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Peter Mertens sur Trump, la Russie, l'Ukraine et l'Europe : 5 raisons pour lesquelles nous entrons dans une nouvelle phase

La scène mondiale est en ébullition, et beaucoup de ce qui se passe actuellement a déjà été décrit par le livre Mutinerie du secrétaire général du PTB Peter Mertens. Dans cet article, il voit cinq raisons pour lesquelles nous sommes entrés en très peu de temps dans une toute nouvelle phase.

Vendredi 28 février 2025

Le président russe Vladimir Poutine et le président américain Donald Trump se serrent la main lors d'une réunion en marge du sommet du G20 à Osaka en 2019.

Photo Belga

Peter Mertens,

secrétaire général du PTB

1. Cette guerre ne pouvait pas être gagnée

Nous avons toujours dit que l'objectif de remporter la guerre en Ukraine par une victoire militaire totale ne pourrait pas aboutir. « La guerre impossible à gagner », écrivais-je déjà en 2023 dans Mutinerie.

« Cette guerre a une tête de Janus », écrivais-je. Cela signifie une guerre avec deux visages différents, car d'un côté, il y a l'invasion illégale de la Russie en Ukraine, que nous avons toujours condamnée, mais de l'autre, il y a aussi la guerre par procuration entre les États-Unis d'une part et la Russie d'autre part, où des millions de personnes ont été utilisées comme chair à canon dans un jeu géostratégique.

Finalement, il faudra bien s'asseoir autour de la table, écrivais-je encore. Et plus tôt cela se fera, mieux ce sera. On a refusé de le faire pendant trois ans, attisant une guerre impossible à gagner.

2. L'Europe est la grande perdante

En suivant aveuglément les États-Unis, l'Union européenne est devenue la grande perdante de ce conflit. C'était déjà une thèse de mon livre.

L'industrie allemande a été privée de gaz russe bon marché et se trouve maintenant dans la récession la plus profonde depuis la Seconde Guerre mondiale.

Et aujourd'hui, l'Union européenne est en fait humiliée par les États-Unis de Trump. Car Trump veut que l'Europe assume tous les coûts de la guerre, et il est en train de prendre le contrôle de l'exploitation des minerais et des matières premières de l'Ukraine.

Trump veut traiter l'Ukraine comme une sorte de colonie, comme un propriétaire qui peut percevoir un loyer, tout comme les États-Unis traitent de nombreux pays du Sud global.

Cette sale guerre n'a jamais été motivées par des grandes valeurs. La guerre a toujours été une question d'intérêts géostratégiques et de contrôle des ressources naturelles et des terres fertiles.

3. Pour les États-Unis, l'ennemi n'est pas la Russie, mais la Chine

Du point de vue de Trump, ce qu'il fait n'est pas si absurde. « There's a method in the madness », comme on dit. « Il y a une logique dans sa folie ». Car, selon Trump, la guerre a en fait poussé la Russie dans les bras de la Chine. Trump veut maintenant essayer de dissocier les liens entre la Russie et la Chine, et pour cela, il s'appuie sur toutes les forces de droite au Kremlin, les forces qui partagent les mêmes valeurs conservatrices que l'équipe de Trump elle-même.

Les États-Unis veulent réduire de 8 % leur présence militaire en Europe et en Afrique dans les années à venir, afin d'accroître leur présence dans la zone indo-pacifique. Le ministre de la Défense des États-Unis, Pete Hegseth, ne ment pas lorsqu'il dit : « La guerre contre la Russie n’est pas l’enjeu stratégique, l’objectif stratégique est l’encerclement de la Chine. »

L'objectif stratégique est l'encerclement de la Chine. C'est de cela qu'il s'agit. Et cela signifie aussi que nous devons être très conscients qu'une vague de propagande contre la Chine pourrait bientôt déferler pour attiser cette nouvelle guerre froide contre la Chine.

4. Ils ont besoin de votre argent pour nourrir le complexe militaire

En Europe, il n'y a plus d'analyse rationnelle. Le complexe militaro-industriel alimente une psychose de peur au sein de la population, afin de détourner des sommes colossales vers l'appareil militaire. On envoie par ailleurs des lettres à des jeunes de 18 ans pour un service militaire volontaire, on donne à la radio des conseils sur les kits de survie en cas de guerre, et surtout, on diffuse l'idée que les Russes pourraient envahir l'Europe dès demain.

Si on veut comprendre la situation, il faut partir d’une analyse rationnelle. Le PIB de la Russie n'est pas plus grand que celui du Benelux, son économie est en difficulté, et après trois ans de guerre intense en Ukraine, l'armée russe n'a pas réussi à prendre plus de 20 % du territoire. Ce sont les faits.

L'une des choses les plus frappantes aujourd'hui est que tous les politiciens parlent de guerre, et presque personne ne parle de paix. On arrête de penser, on ferme les portes aux solutions diplomatiques, et on joue ainsi avec la paix mondiale. C’est cette logique-là qui est dangereuse.

L'hystérie de guerre ne sert qu'à remplir les caisses des plus grands producteurs d'armement, et cela se fera partout en Europe au détriment de la sécurité sociale, des pensions et des soins de santé.
Ils veulent vous prendre votre argent, et pour cela, ils vous font peur.

5. L'Europe doit devenir adulte

Les États membres de l'Union européenne sont maintenant mis de côté et ils se comportent aussi comme des enfants. On les voit se plaindre : « On ne nous laisse pas nous asseoir à la table des négociations ». Mais qu'est-ce qui les a empêchés, ces trois dernières années, de prendre eux-mêmes l'initiative de négociations de paix ? Pourquoi n'ont-ils pas envoyé leurs propres diplomates à Moscou et à Washington ?

Le diplomate américain expérimenté Jeffrey Sachs a toujours dit : « Mon expérience m’apprend qu’il faut parler avec l’autre camp. On ne peut pas dire : “on ne parle pas avec l’autre camp, on sait déjà ce qu’ils pensent”. On a besoin de diplomatie, justement dans les moments tendus. »

La diplomatie, c'est parler. La diplomatie, c'est maintenir des ponts ouverts, surtout quand la situation devient tendue. C'est aussi ce qu'ont fait certains politiciens classiques dans les années 1970.

Au plus fort de la guerre froide, certains politiciens ont su garder la tête froide, comme Willy Brandt, Olof Palme et le Belge Pierre Harmel. Ils ont plaidé pour un pacte de paix basé sur des garanties de sécurité mutuelles. Sur le développement de relations économiques avec l’Union soviétique de l’époque. Nous avons besoin de retrouver cette logique aujourd’hui.

La Russie ne va pas changer de place. La Russie est un voisin, et nous devons développer le principe de bon voisinage, que nous le voulions ou non.

L'Europe doit trouver sa propre voie. Elle ne pourra se maintenir sur la scène mondiale qu'en se basant sur le respect du droit international et des droits humains, et en établissant de bonnes relations avec toutes les grandes puissances économiques, qu'il s'agisse des États-Unis, de la Chine, de l'Inde, du Brésil ou de la Russie.

Ce n'est qu'ainsi que l'Europe pourra prendre sa place dans ce monde et être une garantie pour la diplomatie et la paix mondiale.

Intervention de Raoul Hedebouw à la Chambre