« Marché de l’électricité : une réforme européenne qui fera pire et qui prouve quʼil faut un service public »
Après l’explosion des prix de l’énergie, et la colère des gens, la Commission européenne a proposé une réforme du marché de l’électricité. Mais loin d’en finir avec le marché, la réforme renforce un système défaillant. Au Parlement européen, tous les partis traditionnels, des verts à la droite en passant par les sociaux-démocrates, la soutiennent. Si cette pseudo-réforme passe, les prix de l’électricité exploseront bientôt à nouveau, au grand profit des multinationales énergétiques. Il faut oser prendre la voie publique pour sortir le secteur de l’énergie des mains des multinationales.
L’année passée, les prix de l'énergie ont explosé. Les gens n’arrivaient plus à payer leurs factures. Pendant la crise, les dirigeants européens ont négocié pendant un an, soi-disant pour trouver une solution. Un an de discussions sans arriver à aucune réponse concrète pour les travailleurs, tandis qu’il avait fallu à peine 24 heures pour sauver les banques. Finalement, la Commission européenne a annoncé un plafond de prix tellement élevé et flexible qu’il ne serait jamais utilisé.
Mais la colère des gens partout en Europe a mis la pression sur les institutions. Deux évènements ont alors attiré l’attention. En juin 2022, interpellée au Parlement européen par Marc Botenga, député européen du PTB, Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, avait dû avouer que « le système du marché ne fonctionne plus. Il faut le réformer ». Un mois plus tard, elle concédait: « Le marché a été développé dans des circonstances et pour des objectifs totalement différents. Il n'est plus adapté. » Des aveux forts, qui auraient dû signer la fin du système du marché tel qu’on le connaît. La réforme du marché de l’électricité a donc été annoncée en mars 2023.
Toutefois, force est de constater que « les objectifs » dont parlait la présidente de la Commission n’étaient pas ceux de garantir des prix bas pour les familles européennes. Dans le texte proposé par la Commission, on observe toute une série de mesures renforçant ce même marché qui n’était soi-disant plus adapté. Certaines vont particulièrement à l’encontre de la protection des particuliers.
Suppression de la régulation des prix
D’abord, la réforme supprime en fait des prix régulés de l’électricité pour les particuliers. Laisser les prix se fixer par le marché seul, cela veut dire les laisser évoluer (et donc augmenter) librement, sans aucune règle. Les possibilités d’intervenir pour plafonner sont aussi limitées :apparemment des fortes augmentations de prix sur un marché qui laisse des familles entières dans l’impossibilité de se chauffer ou de cuisiner, ne pose par problème à la Commission.
Ensuite, la réforme permet de faire appel à des contrats dits « pour différence ». Le principe ? On fixe un prix minimum de vente, donc une garantie et une assurance pour les entreprises énergétiques, et un prix maximum. Les entreprises énergétiques ont donc des contrats qui leur assurent un revenu minimum, loin du coût réel nécessaire pour produire l’électricité. C’est une occasion en or de faire des marges de profits indécentes. Les géants tels que Shell, Engie ou Total ont multiplié leurs profits pendant la crise, amassant des sommes gigantesques. Sans réelle taxe sur les profits, et avec cette réforme, l’Union européenne complaisante leur permet de faire durer cette situation. La proposition d’un prix maximum, en revanche, sonne bien et serait souhaitable. Cela permettrait potentiellement d’éviter de payer trop cher. Mais, ici aussi, il y anguille sous roche. Ces contrats ne s’appliquent que pour la livraison d’électricité entre grosses entreprises.
Enfin, le texte renforce de la sorte encore plus la privatisation de l’électricité, qui devrait être un bien commun, accessible à tous, et donc un service public. Privatiser équivaut, encore une fois, à faire passer les profits du privé avant l’intérêt des gens. Ceux-là sont laissés dans l’impossibilité de prédire le prochain mois et se retrouvent donc avec une électricité plus chère.
Une réforme soutenue par les socialistes et écologistes
Lors des négociations au Parlement européen, ce système a même été soutenu par les socialistes et les verts, au service du marché. Pourtant, les multinationales ne font pas de charité. Là où elles peuvent maximiser leurs profits, elles le font, jusqu’au moindre centime sur les factures des gens.
Les négociations sur la réforme du marché de l’électricité ne sont pas terminées. Des modifications pourront encore être proposées, et les États membres auront aussi leur mot à dire. Ainsi le gouvernement belge, aura aussi son mot à dire. D’autant plus que début 2024 elle assumera la présidence tournant du Conseil de l’Union européenne.
Pour sortir de cette spirale, il faut oser changer de voie. Le PTB défend la création d’un secteur public de l’énergie, aux mains de la collectivité et sous contrôle démocratique. Pour le climat, cette entreprise publique pourra garantir une transition planifiée vers les énergies renouvelables dont nous avons cruellement besoin. Et délaisser définitivement le fossile qui détruit la planète, comme au Danemark qui sera autosuffisant en énergies renouvelables d’ici 2025 grâce à son entreprise d’État. Pour les gens, ce service public fixera les prix de vente de l’électricité selon le coût pour la produire. Cela permettra d'avoir une réelle visibilité sur les prix, et donc de mieux vivre. Il faut arracher les biens de base des mains des entreprises qui détruisent tout : passons au contrôle public.