Nous pouvons reconstruire les bâtiments scolaires sans dépendre du privé
Nos écoles tombent en ruines. Il faut les reconstruire. Le PTB se montre sceptique quant à la proposition du Ministre Daerden (PS) d’avoir recours à des partenariats publics-privés (PPP) et au “crowdlending”. Il faut plutôt aller vers la création d’une banque publique d’investissement.
Le ministre Daerden vient donc de faire valider par le gouvernement une “note méthodologique sur les bâtiments scolaires” Les écoles de la Fédération sont dans un piteux état, il faudrait 1,2 milliard d’euros pour les rénover. Les solutions du ministre? Recourir à des partenariats publics-privés (PPP) ou à des partenariats public-citoyens (appelés aussi crowdlending). Des solutions dangereuses pour le portefeuille des gens, selon le PTB, qui pense que la solution pourrait plutôt venir de la création d’une banque publique d’investissement. Une telle banque permettrait de faire face à ce défi et ainsi garantir des conditions d’apprentissage dignes.
«La situation est de plus en plus grave, presque chaque semaine une nouvelle histoire d’accident ou d’insalubrité nous rappelle à quel point l’état des bâtiments en Fédération Wallonie-Bruxelles est critique. On pouvait lire dans la presse que quatre classes sur dix risquent la fermeture dans les 5 à 10 ans» déclare Alice Bernard, la cheffe de groupe du PTB au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
«Cette situation est le résultat de décennies de sous-financement organisé par les partis traditionnels. Depuis 1999, dans chaque déclaration de politique communautaire les différents partis au pouvoir ont promis de répondre à cette urgence. Les experts estiment qu’il aurait fallu 110 millions par an pour construire et entretenir les bâtiments scolaires pour répondre à la demande. Or, c’est seulement 50 millions par an qui ont été investis. Sur les 20 dernières années cela fait donc un sous-investissement de plus d’un milliard », continue la députée du PTB.
Annoncée depuis plusieurs semaines par le Ministre en charge des bâtiments scolaires Frédéric Daerden (PS), une “note méthodologique concernant les bâtiments scolaires” vient donc de sortir. Signalons au passage que si le gouvernement et la presse l’ont reçue, les députés doivent encore attendre. Sur le financement des travaux, le ministre déclare vouloir travailler “sans tabou” et avance plusieurs pistes. Dont les partenariats public-privé et les partenariats public-citoyens.
« Envisager des PPP pour rénover et construire de nouveaux bâtiments scolaires serait une grave erreur », déclare Alice Bernard. L’épisode du tram de Liège nous a montré à quel point les PPP sont souvent inefficaces et coûtent systématiquement plus cher que les marchés publics classiques. Les innombrables reports et changement d’opérateurs privés ont finalement reporté la mise en service du tram à 2022 et ont porté le coût total de la construction du tram à 1 milliard d’euros au lieu de 430 millions puisque la Région wallonne va verser 43 millions d’euros par an pendant 30 ans à l’opérateur privé qui est en charge du chantier. Mais c’est loin d’être le seul problème. En matière de bâtiments scolaires, les principaux intéressés sont souvent écartés des processus de conception des projets. Le résultat, ce sont des bâtiments qui ne conviennent pas aux projets pédagogiques », affirme l’élue du PTB.
Outre les PPP, le ministre Daerden envisage aussi les partenariats public-citoyens, ou crowdlending. C’est-à-dire la création d’un fonds sous forme de plate-forme de financement participatif où les citoyens pourraient investir leur épargne. Pour le PTB le crowdlending peut se révéler dangereux. « Cela revient en quelque sorte à aller chercher l’argent dans les poches de la population, qui pourtant paie déjà des impôts, mais sans garantie de durabilité », explique la députée de gauche. « Le Ministre Daerden ferait mieux de faire preuve de prudence avant de prendre cette option. La chute en 2018 de la plateforme Unilend en France soulève de nombreuses questions. Les analystes français, vu que la pratique y est plus répandue que chez nous, pointent plusieurs difficultés concernant ce mécanisme de crowdlending : communication orientée et défaillante entre les prêteurs et les plate-forme de crowdlending, minimalisation des risques à l’égard du prêteur ou surestimation des gains espérés, taux importants imposés à l’emprunteur puisque l’espérance de gains est situé entre 5% et 7%, manque de transparence dans la mise en place du mécanisme. »
«A voir les pistes proposées par le ministre, je constate qu’il a quand même un tabou, poursuit Alice Bernard. Il n’envisage pas une seule seconde d’aller chercher l’argent là où il est vraiment, chez les milliardaires et les grandes entreprises qui bénéficient de réductions d’impôts.»
C’est justement ce que privilégie le PTB : la création d’une banque publique d’investissement qui serait alimentée par les capitaux de l’actuelle banque Belfius et la taxe des millionnaires.
« Grâce à une telle banque nous pourrions dégager les capitaux nécessaires à la construction de ces bâtiments sans dépendre du privé. Ce genre de banque existe depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Allemagne pour financer la reconstruction du pays. Le défi actuel de la transition écologique et sociale est aussi important que celui de la reconstruction de l’Europe après la guerre. Nous avons besoin d’investir massivement et c’est sans doute le meilleur moment pour créer cette banque publique d’investissement. J’invite le Ministre Daerden a créer un espace de réflexion pour cette option qui ne peut pas se faire uniquement au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles mais qui mérite que l’on s’y arrête sérieusement », conclut la députée de gauche.