Le gouvernement sauve le multimillionnaire derrière Aviapartner, quand sauvera-t-il le personnel de l'aéroport ?
On a appris que le gouvernement belge allait octroyer 20 à 25 millions d'euros d'aides à la direction de l’entreprise de traitement des bagages Aviapartner, active à l’aéroport de Zaventem. Et ce, alors que la valeur de cette entreprise n'est pas même pas aussi élevée. Que se passe-t-il ?
Retour sur les récents événements à l'aéroport. Le 8 juin, l'entreprise de manutention des bagages Swissport annonce sa faillite. Près de 1 500 personnes perdent ainsi leur emploi, mais le gouvernement n'a pas fait un seul geste. Le 15 juin, l'entreprise concurrente Aviapartner demande davantage de flexibilité à son personnel. Le 17 juin, Aviapartner reçoit entre 20 et 25 millions d'euros d'aide de l'État. Comment est-ce possible ? Pourquoi une aide de l'État est-elle octroyée à Aviapartner alors qu'on laisse Swissport faire faillite ? Pourquoi une entreprise qui exige encore plus de flexibilité de la part de son personnel reçoit-elle quand même un soutien du gouvernement ?
Le personnel de Swissport et d'Aviapartner mérite le respect
Cet arrangement est néfaste tant pour le personnel de Swissport que pour celui d'Aviapartner. Pour le personnel de Swissport, les conséquences sont évidentes. Le gouvernement abandonne 1 500 personnes à leur sort. « C'est comme si on nous avait fait un grand doigt d'honneur », résume une travailleuse. Pourtant, cet arrangement n'aide pas non plus le personnel d'Aviapartner. Deux jours avant la décision du gouvernement d'octroyer des fonds publics à Aviapartner, la direction de cette entreprise exigeait encore plus de flexibilité de la part du personnel.
« L'argent du contribuable ne devrait jamais être utilisé pour licencier des gens ou attaquer les salaires et les conditions de travail, réagit Maria Vindevoghel, députée fédérale PTB et elle-même ancienne travailleuse à l'aéroport. En outre, il est très important pour le personnel d'Aviapartner qu'il n'y ait pas de nouveau sous-traitant privé. L’arrivée d’un nouveau sous-traitant de manutention travaillant avec un salaire plus bas et des conditions de travail encore moins bonnes mettrait également la pression sur le personnel d'Aviapartner. Sauver le personnel de Swissport est important pour l'ensemble de la communauté aéroportuaire, et en particulier pour les gens d'Aviapartner, afin d’éviter cette concurrence vers le bas. »
Une affaire qui sent mauvais
Laurent Levaux, multimillionnaire et grand patron d'Aviapartner, a racheté le fonds d'investissement américain HIG en pleine crise du coronavirus, récupérant ainsi des parts d’Aviapartner, qui passe entièrement dans des mains belges. Un geste qui peut sembler étrange, au milieu d’une crise qui frappe le secteur aérien de plein fouet. Comment comprendre cela ? « Là où le politique et les affaires se croisent, Levaux trouve son chemin comme aucun autre », écrit le journal De Standaard. « Le Liégeois serait étiqueté MR, mais il entretient également des contacts étroits avec le PS », lit-on plus loin. Le spécialiste de l'aviation Riadh Bahri a également déclaré dans l'émission de la VRT De Afspraak que Levaux « n'a qu'à passer un coup de fil pour obtenir quelque chose ».
Serait-ce cette proximité avec le monde politique qui explique qu’Aviapartner ne s’est pas joint, le 25 mars, aux entreprises Dnata, Swissport et WFS pour demander le soutien de l'État dans une lettre commune ?
« La fortune personnelle de Levaux s'élève à plus de 39 millions d'euros. Alors pourquoi le gouvernement belge accorde-t-il 20 à 25 millions d'euros à l'entreprise de ce multimillionnaire ? interroge Maria Vindevoghel. C'est le personnel de l'aéroport qu'il faut sauver, pas un multimillionnaire. »
Un avenir vivable pour notre aéroport
La concurrence féroce entre les entreprises de manutention a entraîné une pression de plus en plus forte sur les salaires et les conditions de travail. La logique de la concurrence est une impasse. Il est grand temps d'utiliser de nouvelles recettes et de trouver une solution structurelle et durable pour notre aéroport. Si le gouvernement donne plus d'argent à une entreprise que ce que vaut cette entreprise, pourquoi alors ne pas la reprendre ?
« Ne vous laissez pas tromper, souligne Maria Vindevoghel. Il est parfaitement possible de sauver le personnel de l'aéroport. Le savoir-faire du personnel de Swissport ne doit pas être perdu et les conditions de travail du personnel d'Aviapartner ne doivent pas être mises sous pression. Il est très important pour l'avenir de notre aéroport national que le gouvernement reprenne la gestion en main. Un aéroport ne peut pas fonctionner sans manutention. De plus, l'exploitant de l'aéroport, Brussels Airport Company (BAC), doit également être soumis au contrôle du gouvernement. Au cours des cinq dernières années, la BAC a réalisé un bénéfice de 392 millions d'euros. Ces profits ne doivent pas pouvoir s'échapper à l'étranger. Notre aéroport national a un avenir. Qu'attend ce gouvernement ? »