NLMK Clabecq : l'argent public ne peut servir à supprimer 290 emplois
La direction de NLMK Clabecq a annoncé que 290 travailleurs sur 580 seraient licenciés. Frédéric Gillot, député wallon du PTB, interpellera le gouvernement wallon. Car NLMK Belgique est à 49% propriété de la Sogepa, la société d'investissements de la Région wallonne. Pour le PTB, les investissements publics doivent créer et sauver l'emploi avant tout, pas en détruire.
Le milliardaire, qui licencie pour faire plus de bénéfices
NLMK Clabecq fait partie du Holding NLMK Belgium, détenu à 51% par le groupe russe NLMK. Ce groupe est contrôlé par la 57ème fortune mondiale : Vladimir Lisin. Sa fortune dépasse les 18 milliards de dollars selon le magazine Forbes. Il est donc plus riche que Lakshmi Mittal, le propriétaire d'ArcelorMittal, qui ne se retrouve qu'à la 62ème place sur la liste.
En 2017, le groupe faisait 1,45 milliard de bénéfices (en dollars).
Pour Lisin, la crise du marché d'acier est inexistante. Son groupe a doublé ses bénéfices entre 2014 et 2017. En 2017, le groupe faisait 1,45 milliard de bénéfices (en dollars).
Tableau : Évolution des bénéfices du groupe russe NLMK (en millions de dollar)
Quel a été le rôle des administrateurs publics ?
49% du holding belge est propriété de la Sogepa. La société wallonne de gestion et de participations dépend de la Région wallonne et gère des investissements publics dans les entreprises. L'Echo du 16 janvier dévoile que le plan de restructuration a été préparé avec la Sogepa depuis plusieurs semaines. Une des personnes-clés est Renaud Witmeur. Membre du PS, il est président du comité de direction de la Sogepa. Cet ex-chef de cabinet du ministre-président Ruddy Demotte (PS) est un pivôt dans le réseau des « managers socialistes » qui lie le PS avec le tissu économique et le monde patronal en Wallonie. Il cumule 25 mandats, dont 5 rémunérés.
Witmeur siège au Conseil d'administration de NLMK Belgium pour la Sogepa. Il a préparé à ce titre le plan de licenciements avec la direction belge et russe de NLMK. Selon l'Echo du 19 janvier, c'est même Renaud Witmeur qui est allé à Moscou présenter le plan aux actionnaires une semaine avant son annonce aux travailleurs.
L'argent public au service de l'emploi ou du profit des actionnaires ?
Dans cette même interview à l'Echo, le patron de la Sogepa explique que ce plan de restructuration est la « meilleure option ». Et il soutient le management dans la suppression des 290 emplois : « Je ne défends jamais un nombre déterminé d'emplois à maintenir. Je défends que le nombre d'emplois doit correspondre à la nécessité. »
Les travailleurs de Clabecq étaient en action en avril 2018 vu le manque de personnel pour faire ce travail dangereux.
Savoir combien d'emplois sont nécessaires est une question de point de vue. Pour les actionnaires, il y aurait trop de personnel. Mais les travailleurs de Clabecq étaient en action en avril 2018 car ils revendiquaient plus de personnel pour faire ce travail dangereux. Il est clair quel intérêt Witmeur favorise : l'intérêt des actionnaires. Si la Région wallonne nomme un représentant à la Sogepa qui ne s'intéresse pas à l'emploi, quelle est donc son utilité ?
PS-MR-CDH : les coûts publics, les gains privés
Renaud Witmeur (PS) dévoile aussi sa vision sur le rôle des investissements publics dans son interview à l'Echo. « Le rôle de la Sogepa est de participer aux investissements matériels sur les sites wallons. » Quand certains investissements sont jugés trop coûteux par les multinationales, la Sogepa vient à leur rescousse. « Mais le jour où les investissements permettraient d'atteindre une certaine rentabilité, la logique est de diminuer notre participation dans NLMK », explique-t-il.
En clair : les investissements publics doivent donc surtout aider le privé quand ça ne rapporte pas assez. Mais dès que ça rapporte, il faut laisser toutes les bénéfices exclusivement au privé. Une vision que partagent la plupart des partis traditionnels. Au Conseil de la Sogepa, nous trouvons pas moins de 7 chefs et ex-chefs de cabinet ou des collaborateurs des cabinets ministériels du PS, du MR ou du CDH.
