Pourquoi l’accord gouvernemental à Bruxelles n’est pas un accord social
Le 18 juillet, le gouvernement bruxellois Vervoort 3 (PS-Ecolo-Défi-s.pa-Groen-Open vld) a présenté son accord de gouvernement. Emballé sous une belle étiquette de « remède pour l’urgence sociale et écologique », il s’agit davantage d’un accord fait pour les promoteurs immobiliers, les grandes entreprises et les plus nantis, qui ne va résoudre ni la crise du logement, ni la pauvreté, ni les enjeux climatiques et de mobilité auxquels sont confrontés les travailleurs et travailleuses bruxellois.
Avant de parler du contenu de l’accord, il faut avoir en tête ce qu’attendent les gens, les vrais gens du peuple, les travailleurs, tous ceux qui ont demandé de la rupture avec le passé.
Pensons à Younès, qui paie 1000 euros de loyers pour un logement où il doit vivre serré avec ses enfants. Il est agent de sécurité et gagne 1800 euros par mois. Comment peut-on finir le mois correctement dans des conditions pareilles ?
Pensons à Catherine, qui est infirmière et qui fait les nuits 7 jours d'affilée - 70h de travail, un rythme intenable. Pensons à Marc, qui attend son logement social depuis 10 ans et qui, en attendant, paie un loyer de 750 euros pour un logement insalubre.
Pensons à Nadia, qui a fait un stage dans le cadre de la garantie jeune. Elle a fait un tout autre travail que ce qui était prévu pour qu'elle se forme et a reçu 800 euros de revenus, dont seulement 200 payés par l'entreprise où elle faisait le stage, le reste étant subsidié par les pouvoirs publics.
Pensons à Jonas, un enfant de 8 ans qui vit dans la pauvreté, comme un tiers des enfants à Bruxelles. Sa boîte à tartine est régulièrement vide quand il va à l'école.
Pensons à Sabrina et sa famille, qui ont déménagé à Tubize car ils n'arrivaient plus à payer leur loyer à Bruxelles.
Tous ces gens se font rouler avec cet accord. Il faut arrêter de les mener en bateau, de leur faire croire que les recettes du passé vont produire d'autres effets, alors qu'on voit qu'elles n'ont pas fonctionné. De leur faire croire que cet accord est fait sur mesure pour eux alors qu'il est fait pour ceux qui sont déjà les tout-puissants dans notre société : les gros promoteurs immobiliers ou les spéculateurs à qui notre ville est de plus en plus vendue, ou aux partons de BECI (lobby patronal bruxellois) qui recherchent de la main d’œuvre bon marché...
En dessous de l'étiquette « remède pour l'urgence sociale » ?
Le logement, priorité n°1 des Bruxellois
L’accord affirme mettre une priorité sur le logement. Et c'est bien entendu la priorité numéro un des Bruxellois.
Ces 20 dernières années, les promoteurs immobiliers et les spéculateurs ont pris le dessus dans la production de logements en région bruxelloise. Les nouveaux logements produits le sont donc surtout dans une optique d'investissements qui doivent rapporter et non pas pour répondre aux besoins des familles qui cherchent simplement à se loger décemment. Résulta: les loyers ont grimpé bien au-dessus du coût de la vie. Dans certaines communes, ils ont augmenté de plus de 50 %.
Pour résoudre la crise et augmenter l'offre de logements abordables, nous avons deux leviers : la création de logements sociaux supplémentaires - la moitié des ménages à Bruxelles y ont en fait droit - et l'encadrement des loyers sur le marché privé pour les faire baisser.
Ces deux leviers sont-ils activés dans l'accord de gouvernement ? Non.
1) L’accord parle d’atteindre 15 % de logements à finalité sociale sur l’ensemble du territoire régional. Cependant, le jour même de la déclaration de politique générale, le ministre-président Rudi Vervoort annonce dans la presse : « 15% de logements sociaux, je ne me fais pas d'illusion, on n'y arrivera pas. » Voilà qui en dit long sur les ambitions qui sont mises pour résoudre la crise du logement.
