Le changement en reculant : les illusions vendues par le duo Bouchez-Prévot
Le MR et les Engagés ont annoncé en fanfare ce 11 juillet un accord de gouvernement qui serait bénéfique à tous les citoyens. Mais qu’y a-t-il réellement dans cet accord une fois les spots de la conférence de presse éteints ?
Durant sa conférence de presse, le duo MR/Engagés est revenu à de nombreuses reprises sur sa volonté de « simplification » et de « rationalisation ». Seulement, lorsqu’on gratte un peu, on se rend très vite compte que c’est surtout d’austérité et d'économies sur le dos des gens qu’il s'agit.
L’illusion de baisses d’impôts pour cacher une austérité qui arrive
Il suffit pour ça d’analyser les annonces budgétaires de la nouvelle majorité. Cette majorité veut baisser le déficit de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’1,2 milliard dans les cinq prochaines années. Mais, en même temps, elle veut faire des cadeaux fiscaux pour un montant d’1,5 milliard. Il s’agit donc pour cette majorité de trouver 2,7 milliards de marge budgétaire alors qu'elle souhaite en même temps doubler le budget de la prévention en matière de soins de santé, soutenir le secteur des personnes porteuses de handicap ou encore créer 5 000 places en crèche. Tout ça en disant qu’aucun citoyen ne sera impacté. Il y a quelque chose qui cloche.
Bouchez et Prévôt prétendent pouvoir trouver les marges dans la « réduction de l’appareil public » et d’autres mesures de rationalisation. Comment ? Leur accord ne le précise pas mais ouvre beaucoup de pistes : couper dans l’accès au logement, remettre en question la gratuité des fournitures scolaires, introduire une taxe déguisée avec l’assurance autonomie ou une taxe poubelle au poids, baisser les emplois dans les associations et les communes ou couper dans les nécessaires investissements pour le futur. Toutes des pistes qui peuvent nous toucher dans notre quotidien.
En réalité, messieurs Prévot et Bouchez cachent mal leur volonté de pratiquer l'austérité à tous les étages et distribuent des cadeaux fictifs comme des vendeurs d’illusions.
L'illusion d’une amélioration du service au citoyen et de la baisse du taux de chômage par la « rationalisation »
La rationalisation dans les services publics, la remise en question du rôle des provinces, la disparition du statut dans le secteur public signifie surtout un moins bon service aux citoyens.
La Déclaration de Politique Régionale clame sa volonté d’accentuer l’accompagnement et l’activation des chômeurs. En même temps, la nouvelle majorité MR-Engagés veut économiser dans le Forem. Or, actuellement, chaque accompagnateur FOREM se charge en moyenne de 200 demandeurs d’emplois. Au Danemark, ce chiffre est de 50 demandeurs d’emploi par accompagnateur. Si on veut amener plus de demandeurs d’emplois vers l'emploi, il faut justement augmenter les moyens du Forem au lieu de les diminuer.
Cette majorité risque bien de détruire des emplois au lieu d’en créer. En effet, les deux partis veulent s'attaquer à l’indexation des points APE, un système de soutien public de la Région wallonne à des emplois sociaux. Ils ne veulent plus indexer des points APE qui concernent des fonctions d’institutrice ou d’aide-soignante. Ces emplois seront donc moins rémunérés au risque de voir ces emplois se précariser ou carrément disparaître.
L'illusion de l’absence de taxe
Lors de leur conférence de presse, le président du MR a bien précisé qu’il n’y aurait pas de nouvelles taxes. Une taxe qui sera explicitement nouvelle sera celle générée par l’assurance autonomie. Cette assurance qui doit aider les citoyens à faire face à des situations médicales qui diminuent leur autonomie sera financée par une taxe obligatoire qui s’imposera à chaque citoyen de plus de 25 ans. Le gouvernement flamand a instauré la « vlaamse zorgverzekering », l’assurance dépendance dont s’inspire clairement cette « assurance autonomie ». En Flandre, ce montant n’a cessé d’augmenter depuis sa mise en place : de 25 à 62 euros par an et par personne.
D’autres changements de formes de taxation posent question car elles pourraient aboutir à des hausses pour un grand nombre comme la réforme de la taxe automobile, les taxes “vertes”, etc. et d’autres contributions. On peut aussi se demander quel sera l’impact exact, et pour qui, de la vignette automobile annoncée. Sans oublier le report des coûts aux communes qui pourraient entraîner une hausse des taxes locales.
L’illusion des partenariats publics-privés
L’autre illusion vendue par le duo Bouchez-Prévot, ce sont les partenariats publics-privés. Le texte en parle à 9 reprises. Pour le logement, les maisons de repos, les transports... au prétexte de « se recentrer sur l'essentiel ». L’idée de base : demander au privé d’investir dans des activités d’utilité publique en échange d’une rétribution du public. Avec un fort bénéfice à la clé pour les acteurs privés. Au départ, l’État ne doit pas contracter de dettes mais, après, il doit payer le prix fort pendant des années. Dans les régions et les pays où cela a été appliqué, cette commercialisation et privatisation ont mené à des coûts élevés pour les autorités, des hausses de prix et des baisses de qualité. Quelques exemples :
La commercialisation des maisons de repos mène à des prix exorbitants et des baisses majeures de qualité comme l’a montré le scandale des maisons de repos Orpéa.
