La situation économique s'améliore… pour les profiteurs (banquiers, diamantaires, Bel20, etc.)
Cocorico du gouvernement Michel. La croissance économique est de retour, proclame le Premier ministre. Le PIB, qui calcule la richesse annuelle produite, a augmenté de 1,7 % en 2017. Bon, c'est moins que dans les pays voisins, mais l'essentiel n'est pas là. La question est surtout : qui profite de cette richesse ? Car les moyennes cachent de bonnes et de moins bonnes nouvelles…
Bonne nouvelle pour les sociétés du Bel20
Le Bel20 est l'indice mesurant l'évolution des vingt principales sociétés cotées à la Bourse de Bruxelles. En 2017, à part Galapagos, toutes ces sociétés ont vu leur bénéfice augmenter par rapport à 2016. Au point que le résultat de ces grands groupes atteint presque le record de 2006, juste avant la crise financière de 2017-2018. En 2006, leur bénéfice total était de 22,7 milliards d'euros alors qu'en 2017, il atteint 22,2 milliards (dont 8 milliards rien que pour AB Inbev, roi de la bière et de la fraude fiscale). Et encore, ce montant ne comprend pas les résultats de Sofina et de Colruyt, qui n'ont pas encore rentré leur bilan. Le record de 2006 risque donc d'être battu. Champagne !
Mauvaise nouvelle pour les salaires
Une étude de l'Institut syndical européen (ETUI) vient de sortir. Elle montre qu'en Belgique, les salaires réels (c'est-à-dire en déduisant l'inflation) ont diminué de 0,6 % en 2017 par rapport à 2016. Et 2016 affichait déjà une baisse par rapport à 2015 (la Belgique était alors le seul pays européen en baisse). L'étude montre que cette baisse n'est pas un phénomène passager : sur une période plus longue, de 2010 à 2017, les salaires réels belges ont baissé de 1,1 %. Pourtant, sur la même période, la productivité a augmenté de 6,6 %.
Bonne nouvelle pour les banquiers
Jan Smets, gouverneur de la Banque nationale, a récemment présenté le rapport annuel de celle-ci à la Chambre. Et il y a une nouvelle dont il s'est dit particulièrement content : la rentabilité des banques s'est redressée. Ce rendement atteint aujourd'hui 10 % en Belgique. Vu que c'est deux fois plus que dans les autres pays de la zone euro, on peut décréter que notre pays est le paradis de la finance. Un banquier qui met 100 euros dans le capital de sa banque touche donc 10 euros de dividendes. Alors qu'un épargnant qui met 100 euros sur le compte d'épargne de cette banque va toucher, au taux actuel de 0,01 %, un intérêt de… 1 eurocent. Mille fois moins !
Mauvaise nouvelle pour les services publics
On constate aujourd'hui à quel point les services publics sont dans un état catastrophique suite à des années d'austérité. Alors que les transports en commun sont essentiels en termes d'environnement et de mobilité, le gouvernement a réduit la dotation de à la SNCB de trois milliards sur la législature. La Justice est dans un état catastrophique, comme l'a rappelé une récente manifestation des acteurs du monde judiciaire, pourtant peu habitués à défiler dans la rue. En revanche, à côté d'une Justice en lambeaux, le ministre Geens créé un tribunal privé de luxe pour les multinationales, la Brussels International Business Court. À l'occasion de l'affaire Veviba (le scandale de la viande), on constate également que le gouvernement a réduit la dotation de l'Afsca, chargée de la sécurité alimentaire, dont les effectifs sont passés de 1.161 équivalents temps plein en 2014 à 1.062 en 2018. Selon un proverbe wavrien, « qui avale l'austérité, bouffe de la viande avariée ».
Bonne nouvelle pour Bernard Arnault (Carrefour)
Le serial-licencieur et serial-fraudeur Bernard Arnault est devenu la 4e fortune mondiale dans le nouveau classement Forbes 2018, alors qu'il n'était qu'à la 11e place en 2017. Il a bâti sa fortune dans l'industrie textile, faisant de ce secteur un désert industriel dans le Nord de la France. Aujourd'hui, comme actionnaire important de Carrefour, Arnault profite des multiples plans de licenciements menés par le groupe en Belgique et ailleurs, dont le plan en cours. Sa bonne fortune doit également à son ingénierie fiscale. Le patron de LVMH a récemment été épinglé dans le scandale Paradise Papers. Avant cela, il avait notamment goûté à la fiscalité belge en profitant – comme le PTB l'avait révélé – des intérêts notionnels, de la création d'une fondation privée et d'une fraude au domicile à Uccle. Pour ce dernier délit, il a échappé à un procès grâce à une transaction pénale.
Mauvaise nouvelle pour la répartition du revenu national
Le rapport de la Banque nationale, qui vient de sortir, fournit une donnée particulièrement intéressante… à condition de la reconstruire à partir des statistiques brutes, car l'exercice n'est pas réalisé comme tel dans le rapport. Et on le comprend… Comment évolue la distribution du gâteau, du revenu national ? L'évolution est claire. Les salaires passent de 51,9 % du PIB en 2013 à 50,7 % en 2017. Cela fait une perte de 1,2 %, soit 5,3 milliards d'euros en moins aux travailleurs salariés. La part des bénéfices des sociétés, elle, passe de 23,9 % du PIB en 2013 à 26,7 % en 2017, d'où une hausse de 2,8 % représentant un gain de 12,5 milliards d'euros. Entre travail et capital, on voit qui gagne et qui perd.
Bonne nouvelle pour les diamantaires
Imaginez que vous vouliez payer moins d'impôts. Vous allez trouver le ministre des Finances Van Overtveldt (N-VA) et vous lui dites : « Dis, Johan, plutôt que de me taxer sur mon salaire, ne pourrait-on pas me taxer sur ma tension artérielle ? » Sachant, bien sûr, que vous souffrez d'hypotension. C'est ce que le lobby du diamant a fait. Il a demandé que les sociétés du secteur ne soient plus taxées sur le bénéfice, comme c'est la règle, mais sur le chiffres d'affaires. Et surtout, de ne plus contrôler les stocks de diamant, dont la réalité comptable est très éloignée de la réalité physique. Ok, a répondu le ministre, qui a ainsi créé une imposition sur mesure : la « taxe carat ». Aujourd'hui, on découvre que depuis l'entrée en vigueur de cette taxe, le chiffre d'affaires du secteur n'a pas varié, mais que les bénéfices ont été multiplié par… douze. Oui, vous avez bien suivi : des bénéfices non taxables.
Mauvaise nouvelle pour la qualité de l'emploi
N'ayant rien d'autre à vendre politiquement, Charles Michel ne cesse de répéter que l'emploi augmente, grâce à sa politique. En réalité, il augmente malgré sa politique. Car sous l'effet de la croissance internationale, l'emploi augmente dans toute la zone euro plus qu'en Belgique. Ce qui tend à montrer que la politique du gouvernement freine l'augmentation de l'emploi. Même le très pro-gouvernemental gouverneur de la Banque nationale admet que la modération salariale belge, en réduisant la consommation, peut avoir eu un effet négatif sur la croissance. Et puis, quelle est la qualité des nouveaux emplois ? Les derniers chiffres de l'ONSS (3e trimestre 2017 comparé au 3e trimestre 2014) sont clairs : à peine un tiers des nouveaux emplois sont à temps plein. Le reste, ce sont des emplois à temps partiel et des intérims. La différence est encore plus flagrante si on regarde la croissance de ces trois types d'emplois : les temps pleins ont augmenté de 1,7 %, les temps partiels de 6,0 % et les emplois intérimaires de… 26,5 %.