C'est aussi pour cela que la déclaration du gouvernement maintient consciemment le flou en parlant de logement « à finalité sociale » et non de logements sociaux. Un nouveau renoncement de ce gouvernement. Il n'existe pas de définition de « logement à finalité sociale ». Il s'agit d'une catégorie fourre-tout avec des logements sociaux (peut-être) mais aussi et surtout des logements gérés par des Agences immobilières sociales (AIS), logements gérés par les communes, ou par le Fonds du logement. Mais il ne s'agit donc pas nécessairement de logements publics qui seront accessibles à tous les ménages qui sont en attente de logements sociaux.
2) « Le Gouvernement s’engage à remettre en état locatif l’ensemble des logements sociaux existants. » Mais on ne sait pas dans quels délais et avec quel budget.
3) « Le Gouvernement élaborera une stratégie régionale d’acquisition-rénovation de logements. » Mais il n’y a pas d'objectifs chiffrés et donc pas de nouveau plan de création de logements sociaux.
4) « Le Gouvernement achèvera, dans les 5 ans, la construction des 6 400 logements prévus par le Plan régional du Logement et l’Alliance Habitat. » C'est le seul chiffre concret que nous voyons.
Madame Frémault, ancienne ministre du Logement, le dit elle-même : c'est la continuité des politiques précédentes. Or ces politiques précédentes n'ont manifestement pas fonctionné.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : depuis 2004, on nous promet la construction de plus de 6000 logements sociaux. Dans les faits, entre 2005 et 2017, à peine 1300 sont sortis de terre.
Évidemment, quand on laisse les gros promoteurs décider de faire zéro logement social sur un terrain comme Tour&Taxi, alors qu'on a une occasion rêvée d'en créer à cet endroit, c'est faire le jeu des investisseurs. Des investisseurs qui sont notamment représentés dans l’assemblée parlementaire, comme madame Bertrand (MR). Qui est Madame Bertrand ? Elle siège dans le conseil d’administration d’Ackermans et VanHaren, qui détient la filiale Extensa, laquelle va construire du logement de haut standing. Par contre, les 43 000 familles sur liste d’attente pour un logement social, attendent toujours.
5) Le gouvernement veut également étendre l'allocation loyer. Cette allocation pourrait sembler d'un premier abord une bonne idée, mais, à y regarder de plus près, cette idée n'est pas si bonne que cela.
D'une part, le budget qui lui est alloué allait passer de 10 à 12 millions d'euros, autant dire pas grand chose en plus, selon les déclarations de Céline Frémault en 2018. Elle annonçait déjà que cette réforme de l'allocation loyer allait concerner de 3000 à 5000 personnes1. Comme dit ci-dessus, à côté des 43 000 familles qui attendent un logement social, cela paraît bien maigre.
D'autre part, différentes études ont déjà montré que ce système d'allocation a l'effet pervers de participer à l'augmentation des loyers2, certainement s’il n'est pas accompagné d'une grille des loyers contraignante3, puisque le mécanisme de marché continue d'opérer librement. C'est la raison pour laquelle le PTB plaide plutôt pour une grille des loyers contraignante, afin de les faire baisser, au lieu de subsidier au final de gros propriétaires privés avec de l'argent public.
Malheureusement, rien n'est prévu dans l'accord au niveau d'une grille contraignante. Pire : les partis traditionnels se sont prononcés contre une telle grille. Cela signifie malheureusement que les loyers vont encore augmenter, parce que cette grille est la seule manière de les faire baisser.
6) « Le Gouvernement soutiendra également les ménages en attente de logement social en développant l’offre de logements en AIS. »
Le gouvernement présente souvent les logements gérés par les agences immobilières sociales (AIS) comme permettant à un petit propriétaire de mettre sans risque son bien en location à un « tarif social ». Cependant, on constate en réalité surtout que ces aides publiques permettent de garantir les marges de bénéfices des promoteurs. C'est l'effet pervers du mécanisme des AIS, comme l'a relevé d'ailleurs le Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l'Habitat (RBDH) dans sa critique du système. De plus en plus, des promoteurs (ou des banques comme la banque DeGroof) construisent des logements pour les offrir aux AIS. Les subsides et avantages publics sont devenus tellement intéressants qu’ils leur garantissent 3 % de bénéfices. La collectivité investit ainsi plus de 5000 euros par an pour un logement qui reste finalement privé. Il est impossible de produire massivement du logement social de cette manière, puisqu'aucun retour financier ne va vers les pouvoirs publics, là où le logement public permet aux pouvoirs publics de toucher le loyer.
