Oui, il existe une alternative à la politique migratoire du gouvernement
« Ceux qui sont contre ma politique sont pour une politique de frontières ouvertes », selon Bart De Wever. « C’est ça ou la régularisation massive », affirme Charles Michel. Comme pour les pensions et tous les dossiers où le gouvernement Michel est en difficulté, c’est le même refrain : les opposants mentent et l’opposition n’a pas d’alternative. Vraiment ?
Qui menace nos emplois, notre sécurité sociale et nos logements sociaux ?
« Si nous accueillons tout le monde, ce sera la fin de notre protection sociale », affirmait le chef du groupe parlementaire de la N-VA Peter De Roover dans Le Soir la semaine passée. Le parti le plus puissant au sein du gouvernement, qui vient encore d’exiger la limitation du chômage dans le temps et veut forcer ceux qui veulent aller en prépension à rester au travail, accuse les réfugiés d’être responsables de la précarisation des travailleurs en Belgique.
Les réfugiés sont-ils responsables du fait que nous devons travailler jusqu’à 67 ans, du saut d’index, des flexi-jobs ?
Les réfugiés sont-ils responsables du fait que nous devons travailler jusqu’à 67 ans, du saut d’index, des flexi-jobs ? Ou est-ce le gouvernement qui a voté tout cela, alors même que les partis qui le composent avaient promis le contraire lors des élections ?
Les réfugiés sont-ils responsables de la fermeture de Ford Genk, Arcelor Mittal à Liège ou Caterpillar à Charleroi ? Ou est-ce le gouvernement qui laisse ces multinationales venir en Belgique profiter des cadeaux fiscaux puis repartir du jour au lendemain en jetant tous les travailleurs à la porte alors qu’elles font des bénéfices ?
Les réfugiés sont-ils responsables du manque de logements sociaux ? Ou est-ce que ce sont les différents gouvernements régionaux qui n’en construisent pas assez depuis des années, alors que des milliers de gens attendent sur les listes d’attente ?
Diviser pour régner
« Monsieur Michel, engagez plutôt Francken pour lutter contre la fraude fiscale ! C’est plus honorable et rentable »
Les scandales autour de la fraude fiscale avec les Panama, Paradise et autres Papers n’ont pas arrêté d’éclater ces derniers mois. « Monsieur Michel, engagez plutôt Francken pour lutter contre la fraude fiscale ! C’est plus honorable et rentable », ironisait un manifestant contre la politique du secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken. C’est cependant le contraire qui est fait par le gouvernement Michel : il tape sur l’épaule des fraudeurs fiscaux, lance la grosse artillerie contre nos pensions, nos salaires, nos services publics, à la qualité de nos emplois, et puis il pointe les réfugiés du doigts.
Le « diviser pour régner » est au moins aussi vieux que le capitalisme lui-même. Karl Marx expliquait déjà il y a plus d’un siècle que la propagation du racisme parmi les travailleurs avait pour but de les diviser et de laisser les grandes fortunes tranquille. « L’ouvrier anglais moyen déteste l’ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie. […] Il se berce de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. […] C’est le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, malgré son organisation. C’est le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste, et celle-ci en est parfaitement consciente. » Remplacez aujourd’hui « irlandais » par « musulmans » ou « réfugiés ».
Si Michel & co avaient écouté le PTB…
Personne ne fuit son pays en laissant tout derrière lui, en risquant de se noyer dans la Méditerranée ou d’être enfermé pendant des mois dans des camps de réfugiés surpeuplés et d’y être maltraité, pour le plaisir.
La crise des réfugiés en 2015 lors de laquelle des millions de Syriens, d’Irakiens et d’Afghans ont fuit leur pays est le résultat des guerres auxquelles notre gouvernement a participé. Sans parler de la guerre en Libye, qui a non seulement réduit le pays au chaos mais contribué au développement de groupes terroristes et à déstabiliser toute la région. Theo Francken était d’ailleurs un grand défenseur des bombardements belges en Libye ! Seul le PTB s’est à chaque fois opposé à toutes ces guerres, en prévenant qu’elles n’apporteraient que le chaos et créeraient un terreau fertile pour le développement de groupes terroristes. Mais le gouvernement Michel continue de plus belle et veut acheter de nouveaux avions de guerre pour plusieurs milliards...
Le réchauffement climatique pousse aussi de plus en plus de gens à l’exil, mais le gouvernement Michel préfère rester à l’écoute des intérêts de la FEB et des profits d’Engie-Electrabel & co plutôt que de vouloir sauver le climat. Lors du sommet européen à Luxembourg, les négociateurs belges ont demandé de pouvoir diminuer leurs objectifs en matière climatique…
Le gouvernement Michel dit qu’il n’y a pas d’alternative à sa politique migratoire si nous voulons empêcher une « régularisation massive » et l’accueil de millions de réfugiés. Mais c’est sa politique qui est responsable de la crise des réfugiés.
