La Belgique doit rapatrier tous les Belges coincés à l'étranger
Depuis la crise du coronavirus, de plus en plus de pays prennent des mesures pour fermer leurs frontières. Le 23 mars, on estimait à 30 000 le nombre de Belges bloqués à l'étranger. Les quelques vols de rapatriement qui ont eu lieu depuis n’ont pas permis à tout le monde de rentrer en Belgique. Le 26 mars dernier, il restait encore 17 000 Belges1 cherchant à rejoindre leur foyer. Par la voix du député Nabil Boukili, le PTB critique un manque de volonté de la part des autorités belges pour organiser le rapatriement de ses ressortissants.
Plusieurs groupes Facebook ont été créés par des Belges (ou leurs familles) bloqués à l'étranger. Une plainte récurrente, c'est le manque d'informations et la mauvaise communication de l’État belge. Beaucoup de voyageurs ignoraient notamment qu'ils devaient s'inscrire sur le site travellersonline pour être tenus au courant des derniers vols prévus.
Parmi les Belges coincés à l'étranger, plusieurs centaines, ayant des racines marocaines, étaient en train de visiter leur famille le 14 mars, jour où les autorités marocaines ont décidé de suspendre les vols en provenance de l’Europe afin de protéger le Maroc de la pandémie. Après négociations, 7 vols de rapatriement vers la Belgique ont eu lieu les 18 et 19 mars et des vols commerciaux additionnels ont encore pu être organisés jusqu’au 22 mars. Au total, 1 081 Belges ont ainsi pu rentrer en Belgique2. Mais depuis le 22 mars, l’espace aérien marocain est définitivement fermé et il n’y a donc plus de vols vers la Belgique ou l’Europe. Les frontières terrestres vers les enclaves espagnoles (Ceuta et Melilla) sont également officiellement fermées3.
Manque de volonté de la Belgique pour rapatrier tous ses ressortissants
Les 500 Belges actuellement bloqués au Maroc4 critiquent le manque d'efforts de la part de nos autorités, depuis le 22 mars, pour continuer les rapatriements. Ils ont reçu, pour toute réponse de la part de l’État belge, ce message laconique : « Les frontières sont officiellement fermées. » Mais cette fermeture officielle des frontières ne semble pas incontournable. Car depuis celle-ci, le Canada a réussi à planifier des vols depuis le Maroc jusqu'au 25 mars inclus5. La France a, quant à elle, pu rapatrier 20 000 nationaux en une semaine6. Suite à la pression des autorités françaises, un ferry rempli de camping-cars a même pu partir de Tanger vers la France le 30 mars. Il est ainsi tout à fait compréhensible que les centaines de Belges aujourd’hui coincés au Maroc, qui sont par ailleurs loin d’avoir tous la double nationalité, estiment que la Belgique pourrait faire plus pour eux.
Une différence de traitement pour les Belges ayant la double nationalité
Plusieurs faits montrent que les autorités belges ont traité différemment les Belges ayant la double nationalité. D'abord, il y a les réponses qu'ont reçu ces derniers lorsqu'ils ont sollicité l'aide de l’ambassade belge. Il y a l’exemple de Rachid, à qui on a répondu qu'il était « d'abord Marocain et qu'il devait donc rester ici, au Maroc7 ». Ou d’Ilyas, à qui on a dit : « Monsieur, même si vous êtes Belge sur les papiers, en réalité, ce n’est pas le cas. Et encore moins pour le Maroc. Monsieur, vous savez bien que vous n’êtes pas un vrai Belge8. » Ou encore Mounir, à qui on a rétorqué « qu’il ne peut pas rentrer, car il est Marocain ». « C’est comme si j'étais apatride », explique Mounir9.