En matière de logement, le gouvernement va donc recycler des anciennes recettes qui vont en fait encore aggraver la crise du logement. Si ces recettes avaient fonctionné sous les gouvernements précédents, on n’en serait pas là. La compétence du logement a d’ailleurs été confiée, non pas à un ministère, mais à un secrétariat d’État. On est donc loin de l’ambition nécessaire. Pourtant, dans quelques années, la région comptera 100 000 habitants supplémentaires. Sans changement de cap radical, c'est donc une crise encore plus aiguë qui nous attend. Par contre, les profits des gros promoteurs ont encore de beaux jours devant eux.
L’emploi précaire a de beaux jours devant lui
« Ce gouvernement partage une conviction : que l'exercice d'un emploi stable, durable et de qualité offre à chacun les conditions de son émancipation. » Voilà ce qu’affirme la majorité.
Une des mesures phare du gouvernement est la Garantie Jeunes, qu’il veut étendre à tous les chômeurs. Mais quel est l’effet de cette forme de stages et formations subsidiés ?
L’Activation des chômeurs oblige ceux-ci à accepter ces formations ou stages subsidiés, dont jusqu’à 75 % du salaire est payé par la collectivité. Cela constitue une opportunité pour les multinationales des secteurs du commerce, du transport, du nettoyage, de l’industrie, de l’Horeca. Les employeurs empochent les primes à l’embauche, et lorsque la période de primes se termine, le travailleur est souvent mis dehors et remplacé par un autre, afin de redémarrer un nouveau cycle de prime. C’est ce que les syndicats appellent « l’effet carrousel ».
En réalité, un « emploi Garantie Jeunes » ne fait que prendre la place d’un emploi stable (CDI). La FGTB-Bruxelles a tiré la sonnette d’alarme dans son étude intitulée « Pour un travail juste, pas juste un travail » : Elle y révèle qu’en 2017, 56 % des jeunes travailleurs bruxellois sont confrontés aux contrats temporaires. En 2013, ce n’était encore « que » 37 %. La hausse de ces emplois temporaires est aussi la conséquence de l’instauration de cette « Garantie Jeunes ». Le syndicat est très critique, car « on reste cantonné à des emplois qui ne donnent pas de perspective ».
Aujourd’hui, le nouveau gouvernement bruxellois veut élargir l’accès de cette Garantie à tous les chômeurs. Cela représente un magnifique cadeau pour les employeurs, financé par l’impôt des bruxellois, mais surtout au détriment des emplois stables (CDI).
L'entreprise Blokker a par exemple bénéficié pendant plusieurs années de la Garantie Jeunes. Une employée racontait : « Dans notre magasin, on est dix travailleurs fixes, mais nous n’avons qu’un contrat à durée indéterminée de 12 heures par semaine. Les heures que nous prestons en plus sont des annexes à notre contrat qui changent chaque mois, parfois 8 heures, parfois 10 heures… Nous avons tout le temps des jeunes en stage d’Actiris. Ils reçoivent 200 euros de salaire de Blokker et 600 euros d’Actiris. Pour Blokker, ce sont des travailleurs très bon marché. Ils ont un contrat de 3 mois qui sera éventuellement prolongé de 3 mois. Blokker promet toujours un contrat indéterminé, mais cela n’arrive jamais. Les jeunes se démènent en espérant décrocher un emploi stable mais en vain... »
On est très loin de « l'émancipation » prônée par le gouvernement. Cela empêche même la création d’emplois stables. Par contre les multinationales en raffolent tant cela leur fait de la main d’œuvre à bas prix…
Des augmentations pour les échevins, mais pas pour les blouses blanches
En matière d'emploi, il n'y a rien non plus sur les revendications des travailleurs des pouvoirs locaux, des CPAS, des hôpitaux publics et autres contrats Chapitre XII : pas un mot concernant leur revalorisation salariale, alors qu'ils sont les moins bien payés de tous les services publics du pays, alors que le personnel hospitalier est maintenant dans la rue depuis des semaines tellement les conditions de travail sont intenables.
