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Lula : un ouvrier combatif devenu président du Brésil

Ce 1er janvier, le président Lula a prêté serment. Retour sur le parcours atypique de l’ancien syndicaliste qui a battu le candidat d'extrême droite, le président sortant Jair Bolsonaro, pour être ré-élu.

Mardi 16 mars 2021

Lula, ouvrier et leader syndical avant d'être président du Brésil, s'adressant aux travailleurs en grève en 1979

Lula, ouvrier et leader syndical avant d'être président du Brésil, s'adressant aux travailleurs en grève en 1979.

(Photo Wikimedia Commons)

Article écrit par Livia Lumia et publié dans le magazine Solidaire.

Luiz Inacio da Silva est né le 6 octobre 1945 à Caetés, un petit village du nord-est du Brésil. Le climat y est aride, la pauvreté criante. Surnommé « Lula » (« calamar » en portugais), il est l’avant-dernier enfant de sa fratrie. Son père, Aristides, travaille comme docker au port de Santos (au centre du pays), à plus de 2 500 km du foyer. Sa mère, Eurídice, élève seule ses huit enfant. Dans ses discours, Lula citera volontiers sa mère, analphabète, avec beaucoup de fierté. « La seule chose qu’un homme ne peut pas perdre, c’est le droit de marcher la tête haute », disait-elle.

À 10 ans, Lula quitte l’école pour contribuer au maigre revenu familial en cirant des chaussures, ou en vendant des oranges et du tapioca dans le port de Santos. En 1956, la famille s’installe dans l’arrière-salle d’un bar de São Paulo, la capitale du Brésil. À 12 ans, Lula occupe son premier emploi salarié dans une teinturerie. Deux ans plus tard, il devient tourneur dans une usine automobile de São Bernardo do Campo, puis ouvrier métallurgiste.

De l’engagement syndical aux grandes grèves

Dans les années 60, un vent d’euphorie souffle sur l’économie. Une modernisation fulgurante a permis la création de nombreux emplois, notamment dans la métallurgie. Mais la condition de la classe ouvrière ne s’est pas améliorée pour autant. Les travailleurs s’organisent. Dans le secteur du métal, entre 1950 et 1960, le nombre d’adhérents au syndicat a augmenté de 170 %.

Le 31 mars 1964, un coup d'État éclate. Un acte piloté par les États-Unis. L’armée prétexte la nécessité de lutter pour la démocratie et contre la « menace communiste ». C’est le début de la dictature militaire. Les grèves sont interdites. Les syndicats réprimés. Les salaires diminuent fortement. C’est dans ce contexte que Lula intègre le Syndicat des métallurgistes, à l’âge de 21 ans. Quelques années plus tard, il en devient le président.

Lula s'adressant aux ouvriers lors de la grève de la Scania, en 1978.

Lula s'adressant aux ouvriers lors de la grève de la Scania, en 1978. (Photo Memorial da Democracia)

Le 12 mai 1978, à 7 heures du matin, les ouvriers arrivent aux portes de l’usine de construction automobile de la Scania, à São Bernardo. Pas pour travailler, non : aujourd’hui, ils resteront les bras croisés. Leur revendication est claire : « 20 % d’augmentation, immédiatement ! » La nouvelle de la grève se répand dans toute la périphérie industrielle de São Paulo. Lula descend dans la rue et visite les assemblées. À la fin du conflit, les travailleurs obtiennent 11 % d’augmentation. « Je n’avais aucune expérience, expliquera Lula. Je n’avais jamais été en grève. Mais je me suis vite rendu compte qu’il est plus facile de négocier avec les machines arrêtées... »

73 % d’augmentation de salaire

Le syndicaliste remet le couvert en mars 1979. Dans un climat social tendu, les patrons de Chrysler, Ford et Volkswagen refusent alors de négocier avec les métallurgistes. Toute la périphérie industrielle de São Paulo est en grève. Les ouvriers, en arrêt de travail depuis 10 jours, sont si nombreux (entre 60 000 et 90 000) qu’un stade de football est nécessaire pour qu’ils puissent tenir leur assemblée. « Il y a un travail à faire, dans les quartiers, aux arrêts de bus et, plus important encore, personne ne franchit la porte de l’usine ! », lance Lula à la foule, qui l’acclame avec un tonnerre d’applaudissements. La grève est déclarée illégale : des policiers, et des militaires sont envoyés sur place pour réprimer le mouvement. Le gouvernement montre ainsi son vrai visage : celui de protecteur des intérêts des multinationales.