Le financement privé Diabolo de la connexion ferroviaire vers l’aéroport de Zaventem engendre un supplément de ticket de 6,6 euros par voyage au-dessus du ticket normal. Cela va rapporter 1,2 milliard d’euros à l’opérateur privé pour des travaux qui n'ont coûté que 678 millions d’euros.
Les partenariats public-privé dans la construction de logements ou de chantiers publics amènent encore plus de surcoûts et de retards comme l’a montré le chantier du tram à Liège qui coûtera 79 millions d'euros de plus que prévu.
Au nom de l’austérité et de la règle d’or, le recours au privé se généralise au détriment des services publics que ce soit pour le logement social, l'inclusion numérique, la formation, les infrastructures sportives et d'autres matières.
L’illusion d’un enseignement revalorisé par la fin de la gratuité des fournitures scolaires et l’atteinte aux statuts des profs
La crise de l’enseignement appelle à des changements drastiques. Mais au lieu d’écouter les revendications des profs en matière de conditions de travail ou de taille des classes, le nouveau gouvernement MR-Engagés ne trouve rien de mieux à faire que d’alourdir la charge de travail des profs et de supprimer leur statut qui est justement un facteur d’attractivité et de stabilité. Ils veulent engager des profs sur base d’un contrat à durée indéterminée (CDI) alors que ce contrat dépendra dans les faits du nombre d’élèves inscrits dans l’école. L’emploi des enseignants va devenir ainsi plus précaire, comme le soulignent les syndicats.
Les familles aussi sont attaquées par ce gouvernement qui veut remettre en question la gratuité des fournitures scolaires. C’est donc sur les parents que va une nouvelle fois reposer la charge du sous-financement de l’enseignement et le non-respect du principe fondamental de la gratuité scolaire.
L’illusion de la réussite étudiante avec une précarité en hausse
Une des premières mesures annoncées est le retour de la réforme du décret paysage initiée par la ministre libérale Glatigny en 2021 et qui avait été combattue par le mouvement étudiant. Cette réforme rend plus strictes les conditions de finançabilité des étudiants et les force à réussir plus vite. En même temps, ce gouvernement ne dit pas un mot sur la précarité étudiante, ni que plus d’un tiers des étudiants doivent travailler pour payer leurs études, ce qui est un facteur majeur de l’allongement des études. Comment améliorer la réussite si on ne met rien en place pour contrer les origines économiques du problème ? On risque demain de fermer les portes des universités et des hautes écoles à de plus en plus d’enfants des classes populaires.
Vu l’austérité annoncée pour le reste, on peine à croire que la fin annoncée de l’enveloppe fermée pour l’enseignement supérieur mène aux hausses des budgets tellement nécessaires.
L’illusion de la hausse de l’offre médiatique par la commercialisation
Pour la RTBF, c’est la cure d’austérité qui s’annonce couplée à une mise au pas de ses missions de service public. La fin de l’indexation de la dotation de la RTBF va forcément l’obliger à abandonner une série de domaines où elle est présente.
La Libre Belgique évoque une économie de 70 millions d’euros pour l’ensemble de la législature. Moins de moyens veut donc dire moins de services. Et le gouvernement a déjà annoncé que la RTBF devait se recentrer sur l’information, la culture et l’éducation permanente. Le futur gouvernement a déjà annoncé qu’il allait revoir la politique d’acquisition de la RTBF en matière de droits pour la diffusion des sports, ce qui pourrait signifier l’abandon de l’offre gratuite et diversifiée des sports (comme le Tour de France, la Coupe du Monde ou les Jeux Olympiques) aux citoyens. Et le passage aux chaînes privées payantes diffusant le sport. On sent aussi la volonté de mettre au pas l’indépendance des journalistes du service public et la volonté de favoriser les médias commerciaux comme cela s’est passé en France où on a vu une concentration des médias dans les mains de quelques milliardaires comme Vincent Bolloré (CNews, etc.).
L’illusion d’un service proche des citoyens par les économies reportées sur les communes
Avec cet accord, la majorité va rendre la situation des communes intenable. Alors que la situation difficile des communes est connue, il n’y a aucun mot sur un éventuel refinancement. L'indexation actuelle du fonds des communes n'est même pas garantie dans la déclaration de politique régionale. Pire, l'annonce de la non indexation des emplois APE dans les communes risque de forcer ces dernières à réduire l'emploi dans les prochaines années. Les contractuels seront favorisés mettant en cause aussi le statut des agents communaux. Une politique d’austérité au niveau régional signifie que les communes, dont beaucoup sont déjà en grande difficulté financière, ne seront pas soutenues. La limitation dans le temps de l’octroi des allocations de chômage impactera dramatiquement les finances des CPAS et des communes. Ce qui fera que les communes seront amenées à faire ce que ce qu’on a déjà connu : faire des économies et augmenter des taxes comme cela a été le cas avec la taxe poubelle.
Une opposition déterminée pour construire des alternatives sociales fortes
Beaucoup de questions restent mais les inquiétudes sont justifiées après les annonces des marchands de rêves Bouchez-Prévot. Face à ce gouvernement, nous mènerons une opposition déterminée en dialogue avec les citoyens, les travailleurs, syndicats, associations, acteurs de terrain, artistes, enseignants, étudiants… Et nous construirons ensemble des alternatives sociales fortes. Enfin, si nous ne voulons pas voir appliquer la même politique d'austérité dans les communes, il est essentiel de faire grandir la gauche authentique aux prochaines élections communales.