« La question catalane ne se résoudra pas au tribunal »
Le 14 octobre, la Cour suprême espagnole a condamné neuf indépendantistes catalans à des peines allant jusqu’à 13 ans de prison. À gauche, les réactions insistent sur la nécessité de mettre fin au traitement judiciaire d’un débat qui doit être politique. D’autant qu’à moins d’un mois des élections, l’exacerbation des tensions autour de l’indépendantisme permet aux partis traditionnels de ne pas parler des sujets sociaux.
Si l’accusation de « rébellion » n’a pas été retenue, les peines infligées pour, notamment, sédition et détournement de fonds publics restent lourdes. À gauche, tant Pablo Iglesias, dirigeant de Podemos, qu’Alberto Garzón, dirigeant de l’alliance de gauche Izquierda Unida, ont souligné que cette condamnation ne règle en rien le problème de fond. Sans surprise, en effet, le jugement de la Cour suprême a rallumé les tensions en Catalogne et notamment à Barcelone, capitale catalane, où la mobilisation de certains indépendantistes catalans, rejoints par des groupes anarchistes et des jeunes apolitiques, a inclus un blocage de l’aéroport et des barricades enflammées dans le centre de la ville. Vendredi 18 octobre a été proclamé jour de « grève générale » en Catalogne. Des manifestations venant de différentes parties de la Catalogne convergent au centre de Barcelone.
Au nom d’Izquierda Unida, Alberto Garzón insiste sur le besoin de dialogue, de négociation et d’un projet qui puisse séduire partout en Espagne. Construire ce dialogue et travailler véritablement à une solution politique sera impossible tant qu’il y a des personnes privées de liberté ou poussées à l’exil juste pour avoir défendu des positions politiques de manière démocratique, souligne Izquierda Unida.
Selon Marc Botenga, député européen du PTB : « Bien que l’indépendance catalane ne serait pas dans l’intérêt des travailleurs, il est clair que la question catalane ne peut se résoudre à coups de décisions juridiques. Elle nécessite un large débat de société sur une série de questions fondamentales qui peuvent stimuler la solidarité entre travailleurs de toute l’Espagne. »
La lourdeur des peines n’aide clairement pas à apaiser le conflit. Elle risque au contraire de profiter aux politiciens des deux côtés qui veulent se profiler au détriment des droits fondamentaux. La question catalane pourrait en effet bien s’imposer comme un thème central de la future campagne électorale espagnole. À moins d’un mois des élections, prévues le 10 novembre, les tensions feront le jeu des partis traditionnels, qui veulent éviter un débat sur les thèmes sociaux comme les pensions.
L’exacerbation des tensions nationalistes permettra tant à la droite qu’aux socialistes d’éviter le débat sur l’austérité, qui peut mobiliser des millions de citoyens de tout le pays. En 2017 déjà, pendant que le débat public tournait autour de l’avenir de la Catalogne, des incendies criminels détruisaient des forêts entières et l’augmentation du chômage passait quasi inaperçu. Une austérité à laquelle une indépendance de la Catalogne ne permettrait nullement d’échapper. Les gouvernements catalans ont d’ailleurs été parmi les plus ardents défenseurs de l’austérité. Mais même un gouvernement catalan plus à gauche ne pourrait pas y changer grand-chose. Une Catalogne indépendante devrait en tout cas se battre non seulement avec l’Espagne, mais aussi avec le bloc économique de l’Union européenne. On demanderait donc plus d’efforts aux travailleurs pour aider et renforcer le patronat catalan.
Tant qu’un pays est soumis aux dogmes du marché, il sera obligé de rentrer dans la folle course de la concurrence et de la compétition. Moins on est nombreux, moins on pèse. Le paradoxe est que plus d’indépendance peut ainsi impliquer moins de pouvoir décisionnel, comme l’affirmait l’économiste Paul de Grauwe.