Pourquoi nous pensons qu'un pass sanitaire à la française n'est pas une bonne idée
L'extension du pass sanitaire ou du Covid Safe Ticket, à un usage quotidien dans le secteur de l'horeca, de la culture et du sport n'est pas une bonne idée. Au lieu de faire adhérer les gens, on risque de faire le contraire en les excluant.
C’est avant tout une solution rapide – et inefficace – pour un gouvernement qui a négligé la prévention pendant des années et qui, en raison de ses fréquents échecs, n'est toujours pas en mesure de contrôler l'épidémie. Nous avons besoin d'une approche complètement différente. Voilà pourquoi nous avons voté contre la proposition du gouvernement.
Un pass sanitaire divise les gens
La vaccination, en plus d'une stratégie de dépistage accessible et d’un suivi approfondi des contacts et des sources, est un ingrédient clé pour sortir de la pandémie. « La vaccination est un acte solidaire, mais avec un pass sanitaire on divise la société en deux », souligne également l'épidémiologiste Marius Gilbert. Une partie de la population, notamment les jeunes, risque d'être encore plus exclue de la société. Les divisions ne nous permettront pas de sortir de la crise. Le groupe d'experts GEMS a également donné ce signal dans son avis au gouvernement à la mi-août. Selon Celine Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des services sociaux, un pass sanitaire a des conséquences à long terme sur la confiance de la population dans le gouvernement et les services publics. « Faisons de la crise le moment de réintégrer les personnes exclues et les plus coupées du système de santé. La clé, c’est le contact humain, l'échange et la convivialité », selon elle.
Un pass sanitaire n’apporte pas de réponses aux questions légitimes
La méfiance à l'égard des gouvernements est grande. Et à juste titre, quand on voit les neuf ministres de la Santé se marcher sur les pieds, quand on voit la façon dont ils ont géré la crise dans les maisons de repos (une véritable débâcle), et quand on voit les mesures absurdes et souvent contradictoires qu’ils ont imposées, comme la règle des sièges côté fenêtres dans les trains. De nombreuses personnes ont tout simplement été laissées pour compte au cours de l'année et demie écoulée. Abandonnées à elles-mêmes. De nombreuses familles et indépendants sont pénalisés financièrement par la crise. Si vous devez être mis en quarantaine, jusqu’à présent, vous perdez tout de même un tiers de vos revenus. Vous recevez un appel d'un call center, qui vous avertit que vous devez rester à l'intérieur. Il est donc naturel que de nombreuses personnes hésitent aujourd'hui à suivre les directives des gouvernements.
Le gouvernement est pleinement engagé dans des mesures répressives, des contrôles et des amendes. Nous avons besoin d'une politique sociale, où au contraire le gouvernement soutient les gens. Cela a été scientifiquement prouvé. « Le déploiement de services de soutien équitables pour les personnes les plus exposées au risque de Covid-19 est une urgence nationale et les gouvernements doivent agir en conséquence », rapporte la revue médicale réputée, The British Medical Journal.
De nombreuses personnes ne font pas non plus confiance à Big Pharma, ce qui est parfaitement compréhensible. Et une fois de plus, l’industrie pharmaceutique en est elle-même responsable, après des années de banditisme. Au milieu d’une pandémie mondiale, l'industrie pharmaceutique engrange des profits en maintenant le vaccin dans les mains du privé. « Si le gouvernement est si préoccupé par notre santé, pourquoi ne retire-t-il pas le vaccin des mains de Big Pharma ? », se demandent les gens avec raison. Beaucoup se posent également de vraies questions sur le vaccin et ses éventuels effets secondaires. Un pass sanitaire ne les aidera en rien à trouver les bonnes réponses. Au contraire, sans apporter de réponses aux préoccupations des gens, on tente de manière déguisée de rendre la vaccination obligatoire. Le gouvernement ferait mieux de soutenir notre proposition, ainsi que l'initiative citoyenne européenne No Profit On Pandemic, afin de lever les brevets sur les vaccins contre le coronavirus. Si nous brisons les monopoles des multinationales pharmaceutiques, nous pourrons placer le vaccin sous contrôle public, en toute transparence, et le rendre accessible à tous.
Dans le domaine de la protection des données, de sérieuses questions se posent également. L'autorité de protection des données (APD) a rendu un avis cinglant sur la base juridique du pass sanitaire. Selon l'organisme de surveillance des données, les gouvernements n'ont pas étudié la possibilité de mesures moins intrusives. Cela confirme que le pass sanitaire est une solution rapide de facilité pour les gouvernements, qui leur épargne la recherche d’alternatives. L'autorité souligne également l'importance du contrôle parlementaire des arguments du gouvernement pour l'introduction du pass sanitaire. Le fait que les gens se méfient du partage de leurs données est compréhensible, quand on voit comment Big Brother Frank Robben détermine qui est autorisé à faire quoi avec nos données, tout en supervisant lui-même ses propres décisions.
Un pass sanitaire ne résout pas les problèmes fondamentaux
Il est illusoire de vouloir résoudre d’un coup des années de négligence en matière de soins et de prévention avec un pass sanitaire. Le fond du problème est que le gouvernement investit trop peu dans la prévention structurelle et l'accessibilité des soins de santé pour toutes et tous. « Le pass sanitaire est une 'solution à court terme’, une solution de facilité. Le gouvernement joue la carte de la carotte et du bâton, mais le problème fondamental est l'accès aux soins de santé et à l'information», explique Marius Gilbert. À Bruxelles, on a des taux de vaccination qui sont assez proches du pourcentage de personnes qui ont un médecin traitant. Certaines personnes n'ont pas accès aux campagnes de sensibilisation. Il y a plusieurs raisons à cela : socio-économiques, culturelles, linguistiques. Les nationalistes flamands essaient d'en faire une contradiction entre la Wallonie et la Flandre, mais la vérité est que les différences entre les villes riches et pauvres au sein des régions sont grandes. Dans les communautés minières pauvres du Limbourg, la couverture vaccinale est de 10 % inférieure aux moyennes globales de Genk, As, Zutendaal et Bree combinées. Des années d'exclusion du système de santé, un manque de confiance et le sous-investissement dans des structures préventives solides ne seront pas surmontés par un pass sanitaire.
À Genk, six cabinets de médecins généralistes ont adopté une approche totalement différente. Ils se sont donné la main pour appeler les personnes qui ont des questions sur le vaccin et qui ont des doutes. Ils écoutent les gens, répondent à leurs questions de manière empathique et accessible, et créent la confiance. Un quart des personnes ont pris rendez-vous pour une vaccination après ces appels. Nous avons besoin d'autres recettes qu'un pass sanitaire : des soins accessibles à tous, la participation et une communication ciblée. Pour cela, le gouvernement doit investir dans un système de soins de santé primaires solide, proche de la population et capable de s'engager dans la prévention. C'est ce que Médecine pour le Peuple - MPLP fait chaque jour sur le terrain, avec ses 11 maisons médicales dans le nord, le sud et le centre du pays, et c'est ce qu’elle continuera à faire.