La gauche du Nouveau Front populaire peut encore barrer la route à l’extrême-droite
Les résultats du 1er tour des élections législatives en France sont tombés : le camp du président Macron est lourdement sanctionné et recule partout, le Rassemblement national (RN) sort gagnant et le Nouveau Front Populaire (NFP) incarne la principale alternative pour y faire face. En s’appuyant sur une large mobilisation, il est encore possible de bloquer l’extrême-droite au second tour le 7 juillet prochain.
Résultats du premier tour des élections en France (30 juin)
Résultats du 1er tour ce 30 juin | Résultats 1er tour en 2022 | |
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Rassemblement national (extrême-droite) | 29,25%* | 18,68% |
Nouveau Front Populaire (gauche) | 27,99% | 25,66% |
Ensemble (Macron) | 20,04% | 25,75% |
LR Les Républicains (droite classique) | 6,57% | 10,42% |
Alliés du RN | 3,90%* |
* Avec ses alliés, le RN fait 33%
Le système à deux tours en France
Contrairement au système d’élection proportionnelle belge, dans lequel les députés obtiennent leur siège proportionnellement au nombre de voix recueillies par chaque liste, les élections législatives en France fonctionnent au scrutin majoritaire.
Un candidat est élu au premier tour s'il recueille plus de 50 % des votes. Si aucun candidat n'atteint ce seuil, un second tour est organisé entre les candidats arrivés en tête ayant obtenu plus de 12,5 % des voix. Est élu à ce second tour le candidat qui recueille le plus de voix.
Peu de candidats arrivent à obtenir d’office plus de 50 % des votes, c’est pourquoi deux tours sont prévus. Tout dépend encore du deuxième tour, de la mobilisation et de la dynamique autour de celui-ci, ainsi que des désistements - c’est-à-dire des candidats qui se retirent et appellent à voter pour un autre pour faire barrage à l’extrême-droite. Le deuxième tour aura lieu ce dimanche 7 juillet.
La macronie défaite
Ces sept dernières années, Emmanuel Macron a mené une politique antisociale et autoritaire, de mépris du peuple, de creusement des inégalités et de cadeaux aux plus riches. Il a augmenté l’âge de départ à la retraite malgré l’opposition d’une grande majorité de la population. Il a supprimé l’impôt sur les grandes fortunes, abandonné les campagnes et réprimé durement le mouvement des gilets jaune (lire plus dans cette analyse). Cette politique a été durement sanctionnée ce 30 juin : avec à peine 20 %, le parti du président s’effondre et va perdre sa majorité relative à l’Assemblée nationale.
Par sa politique autoritaire, ses attaques incessantes contre les syndicats, la gauche radicale et la légitimation du programme de l’extrême-droite, il a hissé le RN comme principal adversaire et l’a mis aujourd’hui aux portes du pouvoir. La dissolution de l’Assemblée nationale et les résultats actuels sont un échec cuisant pour le camp présidentiel qui est totalement défait. Les sept années de politique d’Emmanuel Macron ont créé le terreau de la montée de l’extrême-droite. En 2017 et en 2022, Macron justifiait son élection à la présidence de la France pour « faire barrage à l’extrême-droite ». Il montre aujourd’hui qu’il lui aura servi de marche-pied.
Le RN s’appuie sur le dégoût de Macron et le soutien grandissant d’une partie de l’establishment
Le RN s’est appuyé sur ce dégoût de la politique de Macron ainsi que sur un soutien grandissant d’une partie de l’establishment français pour progresser. Il fait près de 33 % des voix avec ses alliés et termine 1er parti au premier tour. Il est possible qu’il obtienne une majorité absolue le 7 juillet prochain.
Plus il se rapproche du pouvoir, plus le RN abandonne les mesures sociales de son programme comme le retrait de la réforme des retraites de Macron ou la suppression de la TVA sur les biens de première nécessité. Il s’aligne de plus en plus sur la vision économique de Macron, faite de cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises. Il rejette sa vieille ligne souverainiste au profit d’une ligne pro-atlantiste, pro-Otan et pro-européenne compatible avec la grande bourgeoisie française.
