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L'Europe n'a pas besoin de sa version locale de Trump

Peter Mertens, secrétaire général du PTB et auteur du livre « Mutinerie », réagit à la rencontre tumultueuse entre Trump et Zelensky de ce vendredi 28 février, à ses conséquences pour l’Ukraine, l’Europe et au danger des appels à la militarisation.

Samedi 1 mars 2025

Trump s'adresse durement à Zelensky à la Maison blanche.

Belga Image

Texte écrit par Peter Mertens, le 1er mars 2025.

Ce que le président américain Trump a fait ce vendredi avec le président ukrainien Zelensky se déroule habituellement dans les coulisses. Maintenant, c'est devenu, selon les mots de Trump, de la « grande télévision ». C'est la manière dont les États-Unis traitent depuis des années les pays du Sud global : comme des néo-colonies qui doivent dire « merci » pour des accords imposés où leurs matières premières sont pillées. Ce n'est pas différent de la manière dont Trump parle du Panama, du Groenland et de Gaza, avec des animations répugnantes réalisées par de l’intelligence artificielle. Les États-Unis voient le monde comme un grand globe terrestre rempli de matières premières qui leur reviennent. Tout cela a un nom : l'impérialisme. Il n'a jamais disparu, il apparaît juste maintenant ouvertement nu en pleine lumière, piétinant le dernier contrepoids qui le retenait encore, le droit international.

En politique intérieure, Trump n’agit pas autrement. Il retourne au capitalisme des « robber barons »  - les « barons voleurs » - du 19e siècle. Un capitalisme sans contre-pouvoir, sans syndicats, sans lois protégeant le travail, avec le pouvoir absolu de prendre des décisions sur le sort des millions de personnes, jusqu'à leur déportation. Pour gagner cette guerre, il a engagé Elon Musk et son équipe DOGE.

L'attitude calme et maîtrisée de Zelensky face au président le plus puissant du monde a forcé le respect, surtout dans les pays du Sud global qui connaissent bien la politique de harcèlement et de menaces des États-Unis. Mais cela ne nous rapproche pas de la paix. « La guerre impossible à gagner », comme je l'ai écrit dans mon livre Mutinerie, a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de jeunes hommes.

À la veille de la rencontre entre Trump et Zelensky, un accord semblait se dessiner. Un accord où Trump transférait les coûts de la guerre vers l'Europe, tandis que les États-Unis voulait contrôler via un nouveau « fonds de reconstruction » l'extraction des ressources naturelles en Ukraine. Ce qui montrait clairement que cette guerre sale n'a jamais été motivée par de grandes valeurs mais toujours par la géostratégie et la volonté de contrôle des matières premières et des terres fertiles. La question est : pourquoi l'accord a échoué à la dernière minute ?

Les États-Unis voient le monde comme un grand globe terrestre rempli de matières premières qui leur reviennent. Tout cela a un nom : l'impérialisme.

Peter Mertens

Secrétaire général

Une possibilité est que les États-Unis veuillent affaiblir davantage la position de Zelensky, l'humilier, et à terme, préparer un changement de régime. C’est vrai que c’est devenu la marque de fabrique de la politique étrangère américaine ces dernières décennies : encourager ou organiser des changements de régime là où ces régimes ne se mettent pas complètement aux services des intérêts américains. Ce fut le sort de Manuel Noriega au Panama (1989) et de Saddam Hussein en Irak (2003). Un jour, le bon ami qui reçoit tout le soutien nécessaire ; le lendemain, le même est renversé. L'ancien diplomate américain Jeffrey Sachs m'a rappelé la semaine dernière une citation de Henry Kissinger : “to be an enemy of the US is dangerous, to be a friend of the US is fatal.” (« Être un ennemi des États-Unis est dangereux, être un ami des États-Unis est fatal. »)

Cela vaut aussi pour le plus grand « ami » des États-Unis, l'Union européenne. En septembre 2023, j'ai écrit dans Mutinerie que l'Europe est la grande perdante, précisément parce qu'elle suit aveuglément Washington. « C'est une sorte de syndrome de Stockholm, ai-je dit la semaine dernière au Premier ministre De Wever au Parlement, plus les États-Unis humilient l'Europe, plus l'Europe s'accroche aux basques de l'Oncle Sam. »

Notre ministre de la Défense, Theo Francken, veut à tout prix maintenir le lien privilégié avec Washington, se dit inspiré par le « modèle social » américain, trouve tout à fait normal que Trump veuille annexer le Groenland, et aimerait commander encore plus d'avions de chasse F-35 impayables aux États-Unis.