Mais la lutte paie. En mai, les ouvriers métallurgistes obtiennent une augmentation salariale de 73 %. La popularité de Lula dans la classe ouvrière grimpe en flèche.

En 1980, il conduit une nouvelle grève historique de 41 jours. 140 000 ouvriers de la métallurgie se croisent les bras. Ils réclament une diminution du temps de travail et plus de liberté syndicale. La répression du mouvement est violente mais Lula et les travailleurs tiennent bon. Le 19 avril, à 6 heures du matin, Lula est arrêté et conduit au DOPS (Département d’ordre public et social), où seront torturés des centaines de personnes sous le règne des militaires. À l’extérieur des murs de la prison, le mouvement ne tarit pas. Pour faire pression, depuis sa cellule, Lula et ses codétenus entament une grève de la faim qui durera six jours. La grève se termine avec succès alors qu’il est toujours incarcéré. Il est libéré au bout de 31 jours de détention.

De la prison à la présidence

Dans les mois qui suivent sa libération, Lula se lance en politique. Il est un des fondateurs du Partido dos Trabalhadores (PT, Parti des travailleurs). Il défend l’idée que des lois érigées par des une classe dirigeante déconnectée de la population et des patrons ne peuvent pas aller dans l’intérêt des travailleurs. En 1983, il fonde la Central Única dos Trabalhadores (CUT, Centrale unique des travailleurs) qui, aujourd’hui encore, constitue le principal syndicat brésilien.

En 1986 (soit un an après la fin de la dictature militaire), Lula est élu à l’Assemblée nationale. Il plaide pour la reconnaissance du droit de grève, le congé de maternité de 120 jours et la réduction de la semaine de travail de 48 à 44 heures. En 1989, il se présente pour la première fois à l’élection présidentielle. La victoire lui échappe de peu. Il se représente aux élections présidentielles en 1994 et en 1998. Il est finalement élu le 27 octobre 2002. Il assumera deux mandats consécutifs.

Sous Lula, plus d’1 million d'emplois sont créés chaque année, pendant huit ans. Le salaire minimum augmente de manière très significative. Selon l'Organisation mondiale de l'alimentation (FAO), la malnutrition au Brésil a été réduite de 73 % au cours des six dernières années, grâce à la subvention accordée à 12 millions de familles pauvres.

Le phénomène Lula

Ancien ouvrier métallurgiste et dirigeant syndical, Lula a gravi les échelons jusqu'à la présidence. Après huit ans au pouvoir, il prend sa retraite en 2010. Avec une cote de popularité de plus de 80 %.

En 2018, il est condamné à 12 ans d’emprisonnement dans le cadre du scandale de corruption avec la Compagnie pétrolière d'État brésilienne Pétrobas, et déclaré inéligible en vue de l’élection présidentielle. C’est Jair Bolsonaro, candidat d’extrême droite et ultraconservateur, qui gagne. Le journal d'investigation The Intercept affirme, en juin 2019, que le juge Sérgio Moro (qui sera « récompensé » avec un poste ministre de la Justice par Jair Bolsonaro) et les enquêteurs chargés de l'enquête auraient comploté pour empêcher Lula de se présenter. Son procès est rouvert.

Manifestation du PT à la Chambre des députés en faveur de la libération immédiate du président Lula, le 10 avril 2018.

Manifestation du PT à la Chambre des députés en faveur de la libération immédiate du président Lula, le 10 avril 2018. (Photo Flickr, Gustavo Bezerra)

En mars 2021, la Cour suprême annule toutes les condamnations visant Lula. Ses droits politiques sont restaurés et sa candidature à l'élection de 2022 est possible. Le vrai Brésil, celui des travailleurs, celui du Nord-Est et du Centre, est toujours le pays de Lula, l’ancien leader syndical, dont le cœur est du côté des travailleurs. Aujourd’hui, un Brésilien sur deux déclare qu'il votera encore pour Lula.