L’incendie à Moria est le miroir d’une politique européenne antisolidaire et inhumaine
Dans la nuit de mardi à mercredi, un terrible incendie a détruit le camp de réfugiés de Moria, situé sur l’île grecque de Lesbos. Moria est le plus grand camp de réfugiés d'Europe. Les quelque 13 000 personnes qu’on y entassait ont perdu le peu qui leur restait. Beaucoup ont même perdu leur précieux papiers d’identité et preuves d'enregistrement. Pour Marc Botenga, député PTB au Parlement européen, « ce nouveau drame humain est le miroir d’une politique européenne qui va à l’encontre de la solidarité entre États et qui est inhumaine envers les personnes qui fuient la guerre ».
La région de Moria abrite le plus grand camp de fortune pour réfugiés en Europe. Ces réfugiés – dont beaucoup d’enfants – ont fui les guerres (notamment de Syrie, d’Irak et d'Afghanistan). Ils vivaient entassés dans des conditions indignes : le camp peut normalement en contenir 2 000 et il en abritait environ 13 000. Des femmes, des hommes et des enfants coincés depuis des années, comme 40 000 autres réfugiés répartis dans les îles grecques. Le droit d'asile en Grèce a été suspendu.
L’incendie de Moria lève le voile sur des conditions de vie inhumaines
Avant le coronavirus, les gens y manquaient déjà de tout. Comme l’explique Médecins Sans Frontières, « il y avait seulement un robinet pour 1 300 personnes et les familles doivent dormir dans moins de 3m² à cinq ou six, sous des bâches, été comme hiver ». Les tentatives de suicide étaient récurrentes, notamment chez les mineurs qui n’ont plus aucune famille.
S’ajoutait à cela le harcèlement de la part des groupes d'extrême-droite. Ces groupes, liés aux néo-nazis du parti Aube Dorée, commençaient à faire régner leur loi, installer des checkpoints et patrouillaient dans les quartiers. Ils agressaient violemment les réfugiés, les volontaires des ONG et les journalistes. L’aide humanitaire, déjà très insuffisante, était d’autant plus entravée.
La vie quotidienne à Moria était déjà un enfer. La crise du coronavirus n’a fait qu’empirer la situation. Un lockdown a été imposé aux réfugiés malgré le déconfinement pour le reste de la population. Les procédures d’asile ont été suspendues, malgré ce que prévoit le droit international. Il n’y a que les ONG et la population locale pour venir en aide sur place.
Aujourd’hui, le camp est en feu. Des milliers de familles ont perdu le peu qu’elles avaient. Et il semble qu’il y ait aussi un foyer d’épidémie.
Nos États trouvent de l’argent pour faire la guerre puis refusent d’accueillir dignement les réfugiés
Cela fait environ cinq ans que les réfugiés sont abandonnés dans les camps des îles grecques. On en dénombre environ 40 000. Ils viennent notamment de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, où la guerre a déstabilisé toute une région du monde. « Mais aucune politique de solidarité n’est menée au niveau européen : nos États trouvent de l’argent pour aller bombarder leurs pays, aident les multinationales à voler leurs ressources, puis refusent d’accueillir dignement les réfugiés ; l’Europe trouve l’argent pour sauver ses banques, impose des plans d’austérité criminels au peuple grec puis refuse de l’aider face au défi de l’accueil des réfugiés », pointe le député européen PTB Marc Botenga.
Il y a plusieurs mois, lorsque la Turquie - qui accueille à elle seule environ 3 millions de réfugiés suite à un accord avec l’Europe - a menacé de rouvrir ses frontières européennes aux réfugiés, l’Union européenne a très vite répondu pour militariser davantage la région. Au total, ce sont 700 millions d’euros qui ont été débloqués en urgence pour s’ajouter au budget annuel d’1,5 milliard d’euros de l’agence paramilitaire Frontex : un navire « offshore », six bateaux de patrouille de gardes-côtes, deux hélicoptères, un avion, trois véhicules à vision thermique, 100 officiers supplémentaires (pour 530 actuellement déployés)5. Des équipes d’intervention rapide aux frontières (RABITS) pour aider au refoulement des réfugiés. Les opérations des garde-côtes grecs se sont multipliées, certaines patrouilles tirant à balles réelles sur les canots pneumatiques.7
Le président du Conseil européen Charles Michel a ainsi assuré que l’Europe « soutenait les efforts grecs pour protéger les frontières européennes ». Quant à la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, elle a « remercié la Grèce d’être notre bouclier européen ». Et terrible constat : en mars 2020, la barre tragique des 20 000 morts en Méditerranée depuis 2014 a été franchie.
Une répartition solidaire des réfugiés en Europe est nécessaire
Pour Marc Botenga, « il faut changer de cap après des années de politiques inhumaines et désastreuses ». Le système européen en vigueur actuellement, c’est le « règlement de Dublin », qui prévoit de renvoyer les demandeurs d’asile vers les pays d’entrée, c’est-à-dire la Grèce et l’Italie, des pays qui ne peuvent pas relever seuls le défi de l’accueil. En plus de cela, l’Europe sous-traite sa politique migratoire à des pays tiers, où les conditions de vie et les droits humains sont déplorables. On pense à la Libye notamment, autre pays détruit par l’OTAN : les milices locales reçoivent de l’argent et des moyens pour retenir les réfugiés coûte que coûte, quitte à créer des marchés aux esclaves.
Au lieu d’investir dans la guerre, il est nécessaire de garantir à chaque personne la possibilité d’entamer une procédure de demande d’asile, conformément à ce que prévoit le droit international. Il faut, pour cela, mettre en œuvre une répartition solidaire des réfugiés entre les pays européens.
C’est d’autant plus urgent qu’il faut évacuer les personnes vulnérables des camps insalubres situés dans des régions comme les îles grecques qui n’ont pas les infrastructures suffisantes. La Belgique doit faire sa part à hauteur de ses moyens. Alors que des mois de négociation ont permis de trouver un accord pour relocaliser 1 600 mineurs réfugiés non accompagnés venant des camps grecs, Maggie De Block, qui est en charge du dossier de l’asile, s’est finalement engagée à accueillir... 18 jeunes.
Sur le long terme, il faut mettre fin à la source des drames humaines que subissent les réfugiés. Il est nécessaire que nos pays arrêtent de mettre de l’huile sur le feu dans d’autres régions du monde. Ils doivent mener une politique basée sur la diplomatie ayant la paix pour seul objectif. Cela veut dire qu’ils doivent cesser de s’engager dans des bombardements, de prendre parti dans les conflits armés, de soutenir des factions contre d’autres, d’imposer des politiques commerciales inéquitables et de favoriser l’exploitation des peuples et des ressources pour les profits de leurs multinationales.