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Le plan De Wever-Bouchez : une facture salée et une escalade militaire

Les partis qui négocient le nouveau gouvernement veulent investir des milliards d'euros dans la défense. Partout règne l’austérité, sauf dans les dépenses militaires. 

Vendredi 22 novembre 2024

Jonge vrouw op een vredesbetoging, met op haar gezicht geschminkt: “No bombs, peace yes”

« Conformément à notre engagement international, nous traçons une trajectoire de croissance accélérée vers la norme de l'Otan d'ici 2029 au plus tard. »
Extrait de la « super note » de Bart De Wever pour la formation dʼune coalition Arizona (De Tijd, 31 juillet 2024)

Aujourd'hui, les dépenses militaires en Belgique s'élèvent à 1,25 % du produit intérieur brut (PIB). Les partis qui négocient le nouveau gouvernement semblent unanimes pour atteindre la norme fixée par l'Otan à 2 % d'ici 2029. Pour cela, ils doivent trouver la somme colossale de 4 milliards d'euros par an. Ces dépenses supplémentaires coûteront près de 1 000 euros par an par ménage belge.

De plus, la super note de De Wever parle déjà de passer à 2,5 % d'ici 2035. Cela représente le double du budget actuel de la Défense. Le gouvernement Vivaldi avait pour ambition d'atteindre la norme de 2 % d'ici à 2035. De Wever, Bouchez et compagnie veulent aller plus vite et plus loin que ce que prévoit la norme de l’Otan.

« L'augmentation du budget de la défense ne fait qu’accroître l’insécurité »

Le volet militaire de la note de négociation a été rédigé par Theo Francken (N-VA). Le potentiel futur ministre de la guerre et actuel vice-président de l'Assemblée parlementaire de l'Otan veut trouver les milliards supplémentaires en coupant dans les dépenses sociales.

La sécurité sociale est « trop grosse », lui retirer « quelques milliards » n'est « pas inhumain » (Humo, 19 novembre 2024).

Les pensions, les soins de santé, les allocations familiales, l'assurance chômage sont ce qu'il appelle la « sécurité douce », tandis que les dépenses militaires constituent la « sécurité dure ».

« L'Europe investit principalement dans la sécurité douce, les États-Unis dans la sécurité dure. Nous pourrions procéder à un rééquilibrage », selon Francken (The Appointment, 19 novembre 2024).

En outre, la note suggère de poursuivre la privatisation en vendant des participations publiques, telles que celles de Belfius et Proximus.

Le mouvement pour la paix et la société civile au sens large (les syndicats, des ONG, etc.) sʼy opposent. Dans une lettre ouverte signée par plus de 30 organisations, ceux-ci écrivent que « l'augmentation du budget de la défense ne fait qu'accroître l'insécurité. Alors que des secteurs vitaux pour notre société doivent subir des coupes sévères, on jette l'argent par les fenêtres pour la défense. On assiste à une course à l'armement qui s’intensifie encore et qui profite surtout à l'industrie (étrangère) de l'armement. Résultat ? Une escalade des conflits, des contre-réactions militaires, davantage de morts et de blessés, et une sécurité globale qui s’effrite. »

Une défense européenne axée sur la coopération, la paix et l'autodéfense

On a souvent l'impression que la Belgique est à la traîne des États membres de l'Otan en termes de dépenses militaires. Tout dépend de la façon dont on regarde les chiffres. En pourcentage du PIB, c'est vrai, mais tant en montants absolus que par habitant, la Belgique est dans la médiane.

Par habitant, notre pays consacre près de 600 euros aux dépenses militaires. La Suède se situe juste au-dessus, l'Italie un peu en dessous. Mais des pays comme l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Croatie, la Slovénie ou la Tchéquie ne dépensent que 300 euros par habitant, et l'Irlande un peu plus de 200 euros.

Indépendamment de ce classement parmi les États membres de l'Otan, la question fondamentale est de savoir si les dépenses militaires doivent continuer à augmenter.

L'Otan représente déjà plus de la moitié des dépenses militaires mondiales. Chaque année, les États membres de l'Otan consacrent plus de 1 400 milliards de dollars à la Défense. C’est bien plus que les 300 milliards de la Chine ou les 130 milliards de la Russie.

La part des États européens membres de l'Otan dans le total des dépenses de l'organisation s'élève à 483 milliards de dollars. « C'est déjà 100 milliards de plus qu'il y a quelques années », selon les calculs du mouvement de la paix.

Nous venons donc d'assister à une augmentation démesurée des ressources militaires.

