Pass vaccinal et vaccination obligatoire : inutiles, voire néfastes
Au Parlement, les différents partis discutent actuellement de la vaccination obligatoire contre le coronavirus. Le PTB s'y oppose. Obliger les gens à se faire vacciner est inutile et ne sera d’aucun bénéfice en matière de santé publique. En outre, tout ce débat ne fait que masquer l'échec de la politique gouvernementale de lutte contre la coronavirus.
Tim Joye et Wim De Ceukelaire, service d'étude de Médecine pour le Peuple
La campagne de vaccination est de moins en moins suivie. Selon le baromètre de la motivation, l'enquête sur l'attitude de la population belge à l'égard des mesures corona, trois Belges sur quatre sont d'accord de recevoir une dose de booster. C'est moins que le nombre de personnes qui ont reçu une première dose. Par ailleurs, moins d'une personne sur quatre envisage de faire vacciner ses enfants et ce pourcentage ne cesse de diminuer.
Directe ou indirecte, l'obligation vaccinale est une mauvaise idée
« Puisque c’est comme ça, on va obliger les gens. » Telle est la réaction des partis au pouvoir. Pour eux, le seul débat à mener est celui sur l'aspect direct ou indirect (via un pass sanitaire qui impose certaines restrictions aux non-vaccinés) de cette obligation.
Plusieurs pays ont déjà franchi le pas. En Autriche, la vaccination sera bientôt obligatoire dès l'âge de 18 ans. En Italie, l'obligation s'applique à toute personne de plus de 50 ans et, en Grèce, dès l'âge de 60 ans. En outre, dans ces pays, ainsi que dans de nombreux autres pays européens, le vaccin contre le coronavirus est obligatoire pour certaines catégories professionnelles, telles que le personnel des soins de santé, les enseignants, les forces de police, etc. De nombreux pays européens envisagent également une obligation indirecte au moyen d'un certificat Covid. En France, par exemple, le président Macron a dit clairement vouloir « emmerder » les non-vaccinés pour qu'ils finissent par se faire vacciner.
Mais est-ce une bonne idée ? Des études scientifiques montrent que la confiance dans le gouvernement a été un facteur de succès déterminant lors de la crise du coronavirus. Dans les pays où la population manifeste une grande confiance vis-à-vis du gouvernement, les mesures sont bien suivies et il y a moins de malades et de décès. C'est ce que révèlent les recherches internationales, notamment celles du groupe de recherche indépendant mis en place par les Nations unies en réponse à la crise du coronavirus.
Une méfiance qui ne vient pas de nulle part
L'importance du facteur confiance vaut aussi pour la vaccination. « L'opposition aux vaccins est le symptôme d'un problème sous-jacent, à savoir la méfiance à l'égard du gouvernement et la méfiance à l'égard des grandes entreprises, explique la chercheuse Heidi Larson. Les vaccins peuvent avoir l’air d’être un bien public, mais ils sont pour la plupart produits par le secteur privé. » Beaucoup de gens sentent au fond d'eux que quelque chose cloche. Une saine méfiance est non seulement compréhensible, mais aussi justifiée.
La population se sent abandonnée par le gouvernement qui, ces dernières années, a enchaîné fiasco sur fiasco : destruction des stocks de masques, recherche des sources de contamination inexistante ou inefficace, des ministres incapables de se mettre d'accord et qui se renvoient la patate chaude, personnel des soins de santé contraint de faire des heures supplémentaires...
Quant à la méfiance à l'égard de l'industrie pharmaceutique, elle est tout aussi justifiée. Il est évident que des multinationales telles que Pfizer, AstraZeneca et Moderna se soucient plus du cours de leurs actions que de trouver des solutions à la pandémie. Et pourtant, la Commission européenne continue de défendre bec et ongles les brevets sur le vaccin contre le coronavirus, alors même que ces vaccins ont été développés principalement à l'aide de fonds publics. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que la population commence à douter que les responsables politiques et ces multinationales travaillent dans son intérêt.
Le problème de la méfiance se règle en changeant de politique. En investissant dans l'aide et le soutien aux personnes touchées par le coronavirus ou qui ont eu un contact à haut risque. En faisant en sorte que les gens conservent leurs revenus lorsqu'ils sont en quarantaine. Mais aussi et surtout en s'opposant enfin à Big Pharma et en soutenant l'appel à lever tous les brevets sur le vaccin contre le coronavirus.