Une gestion transparente d'investissements publics pour créer des emplois
Le député wallon du PTB, Frédéric Gillot, est déterminé à obtenir des explications sur le rôle des administrateurs de la Sogepa dans cette restructuration. Il interpellera le Ministre de l'emploi Jeholet (MR). Pour le PTB, les investissements publics doivent avant tout servir à créer des emplois. Pas question que notre argent public soit utilisé pour collaborer à la suppression d'emplois.
Ensuite, les investissements publics doivent être transparents. Et cette transparence doit se faire immédiatement sur les finances de NLMK Belgium. Actuellement, ni les représentants syndicaux ni les parlementaires n'ont une vue exacte sur la situation du groupe. Des syndicalistes critiquent dans la presse le fait que NLMK Clabecq n'a plus de contrôle sur les prix d'achat de ses matières premières ni sur les prix de ventes des produits finaux. Les grandes multinationales sont des experts dans la comptabilité créative. Les pertes peuvent être pour une partie virtuelle. L'acier que NLMK Clabecq est obligé d'acheter à la maison mère de NLMK peut être trop cher. Et inversement, le prix de vente peut être trop bas. Créant ainsi une perte artificielle pour NLMK Clabecq.
Les politiques doivent combattre le plan de licenciement, pas l'organiser.
Si NLMK existe aujourd'hui, c'est grâce au travail et à la lutte de toutes ces générations de travailleurs de la sidérurgie clabecquoise. A plusieurs reprises, cette usine a été enterrée et à chaque fois, les travailleurs de l'entreprise ont prouvé qu'elle avait un avenir. C'est encore le cas aujourd'hui. A condition que les administrateurs publics sortent de la logique du profit maximum. Les administrateur publics doivent combattre le plan et pas l'organiser pour un milliardaire qui n'a aucun respect pour l'outil et ses travailleurs. Les pouvoirs publics doivent investir en exigeant des garanties d'emploi. Et si ces garanties ne sont pas respectées, il doit pouvoir se saisir de l'outil sans indemnisation et imposer des amendes au privé qui ne respecterait pas ses engagements.
Qui est qui à la Sogepa ?
Renaud Witmeur (PS) : le super-cumulard
Renaud Witmeur est le président du comité de direction de la Sogepa. Il est ex-chef de cabinet de l'ex-ministre président Rudy Demotte. Il est un super-cumulard du PS. Il ne combine pas moins de 25 mandats, dont 5 rémunérés.
Emmanuël Sérusiaux (MR) : le chef de cabinet du ministre-président
Actuel chef de cabinet du Ministre-Président wallon Willy Borsus (MR). Il cumule 7 mandats, dont 4 rémunérés. Avec un ministre-président qui dit faire de l’emploi sa priorité mais dont les proches collaborateurs aident à supprimer des centaines d’emplois, les travailleurs ne sont pas aidés.
Marie-Kristine Vanbockestal (PS) : celle qui est censé aider les gens à trouver un emploi
Ancienne chef de cabinet du ministre PS Jean-Claude Marcourt, actuelle administratrice générale du FOREM, elle devrait avoir comme priorité d'aider les gens à trouver un emploi, pas d'en supprimer. Si cette personne a soutenu ce plan de restructuration supposant le licenciement de près de 300 personnes, elle n’a rien à faire au Forem.
André-Marie Poncelet (cdH) : l'ex-chef de cabinet de Benoit Lutgen
Il est le vice-président de la Sogepa.
Philippe Buelen (cdH) : l'ex-directeur de cabinet du vice-président wallon Maxime Prévot
Il est le 1er Vice-président du comité de direction de la Sogepa et est également un super-cumulard.
Lutgen ou Prévot, cela ne changera rien pour les travailleurs puisque leurs ex-chefs de cabinet respectifs sont, au moins indirectement, concernés dans ce dossier NLMK.
Laurent Levaux (libéral) : le sérial Job-Killer
Il est le président du Conseil d'administration de la Sogepa. Il a l'étiquette libérale (MR). Il est également membre du CA de Proximus, qui vient d'annoncer la suppression de 1900 emplois. Il est aussi président d’Aviapartner, où les plans de licenciements reviennent régulièrement. Il est marquant que les représentants des partis traditionnels s'accordent pour nommer un tel « Serial Jobkiller » à la présidence.
D’après des données rassemblées par le professeur de l’ULG Geoffrey Geuens.