En retour, le soutien du grand patronat français au RN grandit. Celui-ci a déjà le soutien clair du milliardaire et puissant propriétaire de médias Vincent Bolloré (CNews, Europe 1, Canal+, JDD). Bardella multiplie les rencontres avec les entreprises du CAC40 (40 plus grandes entreprises cotées en Bourse) et se plie aux exigences du la principale organisation patronale française (MEDEF). Jean-Philippe Tanguy, député et responsable économie du parti, leur a promis la continuité économique avec la politique de Macron : « Nous leur avons dit que le RN maintiendrait sa position sur les déficits et présenterait un plan crédible. Les marchés seront sévères à notre égard, nous n'avons donc pas d'autre choix que d'agir ainsi. »
Sur les coupes dans les dépenses publiques exigées par la Commission européenne, le candidat Premier ministre du RN Jordan Bardella a affirmé vouloir « revenir à la raison budgétaire ». Il a répété avoir conscience de la faible marge de manœuvre budgétaire et multiplié les pistes pour privatiser et couper dans les services publics. À aucun moment il n’est question d’aller l’argent là où il se trouve, en taxant les grandes fortunes ou les multinationales.
Dans les médias français aussi, des appels se font entendre à choisir le RN plutôt que le NFP. Le rédacteur en chef du Figaro, grandequotidien de droite traditionnelle, écrivait dans son éditorial au lendemain du 1er tour : « Le programme du RN est certes inquiétant, mais en face : antisémitisme, islamo-gauchisme, haine de classe, hystérie fiscale (...) le Nouveau Front Populaire est le vecteur d’une idéologie qui consommerait déshonneur et ruine du pays. (..) Le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le détestable et le préférable. » Cela reflète le choix d’une partie du grand patronat et de l’establishment français en faveur de l’extrême-droite, et la campagne contre la gauche.
Derrière son vernis soi-disant social, l’extrême-droite est un danger mortel pour la classe travailleuse avec son agenda pro-patronal, avec ses attaques contre les droits démocratiques et sa politique de division.
Le Nouveau Front Populaire se pose en alternative
Face à cela, le Nouveau Front Populaire a réussi à se poser comme principale alternative à la montée de l'extrême-droite en ce premier tour. Cette alliance électorale des partis de gauche, qui a dû se mettre sur pied en quelques jours, obtient près 28 % des voix. Sur 577 sièges, le NFP a déjà remporté 32 élus au premier tour et s’est qualifié au second tour dans 407 autres circonscriptions.
Avec son programme social et démocratique comprenant la suppression de la réforme Macron et l’abaissement de l’âge de départ à la retraite, la réintroduction d’une taxe sur les grandes fortunes, l’augmentation des salaires, le refus des coupes dans les services publics exigées par l’Europe ainsi que l’opposition à la division et au racisme, il représente une alternative à la fois contre l’extrême-droite du RN et contre la politique de casse sociale de Macron. Ce programme a convaincu une grande partie de la jeunesse et suscité l’espoir face à la montée du Rassemblement national.
Le Nouveau Front Populaire - et La France Insoumise plus spécifiquement - est aujourd’hui encore la cible d’attaques de toute une partie de l’establishment qui le renvoie dos-à-dos avec l’extrême-droite. Des fausses accusations d’antisémitisme ou d’islamo-gauchisme sont utilisées pour le disqualifier - comme on l’a déjà vu dans d’autres pays européens contre la gauche. La droite et le parti de Macron utilisent cela notamment pour refuser de se désister au deuxième tour pour des candidats du Nouveau Front Populaire afin de faire barrage à l’extrême-droite. C’est la position défendue aussi par des représentants de la droite en Belgique comme Georges-Louis Bouchez ou Theo Francken. Tout cela revient de facto aussi à favoriser l’extrême-droite et lui permettre d’espérer obtenir tout de même une majorité.
Rien n’est encore joué pour autant. La mobilisation peut encore permettre d’élire un certain nombre de députés du Nouveau Front Populaire et d’empêcher le RN d’avoir une majorité absolue au second tour. Même si on peut ne pas être d’accord avec certains points de son programme commun, ni avec certaines de ses composantes (comme la présence de l’ancien président François Hollande) qui fragilisent cette alliance, le Nouveau Front Populaire mérite un plein soutien pour offrir une alternative à la politique libérale de Macron et pour empêcher l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. C'est un combat qui concerne toute l’Europe.