La seule augmentation salariale prévue est pour les échevins et les conseillers communaux. Rien pour les travailleurs sociaux, rien pour le personnel soignant. Ceux-ci sont pourtant venus à la tribune même du Parlement bruxellois revendiquer une augmentation de 10 %, alors qu’ils n’avaient pas été augmentés depuis 15 ans. Ils ont les barèmes les plus faibles de toutes les régions, mais on n’en trouve pas un mot dans l’accord.
Par ailleurs, les taximen ont lutté contre le détricotage de leur secteur. Ils ont lutté pour améliorer l’offre de taxi. Ils ont lutté contre la multinationale Uber qui ne paie pas d’impôts. Le secteur avait un espoir que le gouvernement bloque cette concurrence, mais il n’y a aucune garantie.
Lutter efficacement contre les discriminations à l'emploi ?
L'accès à l'emploi est aussi freiné par les discriminations à l'embauche.
Il y a 5 ans, on pouvait lire dans la déclaration de politique générale : « La volonté du Gouvernement est de poser des actes ambitieux en passant des bonnes intentions en faveur de la diversité aux actes concrets de lutte contre la discrimination à l’embauche. »
5 ans après, avec la poursuite des politiques libérales, où l'accès à l’emploi et au logement est limité dans un contexte de pénurie et de concurrence renforcées, les discriminations explosent, comme le prouvent toutes les études.
Récemment encore, le dernier baromètre de la FGTB bruxelloise démontrait que les travailleurs d'origine étrangère trouvent plus difficilement de l'emploi que ceux d'origine belge. Le monitoring d'Actiris publié en juin enfonce encore le clou :
« Le risque de pauvreté, de chômage, de faible qualification, de relégation dans les filières professionnelles ou techniques ou de logement médiocre est beaucoup plus grand aujourd'hui si vous avez une couleur différente ou si votre nom suggère une origine étrangère. »
La Région a créé ces dernières années plusieurs outils (Charte de la diversité, Plans de diversité, Label diversité…) inefficaces et très peu utilisés. À ce jour, l’ordonnance relative à la lutte contre la discrimination et à l’égalité de traitement en matière d’emploi (votée en septembre 2008) n’a mené à aucune sanction. Aucune condamnation n’a été faite sur cette base. Bref, le constat d'échec de la lutte anti-discrimination de ces 10 dernières années est incontestable.
Pour le PTB le temps des constats est révolu, il est temps de combattre effectivement les discriminations et garantir un traitement égal pour tous les bruxellois quelles que soient leur origine, culture, confession ou genre.
L’accord affirme aussi vouloir faire avancer les droits des femmes.
Pourtant, aujourd’hui qu’Ecolo entre au gouvernement, il n’y a pas un mot dans la déclaration de 128 pages sur la question de la discrimination sur base du voile. Nous ne pouvons pas accepter de restreindre les libertés publiques et d'exclure les femmes qui portent le voile du marché de l'emploi ou de l'enseignement. Cette interdiction est injuste et constitue un frein à l’insertion professionnelle et à l’émancipation sociale. Pourquoi ne pas l'inscrire noir sur blanc dans cet accord ?
La victoire majeure de ces 10 dernières années dans le domaine de la lutte anti-discrimination en Région bruxelloise, d’après Unia, c’est l’adoption par le gouvernement bruxellois des testings anti-discrimination fin 2017. Malgré les grandes déclarations de 2009 puis 2014, il a fallu une longue lutte et mobilisation, avec l'affaire Samira-Cécile, pour que les lignes bougent.