Par ailleurs, l'Union européenne prévoit déjà 400 milliards de dépenses, en plus de celles des États membres européens. Le Fonds de cohésion de l'Union européenne, créé pour venir en aide aux régions en difficulté, pourrait à l'avenir être partiellement utilisé à des fins militaires.

« Mais nous sentons-nous plus en sécurité pour autant ? Quelle guerre a été récemment réglée grâce à ces dépenses ? » demande à juste titre la lettre ouverte.

La Belgique et ses voisins européens n'ont pas besoin d'une augmentation des budgets militaires. Ces derniers devraient au contraire être mieux gérés et rationalisés.

Les pays européens doivent coopérer afin d'élaborer notre propre stratégie de défense européenne. Non pas pour intervenir militairement sur d'autres continents, comme en Afghanistan et en Libye, mais bien pour défendre notre territoire.

Nous sommes pour une défense européenne axée sur la coopération, la paix et l'autodéfense – distincte de celle des États-Unis de Donald Trump.

Shopping dans l'industrie de l'armement

À quoi sert tout cet argent ? La manière dont les De Wever, Bouchez et compagnie entendent utiliser ces ressources militaires supplémentaires n'a pas encore été définie. La note reprendrait déjà largement la liste des souhaits de l'armée. Elle mentionne explicitement l'achat de nouveaux F-35 en plus des 34 avions de combat déjà achetés à Lockheed - ce qui était encore un tabou sous la Vivaldi.

Outre les drones, les chars, les hélicoptères, les avions de transport, etc. l'achat d'une troisième frégate est également envisagé (De Tijd, 31 juillet 2024). Tout cela ressemble beaucoup à des achats à l'aveugle dans l'industrie de l'armement.

Si la note répond aux souhaits des pontes de l'armée, d'autres voix au sein de celle-ci se font entendre.

Selon le syndicat militaire ACMP-CGPM, l'armée fait aujourd'hui cruellement défaut à sa raison d'être : la protection de la société, de l'infrastructure et de la population belge. Les achats en cours de discussion, en particulier en ce qui concerne les F-35, ne correspondent pas du tout aux besoins pour remplir cette mission de protection de base. Les priorités, ce sont la cybersécurité, la défense aérienne et les missiles à courte portée contre les drones. Pas des F-35 hors de prix ou une énième frégate.

De même, cette politique d'achat à l’aveugle menace de surcharger inutilement les hangars de l’armée avec des véhicules de pointe inutilisés.

Les soldats rencontrent également de nombreuses difficultés dans l'accomplissement de leurs missions : conditions de travail très difficiles, insécurité sur le lieu de travail, soutien aux familles insuffisant, possibilités limitées de mobilité interne, désaccords avec les supérieurs, pénurie de soins médicaux appropriés, etc.

40 % des nouvelles recrues quittent l'armée après deux ans. C'est énorme et cela coûte des dizaines de millions d'euros. Mais le plan de De Wever-Bouchez ne fait aucune mention d’un investissement dans le personnel.

Au contraire, selon la super note, les systèmes de pension distincts pour les militaires devraient être supprimés et l'âge de la pension devrait être relevé. Le métier de soldat est un métier difficile, physiquement très éprouvant, soumis à un stress important et déployé au péril de sa propre santé et de sa propre vie.

Un projet de paix, pas un projet de guerre

« Si vis pacem, para bellum », « Qui veut la paix prépare la guerre », avance Francken. C'est le fil conducteur de sa note.

À cela, le PTB répond : « Qui veut la paix évite la guerre. » Nous ne voulons pas d’un projet de guerre, mais d’un projet de paix. La Défense, c’est se défendre.

Nous ne voulons pas d'avions de chasse, comme le F-35, qui ont été développés pour des opérations militaires offensives.

Nous nous opposons à la militarisation de l'économie, où l'argent public est investi dans la guerre plutôt que dans le développement civil.

Nous voulons une coopération européenne qui rationalise les dépenses militaires, et non qui les augmente.

Comme le mouvement pour la paix et la société civile l’ont écrit dans leur lettre ouverte : « Nous plaidons en faveur d'une attention et de ressources accrues pour la diplomatie et la prévention des conflits, et en faveur d'une augmentation plutôt qu'une diminution des ressources pour la coopération au développement et la solidarité internationale. Investir dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix apporte réellement plus de sécurité, crée des opportunités de croissance et est en plus rentable. (...) La sécurité ne se limite pas à la puissance militaire. La sécurité implique également la justice sociale. Il faut abandonner le recours à la guerre et une position trop militariste, et opter pour des initiatives de consolidation de la paix et de mesures sociales, qui sont la garantie d'une société sûre et inclusive. »