Combien de chocs l'Europe a-t-elle besoin pour devenir adulte ? La récession de l'économie allemande après les sanctions contre la Russie n'a pas suffi. L'ingérence d'Elon Musk dans la campagne électorale en Allemagne non plus. L'humiliation par le vice-président américain JD Vance et le ministre de la Défense Pete Hegseth à Munich non plus. La nouvelle guerre protectionniste des droits douaniers de Trump encore moins.

Aujourd'hui, l'establishment européen s'affole à nouveau et part au galop dans l'autre sens, comme un cheval sauvage s'échappant d'une écurie : nous avons besoin de plus d'armes, plus de guerre, et même de nous préparer à une nouvelle guerre mondiale ! L'Europe ne doit pas devenir un clone des États-Unis, elle n'a pas besoin de sa version locale de Trump, mais doit oser suivre une autre voie.

La ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne, Kaja Kallas, insiste aujourd’hui pour poursuivre et alimenter la guerre sale en Ukraine avec l’envoi d’armes et l’envoi au combat de jeunes à peine arrivés à l'âge adulte. Kallas n'a aucune légitimité démocratique pour faire de telles déclarations qui ne font qu'attiser les flammes. Nous avons besoin de moins de va-t-en-guerre comme Kallas, et de plus de maturité en Europe pour vraiment changer de cap et unir nos forces avec des pays du Sud global comme le Brésil et la Chine qui travaillent depuis longtemps à une solution négociée.

Il est temps que l'Europe développe une diplomatie adulte et indépendante, avec sa propre vision du développement de l'industrie en Europe, dans le respect du droit international, et avec des relations rationnelles avec toutes les grandes puissances économiques.

Peter Mertens

Secrétaire général

Comme je l'ai écrit dans Mutinerie, « cette guerre a une tête de Janus », c’est-à-dire que cette guerre a une double face. D'un côté, la violation de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, contraire à tout droit international, par l'agression russe. Ce que les pays du Sud global ont bien compris. De l'autre, une guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie, aux dépens des Ukrainiens, où des dizaines de milliers de jeunes sont utilisés comme chair à canon pour un conflit géostratégique. Washington l'admet aujourd'hui sans honte : c'était une guerre par procuration dirigée et alimentée par les États-Unis. Mais Trump pense maintenant que c'était la mauvaise guerre par procuration. Que la Russie n'est pas l'ennemi stratégique des États-Unis et que tous les efforts doivent être dirigés vers la prochaine guerre qu'ils préparent, celle contre la Chine. Car Washington voit son hégémonie économique et technologique menacée par la Chine.

Le dernier sophisme à la mode est que celui qui veut la paix, doit se préparer à la guerre. Ça sonne bien, mais c'est en réalité catastrophique. L'histoire montre que lorsque l'économie s’oriente vers la guerre et que les esprits se préparent à la guerre, la guerre se rapproche aussi dangereusement. Petit à petit, l'hystérie remplace progressivement l'analyse rationnelle. De plus en plus de politiciens parlent de guerre, et de moins en moins osent parler de paix. On cesse de réfléchir, on ferme les portes aux solutions diplomatiques et on joue ainsi avec la paix mondiale. L'Europe n'a pas d'avenir en tant que continent en guerre. La militarisation se fera au détriment de l'industrie en Europe, et la stratégie de tension permanente avec nos voisins de l'Est ne nous rapprochera pas de la paix.

« Mon expérience m’apprend qu’il faut parler avec l’autre camp. On ne peut pas dire : “on ne parle pas avec l’autre camp, on sait déjà ce qu’ils pensent”. On a besoin de diplomatie, justement dans les moments de tension. » C’est ce que m'a dit Jeffrey Sachs. L'Europe doit trouver sa propre voie. La Russie ne va pas disparaître, on ne peut pas l'effacer de la carte du monde. Au lieu de s'enfermer davantage dans le tourbillon d’une même rhétorique et des mêmes platitudes, il est temps que l'Europe développe une diplomatie adulte et indépendante. Une diplomatie qui développe sa propre vision du développement de l'industrie en Europe, une diplomatie se basant sur le respect du droit international, et avec des relations rationnelles avec toutes les grandes puissances économiques, qu'il s'agisse des États-Unis, de la Chine, de l'Inde, de la Russie, du Brésil ou de l'Afrique du Sud.