Nous soutenons la procédure judiciaire engagée par l'Afrique du Sud à La Haye pour mettre fin au génocide des Palestiniens, et nous appelons la Belgique à s’y joindre
Juste avant le Nouvel An, l'Afrique du Sud a déposé une plainte contre Israël auprès de la Cour internationale de Justice de La Haye. L'Afrique du Sud estime qu'Israël se rend coupable de génocide à l'encontre des Palestiniens. Si la Cour juge les preuves suffisamment convaincantes, elle pourrait bientôt imposer des mesures coercitives pour mettre fin à la guerre d'Israël. Nous espérons que la Belgique se joindra à la plainte. Nous ferions partie des plus de 800 organisations dans le monde qui, entretemps, ont déjà soutenu l'initiative.
La Cour internationale de Justice est le tribunal des Nations unies (ONU). Elle traite les plaintes des États membres contre d'autres États membres qui ne respectent pas les règles du droit international. Tous les États membres des Nations unies doivent reconnaître la Cour et se soumettre à ses décisions, y compris Israël.
La Cour internationale de Justice est souvent confondue avec la Cour pénale internationale, également basée à La Haye. Cette dernière, créée en 1998, n'est pas une institution des Nations unies et n'est reconnue que par les pays qui l'ont explicitement rejointe. Ce n'est pas le cas des États-Unis et d'Israël, par exemple.
Une autre différence réside dans le fait que la Cour pénale n'administre la justice qu'à l'encontre des individus et non des États. Plusieurs organisations palestiniennes de défense des droits humains souhaitent, par exemple, que ce tribunal condamne le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Le PTB demande depuis des mois que la Belgique soutienne ces plaintes contre Netanyahou.
Revenons à la Cour internationale de Justice. L'Afrique du Sud y a déposé un dossier très détaillé de 84 pages. Le pays s'appuie sur la Convention pour la prévention et la répression du génocide. Cette convention a été élaborée en 1948, après le génocide nazi des Juifs, entre autres, et a été approuvée par 153 États, dont Israël.
Prévenir les génocides
Pour parler de génocide, il faut que des actes génocidaires soient commis. Les faits sur le terrain à Gaza en disent suffisamment long. Mais il y a aussi une deuxième condition : il doit y avoir une intention de vouloir détruire tout ou partie d'un groupe particulier de population.
Le génocide étant un crime très grave, la Cour peut être saisie d'une plainte, même si celle-ci n’a pas été déposée par l'État victime. En outre, en vertu de la convention sur le génocide, les États qui ont connaissance d'actes ou d'intentions génocidaires sont tenus de prendre des mesures pour prévenir tout nouveau risque de génocide.
Le PTB fait partie des plus de 800 organisations dans le monde qui soutiennent déjà l'initiative.
L'Afrique du Sud donne quelques exemples éloquents dans l'acte d'accusation pour montrer que l'intention de commettre un génocide existe bel et bien. Ainsi, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a qualifié les Palestiniens « d'animaux humains » et a déclaré qu'il outrepasserait toutes les restrictions aux opérations militaires imposées par le droit humanitaire international. Le président israélien Herzog a déclaré que l'ensemble de la nation palestinienne, y compris les civils, était responsables des attaques du Hamas le 7 octobre.
L'acte d'accusation contient toute une liste de citations de ce genre provenant de ministres et de généraux israéliens qui illustrent l'intention génocidaire : « Ce sont tous des terroristes et ils doivent tous être détruits » ; « Nous voulons que Gaza disparaisse de la surface de la terre » ; « Ils ne recevront pas une goutte d'eau tant qu'ils ne seront pas tous détruits » ; etc.
La Belgique doit soutenir la plainte
L'arrêt définitif de la Cour de Justice pourrait ne pas être rendu avant plusieurs années. Toutefois, la procédure prévoit également des mesures conservatoires urgentes, dans le but de contrer le risque de génocide. La Cour de justice pourrait imposer de telles mesures dès les prochaines semaines, et organise à cette fin des audiences publiques les jeudi 11 et vendredi 12 janvier.
Le fait que l'Afrique du Sud prenne cette initiative n'est pas surprenant. En tant que membre éminent des BRICS – une alliance de pays non occidentaux récemment élargie à cinq pays d'Afrique et du Moyen-Orient –, l'Afrique du Sud montre que les pays du Sud n'ont pas peur de s'opposer à l'impérialisme et au néocolonialisme occidentaux. La Turquie, la Malaisie, la Jordanie et la Bolivie soutiennent également cette initiative. En effet, la Cour prévoit une procédure via laquelle les pays peuvent intervenir pour exprimer formellement leur soutien à une plainte.
C'est ce qui s'est passé récemment lorsque l'Ukraine a accusé la Russie de génocide. Pas moins de 32 pays ont rapidement soumis une « déclaration d'intervention » pour appuyer cette plainte, y compris la Belgique. Il n'y a donc aucune raison pour que la Belgique ne fasse pas de même dans le cas de l'Afrique du Sud contre Israël - du moins, si elle n'applique pas deux poids, deux mesures. Le mouvement de solidarité Intal a déjà lancé une action par mail auprès de nos décideurs politiques pour leur demander de le faire. Le mouvement international des droits humains et le vaste mouvement de solidarité avec la Palestine portent également une grande attention à ce sujet. Le PTB fait partie des plus de 800 organisations dans le monde qui soutiennent déjà l'initiative.
L'Afrique du Sud montre que les pays du Sud n’ont pas peur de s'opposer à l'impérialisme et au néocolonialisme occidentaux.
Des mesures à l'encontre d'Israël
Bien entendu, il n'est pas certain que la Cour soit réellement en mesure d'arrêter la guerre. Même si les décisions de justice de la Cour peuvent être bel et bien contraignantes, c'est le Conseil de sécurité des Nations unies qui doit les faire appliquer. Et tout le monde sait que les États-Unis, qui en sont un des membres permanents et disposent d'un droit de veto, étendront leur protection, dans ce processus, à Israël.
D'autre part, les arrêts de la Cour internationale de justice ont une grande autorité morale. Il y a vingt ans, par exemple, Israël a été condamné pour le mur d'apartheid qu'il a construit en Cisjordanie. Cela a constitué une aide précieuse pour les Palestiniens. L'inculpation actuelle de l'Afrique du Sud a certainement ce potentiel aussi. Associée à la pression soutenue de la rue, l’obligation juridique internationale d'arrêter le génocide présumé pourrait constituer une boussole morale, humanitaire et politique pour une action concrète contre Israël. On peut penser à un boycott militaire, des sanctions économiques, le rappel des ambassadeurs, la suspension de l'accord d'association européen et la poursuite pénale et la condamnation de Netanyahou et d'autres criminels de guerre israéliens par la Cour pénale internationale.