Les camps en Libye, « outrage à la conscience de l'humanité »
« Ils m’ont arrêté dès l’atterrissage au Soudan, interrogé pendant des heures et frappé mes pieds avec des bâtons. Je n’ai été relâché que deux jours plus tard. J’ai eu tellement peur que je suis resté trois jours malade, dans mon lit », raconte Kamal, 18 ans, et arrêté en septembre à Bruxelles.1 Des Soudanais fuient le régime dictatorial d’el-Béchir au Soudan mais ce sont les fonctionnaires d’el-Béchir que Francken a fait venir en Belgique pour venir les identifier et les reprendre, malgré les nombreux avertissements des ONG, des associations des droits de l’Homme et de l’opposition qu’ils allaient se faire torturer à leur retour.
Au Liban, un minuscule pays de 4 millions d’habitants, plus de 1,5 million de réfugiés y sont parqués…
En Grèce, plusieurs milliers de personnes sont toujours coincées dans les « hotspots » (camps de réfugiés aux portes de l’Europe) sur les îles grecques. Des camps prévus pour accueillir 2 000 personnes en comptent 7 000. « A Moria, plus de 4 000 personnes doivent dormir sous tentes, mais qui ne sont pas adaptées à l’hiver. Ce sont de minuscules tentes pour deux ou trois personnes dans lesquelles ils dorment souvent à quatre ou cinq. Dès qu’il pleut, tout devient trempé : vêtements, couvertures, etc. Beaucoup tombent malades. C’est l’horreur complète. Les gens deviennent complètement tarés. Il y a pleins d’enfants ici. Je pense qu’il y a 2 000 enfants. Il y a énormément de familles syriennes et irakiennes. Beaucoup sont aussi des mineurs non accompagnés. Sans compter les nombreux enfants qui ne sont pas reconnus comme tels », explique une personne travaillant à Moria.
Le gouvernement Michel s’est également félicité d’avoir « fermé la route migratoire entre la Libye et l’Italie ». Mais l’ONU qualifie les camps en Libye, du gouvernement Fayez Seraj soutenu par l’UE, où sont parqués près de 20 000 personnes, comme « un outrage à la conscience de l’humanité ». Lors de leur visite en Libye du 1er au 6 novembre 2017, les observateurs de l’ONU ont été choqués par ce qu’ils ont vu : « Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants émaciés et traumatisés, empilés les uns sur les autres, enfermés dans des hangars et dépouillés de leur dignité. » Sans même parler de ceux et celles qui sont vendus comme esclaves.
Quelle est la solution de Michel & co pour ces personnes ? Les laisser là ? C’est ça la politique « humaine » du gouvernement ? C’est ça la seule alternative ?
En plus d’être en complète violation des droits de l’Homme, parquer les réfugiés dans ces camps risque de déstabiliser la région. Au Liban, un minuscule pays de 4 millions d’habitants, plus de 1,5 million de réfugiés y sont parqués… De telles situations sont intenables.
Il n’y a aucun avenir dans ces camps : vous pouvez y bloquer les réfugiés pendant un temps, mais pas indéfiniment. Les gens choisiront toujours l’espoir. L’espoir d’une vie meilleure, même au péril de leur vie, plutôt que la mort à petit feu dans ces camps.
Quelle alternative ?
Si le gouvernement Michel continue sa politique, ce n’est pas moins mais plus de personnes qui fuiront leur pays et tenteront désespérément de venir en Europe, même au péril de leur vie. Contrairement à ce que Charles Michel affirme, il existe une alternative : la Convention de Genève.
Contrairement à ce que Charles Michel affirme, il existe une alternative : la Convention de Genève
La Convention de Genève relative au statut des réfugiés n’a rien à voir avec une politique de « frontières ouvertes », ni avec l’accueil de millions de réfugiés en Belgique. Il est évident qu’un seul pays ne peut pas faire face à l’arrivée de plusieurs millions de réfugiés. Une réponse collective doit être apportée à ce genre de crise afin que les réfugiés puissent être répartis dans différents pays, et que les pays qui doivent en accueillir le plus reçoivent un soutien (financier mais aussi logistique) des autres pays pour pouvoir le faire. C’est précisément l’esprit de la Convention de Genève relative au statut de réfugié qui consiste d’une part à respecter les droits de l’Homme, et d’autre part à trouver une réponse collective aux crises des réfugiés.
L’Europe doit également jouer un rôle dans la résolution de cette crise. Des routes légales et sûres doivent être mises en places afin de pouvoir se rendre en Europe. Cela sauverait des milliers de vies (33 000 morts en Méditerranée depuis 2000), et cela permettrait de casser le business des passeurs. Au sein de l’Europe, un plan de répartition obligatoire doit être mis en place.
S’attaquer aux causes des migrations forcées d’une part et organiser collectivement l’accueil des réfugiés d’autre part est la seule alternative réelle pour résoudre la crise des réfugiés. La politique et les camps de l’horreur de Charles Michel & co ne vont créer que de plus grandes crises des réfugiés à l’avenir.
1. De Morgen, 20 décembre 2017