable passe aussi et surtout par des mobilisations populaires.
Dans le passé, ce sont les mouvements sociaux et syndicaux puissants qui ont imposé aux partis de gauche traditionnels de sortir du cadre établi et de voter des lois qui étaient auparavant impensables. Les congés payés, la journée de 8 heures et autres acquis des grèves de 1936 ont été obtenus par la puissance d’une grève générale qui a bousculé l’establishment et mis les forces patronales sur la défensive.
Une présence au Parlement, ou même au gouvernement, d’un parti comme le PTB ne peut apporter de réels changements sans l’organisation d’un puissant rapport de force sur le terrain. Et on va continuer à travailler pour construire ce rapport de force. Vous pouvez compter sur nous.
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