Les ministres sont les premiers à pointer du doigt la minorité des citoyens de notre pays qui ne s’est pas fait vacciner. Par contre, lorsque des régions comme l'Inde ou l'Afrique sont durement touchées par le virus et que de nouveaux variants apparaissent parce que les entreprises occidentales refusent de partager leurs connaissances, on ne les entend plus. Le fait qu'un an après le lancement de la campagne de vaccination, ces gouvernements dégainent maintenant tout l’arsenal de l'obligation est avant tout un signe de faiblesse.
L'obligation ne résout rien
Obliger les gens va à l'encontre d'une approche fondée sur la confiance. Cela ne peut être que contre-productif. Marius Gilbert, l'un des experts francophones de notre pays, a réagi il y a quelques mois à ce sujet : « La vaccination est un acte de solidarité, pour protéger la société. Un pass sanitaire, c'est tout le contraire et cela ne fait que diviser la société en deux. »
Une obligation vaccinale alimente la polarisation et durcit les positions des sceptiques. Cela a même des effets négatifs sur d'autres vaccinations. Les Centres d'encadrement des élèves (centres PMS en Wallonie et Bruxelles) ont déjà tiré la sonnette d'alarme en constatant une augmentation du nombre de parents qui refusent également d'autres vaccins pour leurs enfants, pourtant établis depuis des années.
C'est aussi ce que nous observons dans nos maisons médicales de Médecine pour le Peuple. En novembre, notre maison médicale de Hoboken a contacté les patients qui n'avaient pas encore été vaccinés pour les inviter à un rendez-vous de vaccination contre le coronavirus dans ses locaux. Pas moins de 64 personnes se sont inscrites. Il ne s'agissait pas d'opposants farouches aux vaccins. La plupart d’entre eux ont dit qu'ils se sentaient simplement perdus face à tous les messages contradictoires. Quand ils ont été contactés par les travailleurs de MPLP, c'était la première fois que quelqu'un se montrait à l’écoute de leurs doutes. Par la suite, nous leur avons demandé ce qui les avait convaincues de se faire vacciner. Presque tous ont répondu se sentir exclus ailleurs et avoir été soulagés de pouvoir se rendre dans un lieu de confiance. Une obligation vaccinale les aurait-elle convaincus ? On est en droit d'en douter.
Cette étude montre l'importance d'une approche personnelle, de première ligne, proche des gens. Cela explique également le fait que les plus mauvais élèves de la campagne de vaccination soient les grandes villes (Bruxelles en tête). Ce n'est pas un hasard si c'est aussi à Bruxelles que seulement 50 à 60 % de la population a un généraliste attitré. Selon le professeur de médecine généraliste Jan De Maeseneer, c'est l'un des facteurs expliquant le retard de la capitale dans la campagne de vaccination. La situation de Cuba, un pays socialiste doté d'un système de soins de santé bien développé et solidement ancré dans les quartiers, est exemplaire à divers égards. Le pays a réussi à vacciner plus de 90 % de la population en un temps record et sans aucune obligation.
S'attaquer aux véritables racines du problème
Les débats sur la vaccination obligatoire sont clairement l'arbre qui cache la forêt. Le gouvernement tente de dissimuler son inefficacité. La quatrième vague, à l'automne 2021, et la cinquième vague, avec le variant Omicron, sont apparues parce que l'accent a été mis unilatéralement sur les vaccins et que la prévention en première ligne n'a jamais été renforcée. Ce même scénario n'a fait que se répéter tout au long de la crise du coronavirus : chaque fois que les critiques à l'égard du gouvernement s'accumulent, il fait tout pour détourner l'attention.
Voici que maintenant, il se lance dans un débat entre deux options, à savoir l'obligation vaccinale ou un pass sanitaire qui, dans les faits, reviennent au même. En outre, ni l'une ni l'autre de ces mesures ne résoudra quoi que ce soit. Au contraire, ce type de débat ne fera qu'ébranler davantage encore la confiance dans le gouvernement. Or, la confiance est un élément important d'une bonne stratégie de vaccination.
Si nous voulons vraiment augmenter le taux de vaccination, il faut changer de stratégie. Et il faut renforcer la première ligne, les cabinets de médecins généralistes, afin qu'ils aient la possibilité de prendre le temps d'informer leurs patients et leurs quartiers et d'écouter les gens. C'est le seul moyen de dissiper les doutes. Il faut également briser le monopole des multinationales pharmaceutiques en levant les brevets, afin d'augmenter la production de vaccins, non seulement dans nos pays mais aussi dans les pays pauvres.