Mais le gouvernement précédent n'a pas osé prendre les mesures qu'il fallait, contraignantes et proactives, par peur de déplaire au patronat, avec une résistance notamment de la part de BECI. D'ailleurs, seuls 4 tests ont été réalisés depuis la mise en place de cette mesure pour toute l'année 2018. C'est pourquoi nous allons continuer le combat et serons attentifs à ce que les volontés exprimées dans l’accord (mettre des moyens, être proactif et avoir des sanctions dissuasives) soient aussi réelles.
Dans cet accord il y a aussi de bonnes choses. Il y a des avancées significatives dans les mots, comme sur l'ambitieux volet décolonial qui va dans le bons sens. Le PTB sera attentif à ce que ces déclarations, promesses et volontés soient concrétisées dans la réalité.
Sous l'étiquette « remède à l'urgence climatique »
Le gouvernement annonce des objectifs ambitieux de zéro carbone en 2050. C’est d’ailleurs bien nécessaire pour sauver notre planète. Pourtant, nous n’y arriverons pas si le décalage entre les objectifs et les moyens qui sont donnés reste aussi grand.
Transports publics gratuits, qu'est-ce qu'on attend ?
Le gouvernement a un plan ambitieux d’extension des transports en commun publics. Cela est bien évidemment nécessaire pour réduire les émissions de CO2, améliorer la qualité de l’air ainsi que la qualité de vie à Bruxelles. Mais l'accord ne mentionne pas le financement de ces projets.
Comment le gouvernement compte-t-il financer l’extension du métro et le développement des trams ? Compte-t-il sur le bon-vouloir de l’Union européenne pour sortir de la prison budgétaire de l'austérité ? Et en cas de refus ? La Région va-t-elle sortir du carcan budgétaire ? Et, si elle ne le fait pas, quelles solutions ? Elle n’aura que trois choix :
- enterrer ses beaux projets,
- faire payer les travailleurs,
- continuer sur la voie des partenariats public-privé (PPP).
En lisant cet accord, il est clair que ce sera une combinaison des deux dernières options : faire payer les gens et encore plus de partenariats public-privé.
Une mesure essentielle ne figure pas dans l’accord : la gratuité pour tous des transports en commun. C'est refusé par ce gouvernement. Ne pas rendre les transports gratuits pour tous, c'est pourtant refuser d'avoir une mesure choc pour moins de voitures et plus de gens dans les transports.
Contrairement à ce que le gouvernement fait, il faut justement viser la catégorie qui utilise le plus la voiture, notamment les travailleurs entre 25 et 65 ans. Les partis de la majorité le savent d’ailleurs très bien. Pour le Tour de France, les transports en commun sont gratuits. C'est bien la preuve que cette gratuité encourage les gens à ne plus utiliser leur voiture. Les expériences de Dunkerque et d’autres villes européennes le confirment.
Le gouvernement affirme vouloir réduire de 10 % le trafic automobile ? La gratuité fait baisser de 15% l'utilisation de la voiture.
Monsieur Maron (Ecolo), nouveau ministre bruxellois de l’Environnement et du Climat a déclaré qu'« un Big Bang climatique n'est pas possible ». En voilà un servi sur un plateau, mais le gouvernement n'en veut pas.
Les jeunes qui sont descendus dans la rue voulaient ce Big Bang climatique. Ils ne sont manifestement pas écoutés.
Le PTB avait une proposition clé sur porte pour financer la gratuité des transports pour tous. Tout est chiffré, le budget est fait. Il s’agit d’une proposition de forfait domicile-travail payé par les grandes entreprises. Et donc un moyen de financement qui ne fait de nouveau pas payer les travailleurs.
Par contre, le gouvernement prévoit bien une taxe kilométrique pour faire payer les travailleurs. Si un jour elle arrive, car il faut avoir l’accord des autres régions, c’est une mesure profondément antisociale. Une taxe qui ne tient pas compte des revenus des travailleurs est profondément injuste. Cette taxe kilométrique touchera plus le travailleur qui vient de Wallonie ou de Bruxelles et qui roule en petite Twingo qu'un actionnaire qui roule en Porsche. Il y aura ceux qui peuvent payer cette taxe et rouleront comme ils veulent et ceux qui vont le sentir dans le portefeuille.
