Les salaires dans le viseur du gouvernement De Croo
Le gouvernement De Croo ne veut plus que les années d’ancienneté comptent dans les salaires. Il fait ainsi un énorme cadeau au grand patronat qui demande depuis longtemps la suppression des barèmes salariaux afin de réduire globalement les salaires.
Dans notre pays, les salaires sont largement déterminés par les barèmes salariaux. Les partenaires sociaux négocient ces tableaux de salaires bruts. Le système fixe la rémunération sur la base de facteurs objectifs tels que l’ancienneté.
Le gouvernement de Charles Michel voulait se débarrasser de ces barèmes salariaux. Les organisations patronales comme la FEB et le Voka sont depuis longtemps demandeuses de cette suppression : le démantèlement des barèmes salariaux impliquerait en effet davantage de négociations individuelles, de concurrence et, en fin de compte, des salaires plus bas. Le gouvernement Vivaldi veut maintenant à nouveau relancer « un débat sur le paquet de rémunération ». Un beau cadeau aux entreprises.
Sorti des cuisines de la Suédoise
On pouvait déjà le lire entre les lignes dans la note des formateurs Alexander De Croo (Open Vld) et Paul Magnette (PS) : « Le Conseil central des entreprises publiera prochainement une étude sur le lien entre rémunération et ancienneté. Le gouvernement demandera aux partenaires sociaux (sectoriels) d’engager sur cette base un débat sur le package de rémunération. »
Fausse opposition entre jeunes et vieux travailleurs
Il s’agit d’une étude que le précédent ministre de l’Emploi, Kris Peeters (CD&V), avait commandée. L’étude a duré deux ans et est clairement basée sur un point de vue « suédois » : la remise en question du lien entre salaires et ancienneté.
La réforme des barèmes salariaux n’est pas une idée neuve. En 2014, Alexander De Croo, l’actuel Premier ministre, avait déclaré : « Ce sont les jeunes ménages qui ont le plus besoin d’argent. Nous devons aplatir la courbe montante des salaires. »
Cette fausse opposition entre jeunes et vieux est très souvent présente dans le débat sur la carrière.
La pression financière sur les jeunes ménages n’est pas due aux salaires des travailleurs plus âgés (avec plus d’ancienneté). Les principales causes sont les salaires minimums trop bas et les statuts précaires que les jeunes sont souvent contraints de subir.
La responsabilité des bas salaires de départ incombe donc aux employeurs eux-mêmes. Afin d’améliorer les bas salaires des jeunes, c’est à ces problèmes-là que nous devons nous attaquer.
La concurrence au lieu de la négociation collective
L’actuel ministre de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne (PS), dans son récent exposé d’orientation politique, reprend l’intention du gouvernement suédois : « Nous examinerons avec les partenaires sociaux sectoriels si les méthodes de rémunération peuvent évoluer sur cette base. »
Ce faisant, il s’engage loin dans la vision du patronat qui veut payer individuellement à un travailleur un salaire selon son travail. Sur la base des compétences et de la productivité, et indépendamment des négociations collectives.
De nombreux décideurs politiques disent que les demandeurs d’emploi de plus de 55 ans coûtent aujourd’hui trop cher
Il va sans dire que les syndicats ne sont pas d’accord pour aller vers une telle « évolution ». Ils savent que, collectivement, on est toujours plus fort dans les négociations salariales. Sans barèmes, le lieu de travail se transformera bientôt en une véritable champ de bataille de concurrence, où les entreprises pourront opposer les membres de leur personnel individuellement les uns aux autres. Et pas seulement les jeunes et les plus âgés. Toute personne ayant connu un revers ou un problème le ressentira dans sa fiche de paie.
En outre, de nombreux décideurs politiques partent du principe que les demandeurs d’emploi de plus de 55 ans coûtent aujourd’hui trop cher, précisément en raison de leur ancienneté.
En réalité, les salaires augmentent déjà beaucoup moins rapidement à partir de 45 ans. Surtout dans les fonctions inférieures. L’expérience des travailleurs augmente aussi réellement la productivité. Si les performances individuelles des travailleurs baissent, c’est parce qu’ils se sont épuisés au travail pendant des années. C’est pourquoi la réduction de leur salaire est particulièrement cynique.
De la sorte, l’entreprise nie également à quel point leur expérience peut être positive pour la productivité globale. Les entreprises qui se préoccupent des performances des plus de 55 ans feraient mieux de miser sur une bonne politique de fin de carrière. Ne pas vouloir engager ces travailleurs ou, pire, les licencier est une solution de facilité.
Enfin, dans les services publics, les dernières années de la carrière sont cruciales pour la pension.
Continuer à défendre le lien entre salaires et l’ancienneté
Le PTB défend le couplage automatique des salaires et à l’ancienneté. Il y a plusieurs raisons à cela.
Premièrement, il s’agit d’un système clair, transparent et garanti. Chacun connaît avec certitude le montant de son salaire en fonction de son ancienneté au travail. Les augmentations sont automatiques. Elles ne dépendent pas des résultats de l’entreprise ni d’un entretien d’évaluation.
Deuxièmement, le couplage automatique est un système collectif et solidaire. Les barèmes sont des droits collectifs que l’on peut défendre collectivement. L’ancienneté est solidaire car elle ne sanctionne pas les travailleurs les plus âgés pour leur âge. Au début de leur carrière, ils ont travaillé à fond, parfois avec des conséquences sur leur santé à un âge plus avancé.
Troisièmement, elle empêche la discrimination. Selon des études, les femmes, les débutants et les personnes ayant un statut précaire (comme les contrats d’intérim ou les contrats à durée déterminée) sont beaucoup moins enclins à négocier des augmentations de salaire. Ils sont aussi donc aussi généralement beaucoup moins forts. Le système des barèmes salariaux empêche qu’ils perçoivent de ce fait un salaire plus bas.
Quatrièmement, pour de nombreuses personnes travaillant dans de petites entreprises, les barèmes salariaux sont souvent le seul moyen d’augmenter leurs rémunération. Leurs entreprises ne donnent pas un centime de plus que ce qu’elles sont légalement tenues de payer.
Cinquièmement, par son objectivité et sa simplicité, le système est facile à contrôler et à faire appliquer. Un travailleur voit immédiatement si le salaire est correctement payé ou il peut demander au syndicat de le faire. Si on ne gagne pas assez, on peut immédiatement faire rectifier la situation. Les procédures sont simples et rapides.
Les salaires ne sont bons que quand ils sont décidés collectivement
La FEB et le Voka veulent mettre fin à ce système d’augmentation automatique des salaires et déterminer les salaires « à la tête du client ». C’est du pur arbitraire, comme le salaire à la pièce au 19e siècle. Cela mène évidemment à la division, à la frustration et à la démotivation des membres du personnel. Apparemment, c’est le prix que de nombreux chefs d’entreprise sont prêts à payer pour une nouvelle réduction des salaires.
Plusieurs partis et décideurs politiques se laissent pousser à la réforme par les organisations patronales. Ils ne pensent qu’en termes économiques, opposent les jeunes aux vieux et font exploser la concurrence sur le terrain. Avec les syndicats, le PTB s’oppose à ce modèle. La situation des salaires est la meilleure quand ils sont négociés avec les gens et quand ils augmentent régulièrement selon des règles claires.