La transaction pénale devient la règle générale pour les grands délinquants financiers : il est temps de la supprimer
Les transactions pénales négociées ces deux derniers jours par le parquet avec l’ex-CEO de Proximus Dominique Leroy et la famille De Clerck du groupe Beaulieu s’ajoutent à une longue liste (trio kazakh, Omega Diamonds, Publifin, HSBC, Stéphane Moreau, Bernard Arnault et tant d’autres) qui montrent qu’aujourd’hui ce mode d’évitement des procès n’est ni une exception, ni même une possibilité parmi d’autres, mais la règle quasi-générale pour les grands délinquants financiers.
Raoul Hedebouw, chef de groupe PTB à la Chambre, a interpellé le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) en plénière ce jeudi 2 juillet sur ces deux nouvelles transactions pénales : « Le constat est clair : la transaction pénale devient la règle générale pour les grands délinquants financiers. Alors qu’elle était inculpée pour délit d’initié, l’ex-CEO de Proximus verse 107 000 euros afin de s’offrir un nouveau beau poste. Qui, des citoyens ordinaires, est capables de rassembler une telle somme pour être blanchis ? »
Le PTB dénonce le fait que les auteurs de fraude financière grave ayant pour seule sanction possible un simple risque de pénalité financière, sous-proportionnée et peu dissuasive, et que seuls les plus riches peuvent recourir largement à ce système. Non seulement les plus riches profitent systématiquement de la transaction pénale, mais en plus, les moins riches en sont explicitement exclus. En effet, la circulaire du 24 mai 2018 du ministre de la Justice et du collège des procureurs généraux, contenant des directives quant à l’application de cette transaction pénale, précise « qu’il serait plus indiqué de mener les poursuites devant le Tribunal lorsque le prévenu se trouve dans une situation de précarité. »
Raoul Hedebouw pointe l’affaire HSBC, une banque ayant organisé plus de 1 000 dossiers de fraude pour de riches clients belges, probablement l’une des plus grandes affaires de fraude fiscale de notre pays : « Si la banque HSBC, ayant organisé une fraude d’une telle ampleur, peut obtenir une transaction pénale, on se demande quel criminel financier pourrait encore se retrouver devant le tribunal à l’avenir. En théorie, la gravité des faits est un motif d’exclusion du bénéficie d’un transaction pénale. Mais les faits montrent qu’il n’en est rien. Aujourd’hui, plus personne n’est dupe. Plus on monte dans l’échelle sociale, plus on peut s’arranger avec les règles. »
Pour rappel, les premiers bénéficiaires de la transaction pénale élargie, adoptée dans la plus grande opacité, ont été l’entreprise diamantaire Omega-Diamonds, qui n’a dû payer que 160 millions d’euros pour une fraude estimée à 4,5 milliards d’euros, et le milliardaire belgo-kazakh Pathok Chodiev qui a été blanchi dans un vaste dossier de corruption pour 23 petits millions d’euros.
« Il faut mettre fin à cet instrument de justice de classe qu'est la transaction pénale et qui permet aux grands délinquants financiers d’échapper à un procès public. C'est l'objet d'une proposition de loi du PTB à l'examen en commission Justice de la Chambre », poursuit Raoul Hedebouw.
La justice est une tour d’ivoire et forme un monde à part, inaccessible au simple citoyen. En revanche, elle arrive à toujours bien défendre ceux de l’establishment. L’homme ou la femme de la rue sont toujours punis plus sévèrement que les riches : un quinquagénaire ayant pris deux muffins périmés dans la poubelle d’un supermarché en 2010 avait écopé de six mois de prison alors que Stéphane Moreau, qui a volé des millions aux pouvoirs publics, a pu acheter la fin des poursuites pénales à son encontre.
Le PTB espère que les débats pourront aboutir à une majorité sur sa proposition de loi, abolissant la transaction pénale élargie, afin de mettre définitivement fin au mécanisme même, qui revient à payer pour s’acheter l’absence de procès public et de peine de prison.
Lien vers la proposition de loi du PTB : https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/1125/55K1125001.pdf