L’accord précie également que « le gouvernement favorisera l'affectation prioritaire des recettes nettes issues de ces réformes au financement des politiques de mobilité. » Cela signifie donc bel et bien que cette taxe kilométrique fera payer encore plus les Bruxellois pour financer ces projets.
Un plan d'isolation accessible à tous ?
Une autre mesure avancée par ce gouvernement bruxellois est la réforme des primes énergie et rénovation. Sur le constat, le PTB rejoint la future majorité : l'isolation des bâtiments est une priorité pour réduire les émissions dans la Capitale.
En effet, en Région de Bruxelles-Capitale, le chauffage des bâtiments génère entre 60 % à 70 % des émissions de CO2. Cette consommation a un impact sur la planète, mais également sur le portefeuille des Bruxellois : la facture énergétique d’un ménage bruxellois est en moyenne de 1400 euros par an (dont 800 euros uniquement pour le chauffage).
Jusqu'ici, la solution proposée était le recours à une prime à l’isolation. Et, alors même que ces primes ont prouvé leur inefficacité (les montants alloués ne sont pas entièrement dépensés, faute de demandes), la nouvelle majorité prévoit de prolonger ce système au lieu de le remettre en cause.
C'est une évidence : le système des primes énergie ne permet pas de toucher les propriétaires à faible revenu, ceux qui ont justement des difficultés à payer leur facture d'énergie, mais aussi à avancer les coûts d’investissement trop élevés pour eux. Cela n’est pas possible non plus pour les locataires, qui constituent 60 % des habitants bruxellois. Les solutions au défi climatique doivent être sociales.
Pour le PTB, il est temps que la Région change son fusil d'épaule. Le défi climatique nous oblige à isoler à une échelle jamais atteinte en Région de Bruxelles-Capitale. Cela nécessite un plan global d’isolation quartier par quartier, réalisé par une régie publique, plutôt que de faire confiance au marché et de se reposer en partie sur les investissements privés et des primes individuelles compliquées à obtenir et inaccessibles à toute une partie de la population.
La pauvreté, une priorité négligée
Une des manifestations de la pauvreté à Bruxelles est la difficulté, pour de plus en plus d'habitants, de se soigner correctement. 22,5 % des Bruxellois, 270 000 personnes, reportent leurs soins de santé pour des raisons financières. Le nouveau gouvernement a-t-il l'intention d'apporter une véritable réponse à cela ?
Les ambitions affichées pour cette législature ne peuvent que rendre sceptiques, au vu de ce qui a été fait pendant la précédente. Dans la déclaration gouvernementale, on lit : « Le Gouvernement a, au cours de la législature précédente, développé des axes prioritaires dans un premier Plan Santé bruxellois et a arrêté un Plan de lutte contre la pauvreté 2014-2019 avec cinq grands axes. »
Ce qu’on n’y lit pas, c’est qu’il a fallu attendre 2017 pour voir sortir un premier texte. Et encore, il ne s'agissait pas d'un plan. Un plan, c'est fait de chiffres, d'objectifs, d'échéances. Mais rien de tout cela n’est venu. Il n’y avait que des mesurettes qui n'ont eu pour ainsi dire aucun effet sur la pauvreté à Bruxelles. Prenons l'exemple des sans-abris. Leur nombre est passé de 2603 en 2014 à 4175. Et le rapport de La Strada, le Centre d'appui au secteur d'aide aux sans-abri, n'est d'ailleurs pas encore officiellement paru. Rien d'étonnant : il n'est pas très encourageant de le sortir au moment de présenter un projet gouvernemental qui promet de faire toujours la même chose – à savoir ce qui n'a pas marché.
