Maisons de repos : « Les gens ont le droit de savoir ce qui a créé cette situation catastrophique »
Le groupe PTB au Parlement wallon a introduit une résolution pour demander la création d’une commission d’enquête visant à examiner la gestion de la crise du coronavirus dans les maisons de repos en Wallonie. « Les familles et les citoyens ont le droit à des explications quant au taux de mortalité très élevé et aux problèmes rencontrés dans les maisons de repos », explique Germain Mugemangango, chef de file du PTB au Parlement Wallon.
Le PTB a introduit une résolution au Parlement Wallon pour examiner la gestion de la crise du coronavirus dans les maisons de repos (MR) et les maisons de repos et de soins (MRS) au moyen d’une commission d’enquête. « En Wallonie, la moitié des victimes du coronavirus sont mortes dans les maisons de repos. Nous avons à déplorer plus de 1 500 victimes à ce jour. On ne peut pas laisser passer une telle catastrophe humaine sans se poser de questions », déclare Germain Mugemangango, chef du groupe PTB au Parlement Wallon. « Les mesures du gouvernement wallon ont été prises trop tardivement et n’étaient pas à la hauteur des besoins. C’est par exemple le cas des normes d’encadrement au sein de ces institutions résidentielles. C’est une revendication importante du secteur qui se trouve dans une situation de sous-effectif chronique. »
Comme les normes d’encadrement ne sont pas assez élevées, les maisons de repos puisent dans leurs ressources financières pour engager du personnel au-dessus des normes prévus. Normes qui déterminent le niveau de subsidiation des pouvoirs publics. « Ce problème s’est évidemment aggravé au moment de la crise, poursuit le député de gauche Entre le manque d’équipements de sécurité qui a suscité un stress important pour le personnel et la contamination dont certains ont été victimes, le taux d’absentéisme a parfois atteint 25 à 30 % dans les maisons de repos. C’est dire comment la situation était critique sur le terrain. »
« La réponse de la ministre wallonne de la Santé Christie Morreale (PS) n’était pas adaptée à la situation pour répondre à la problématique du manque de personnel, estime Germain Mugemangango. Une réserve de volontaires a effectivement été constituée avec 1 200 personnes inscrites au 23 avril. Seulement, la ministre a laissé les maisons de repos se débrouiller elle-même pour contacter ces volontaires et pour sélectionner les bonnes personnes pour les aider alors que ces structures étaient déjà surchargées. Pourquoi ne pas avoir pris en main ce travail de sélection et de mise en contact au niveau des pouvoirs publics de telle manière à fournir un réel soutien aux maisons de repos ? Nous l’avons suggéré à plusieurs reprise sans que ce soit pris en main par la ministre. »
Un dépistage insuffisant
Pour le PTB, des décisions politiques concernant le dépistage doivent aussi être interrogées. « Le gouvernement fédéral devait mettre à disposition suffisamment de kits de dépistage, c’est de sa responsabilités. Mais des question se posent dans le cadre de ses compétences, continue le député de gauche. Pourquoi ne pas avoir écouté le secteur qui demandait un dépistage en parallèle du personnel ET des résidents de telle manière à connaître au plus vite la situation épidémiologique des maisons de repos en vue de prendre des mesures ? Pourquoi avoir utilisé un système de “cluster” qui rendait prioritaire les maisons de repos avec plus de 10 personnes contaminées alors que les maisons de repos ne disposaient pas d’assez de tests pour savoir si elles avaient plus de 10 personnes contaminées ? Pourquoi plusieurs maisons de repos se sont retrouvées avec les tests à rendre dans les 24H sans avoir le personnel nécessaire pour procéder à ces tests ? Ce sont des questions qui doivent trouver des réponses. »
Enfin, là où la concertation sociale devrait être la priorité des priorités en temps de crise, elle a souvent fait défaut. « Les organisations syndicales estiment que les maisons de repos ont été abandonnées par les pouvoirs publics, déclare Germain Mugemangango Elles évoquent notamment le fait d’avoir mis les travailleurs du secteur en danger en les faisant travailler sans matériel de protection et sans dépistage systématique. Elles estiment aussi que plusieurs décisions leur ont été imposées sous couvert du jugement des experts et sans concertation avec les experts de terrains : les travailleurs. » Dans un rapport d’évaluation de la crise, la CNE parle par exemple de concertation « biens souvent ignorée, voire bafouée. »
Anticiper d’éventuelles nouvelles vagues
Le PTB veut une commission d’enquête qui examine plusieurs aspects de la gestion de la crise. Le manque de matériel de protection dont ont été victimes les membres du personnel mais aussi les résidents. Le dépistage tardif qui a empêché de prendre les mesures nécessaires pour protéger les résidents et le personnel des maisons de repos malgré tout le dévouement qui existe dans ce secteur. Nous voulons aussi examiner la situation du personnel et en particulier la problématique du manque chronique d’effectif et celui de l’amélioration de l’attractivité du métier. Une question essentielle qui doit permettre un jugement de l’action politique est aussi l’évaluation de la problématique de la surmortalité. Et enfin nous voulons aussi évaluer le fonctionnement de la concertation sociale pendant cette crise.
Le PTB veut cette commission d’enquête pour découvrir comment les choses ont pu empirer à ce point. « La direction, le personnel, leurs familles et le grand public ont eu le sentiment que les mesures visant à empêcher le coronavirus d’entrer dans les maisons de repos étaient trop limitées et trop tardives. Ce qui a provoqué une situation dramatique dans les maisons de repos. Nous voulons examiner comment cela a été possible. Il s’agit avant tout d’une démarche d’amélioration afin d’être préparé de manière optimale à d’éventuelles nouvelles vagues d’infection », explique le député wallon.
Le député de gauche espère que les autres partis n’hésiteront pas à soutenir la demande de cette commission d’enquête. « Nous espérons vraiment que tout le monde saisira cette occasion. Une tragédie a eu lieu dans nos maisons de repos. Les résidents, leurs familles et le personnel ont le droit de savoir comment c’est arrivé et comment on peut éviter ça à l’avenir.»