Par ailleurs, si l’on a réellement l’ambition de contrer la pauvreté et ses effets, comme le report des soins de santé, il faut fixer des objectifs concrets. Cela pourrait passer par un plan de création de maisons médicales dans chaque quartier. Un plan chiffré, détaillé, échelonné. La création de maisons médicales est défendue dans le Plan Santé Bruxellois, aucun chiffre ni objectif clair ne sont prévus. La Ville de Gand accorde ainsi une prime de 20 000 euros pour l’installation d’une nouvelle maison médicale.
Ces dernières années, la Région bruxelloise a subsidié le groupe hospitalier privé CHIREC à hauteur de 51 millions pour financer les travaux du nouveau site Delta. Pour rappel, ce même réseau hospitalier détient le record de Belgique des suppléments d'honoraires, qui font payer les patients des sommes indécentes à des spécialistes pourtant déjà (très) bien rémunérés. Ces 51 millions auraient pu facilement créer une centaine de maisons médicales dans Bruxelles.
Maisons de repos : l'absence d'ambition nuit aux personnes âgées
Les personnes âgées sont également victimes de politiques du tout au privé. À Bruxelles, 13% des seniors vivent avec un revenu d'intégration (GRAPA) et donc sous le seuil de pauvreté. Dans certaines communes, ce pourcentage peut atteindre 30 %. Cependant, l'offre de maisons de repos en Région bruxellois est largement insuffisante pour répondre aux besoins. Ce sont donc les CPAS qui passent à la caisse et financent les maisons de repos privées de la capitale.
La déclaration du nouveau gouvernement parle d'un meilleur encadrement et d’une plus grande transparence des prix au sein des maisons de repos, par un prix de base couvrant obligatoirement tous les frais indispensables. Ce prix de base existe déjà. Ce qui est surtout indispensable, c'est de créer des maisons de repos publiques, pour lesquelles on peut plafonner les prix.
Aujourd’hui, les CPAS compensent le prix du séjour en maison de repos lorsque les revenus d'une personne sont insuffisants. D'après les chiffres reçus de l'ancienne Ministre Frémault, les sommes dépensées sont 10 fois plus élevées pour les maisons de repos privées que publiques. En clair, les fonds publics financent les institutions privées qui existent à cause du manque d'investissements publics dans le secteur. C'est un cercle vicieux. Les pouvoirs publics ne créent pas assez de lits en maisons de repos dans la région. Actuellement, on en compte 3500 environ. Et, comme les besoins sont, bien sûr, beaucoup plus élevés, le privé prend la main, avec près de 13 500 lits sur la région, et des multinationales du secteur s’installent, y voyant une source de profit considérable sur le dos des personnes âgées et de la collectivité.
Et ce n’est pas avec des belles déclarations que cela changera, mais avec des investissements conséquents, malheureusement absents de l’accord de gouvernement.
La folie des mêmes recettes
Younès, Marc, Fatima et tous les autres se font rouler par cet accord, pendant que le tapis rouge continue d'être déroulé pour ceux qui créent leurs problèmes.
Rien d'étonnant que cet accord a failli, à quelques virgules près, être signé par le MR. Cette belle étiquette cache des politiques libérales au service des plus nantis, qui ne résoudront ni la crise du logement, ni la crise climatique. Qui ne lutteront pas efficacement contre la pauvreté et qui au contraire l'aggraveront encore.
Pour toutes ces raisons, le PTB votera contre cet accord de gouvernement. Nous ne boirons pas le contenu de cette bouteille qui se moque des travailleurs de nos services communaux et régionaux, mais nous serons par contre à leurs côtés, et aux côtés de Younes, Marc, Nadia et Catherine pour mener la vie dure à ces politiques libérales imbuvables.
Pour conclure, citons Einstein : « La folie, c’est de faire tout le temps la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » Il est plus que temps de mettre fin à la folie libérale à Bruxelles.
1http://weblex.irisnet.be/data/crb/doc/2018-19/136270/images.pdf
2https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/11/14/quand-les-aides-au-logement-poussent-les-prix-des-loyers-a-la-hausse_4523524_3234.html
3http://www.ieb.be/L-allocation-loyer-generalisee-Indice-de-protection-ultra-leger-35706