Nous pouvons également constater la distinction qui est faite entre les Belges qui ont la double nationalité et ceux qui ne l’ont pas dans un article de BX1, qui a entre autres interviewé le ministre Goffin. BX1 résume la position de la Belgique ainsi : « Pour la Belgique, il n’est pas question d’abandonner ses ressortissants à l’étranger, mais les personnes disposant d’une résidence ou de famille sur place sont considérées comme étant moins dans des situations d’urgence que des touristes ou travailleurs en voyage10. » Officiellement, pas de distinction sur base de la double nationalité, mais dans les faits, la grande majorité des Belges « disposant de famille sur place » sont considérés comme des cas « moins urgents ». Cela explique peut-être pourquoi la Belgique n'a pas remué ciel et terre pour leur rapatriement.
Cette distinction de fait, nous la retrouvons aussi dans la manière dont les gens ont été sélectionnés pour obtenir une place sur les vols de rapatriement. Les gens inscrits sur la liste « travellersonline » ont été contactés par SMS, mais pour avoir droit à une place, il fallait être en possession d'un passeport belge valable. De nouveau, officiellement pas de discrimination envers les Belges ayant à la fois les nationalités belge et marocaine. Et des dizaines de Belges ayant la double nationalité, voyageant avec leur passeport belge, ont pu partir avec ces vols. Mais des centaines de Belgo-Marocains voyagent encore avec leur passeport marocain. Pour des raisons de facilité une fois au Maroc, ou parfois pour éviter les questions épineuses à la frontière marocaine (« Pourquoi des Marocains voyagent avec un passeport belge ? »). L'ambassade belge sait très bien que beaucoup voyagent avec leur passeport marocain. Ils savaient donc que cette condition allait empêcher des centaines de personnes de retrouver leur foyer. Et ils auraient tout à fait pu ne pas mettre cette condition puisqu’un passeport valable est suffisant pour voyager. À la frontière belge, il est facile de vérifier si les voyageurs ont une pièce d'identité délivrée en Belgique.
Le Ministre se cache derrière la double nationalité
Le ministre belge des Affaires étrangères, Philippe Goffin, semble se dédouaner de toute responsabilité dans le JT de la RTBF du 24 mars : « Quand vous avez la double nationalité belgo-marocaine, les autorités marocaines considèrent que les ressortissants marocains pour le moment ne quittent pas le territoire ». Sur RTL, il a été encore plus explicite en affirmant que « l'impossibilité (de revenir en Belgique) relève d’une décision du gouvernement marocain11 ».
Il est clair que la double nationalité peut causer des conflits si les deux pays veulent des choses opposées12. Dans le cas présent, le Maroc a interdit à tout le monde de voyager et fermé ses frontières, alors que la Belgique veut rapatrier ses ressortissants.
Mais dans la pratique, cet argument semble surtout cacher un manque de volonté de la part de la Belgique de faire tout ce qui possible pour rapatrier tous les Belges bloqués à l’étranger. La fermeture des frontières n'a pas empêché les États-Unis, le Canada ou la France de rapatrier leurs ressortissants, y compris ceux à la double nationalité. Et l’État belge a même permis à des Belgo-Marocains de rentrer en Belgique après la première interdiction des vols internationaux. Il semble que la double nationalité n'a pas été un frein à ce moment-là.
Par la voix de son député Nabil Boukili, le PTB demande donc à la Belgique de faire les efforts nécessaires pour rapatrier tous les Belges, comme continuent à faire la France et d'autres pays. Et ceci indépendamment du fait qu’ils aient la nationalité double ou non.
2. https://diplomatie.belgium.be/fr/Services/voyager_a_letranger/conseils_par_destination/maroc
4. https://twitter.com/CanEmbMorocco/status/1243229008361373699?s=20 et https://www.rtbf.be/info/monde/detail_coronavirus-ecolo-et-ps-demandent-le-rapatriement-des-belges-coinces-a-l-etranger-dont-les-binationaux-au-maroc?id=10469174
8. https://bx1.be/dossiers-redaction/rentrer-du-maroc-un-parcours-impossible-pour-les-binationaux/
9. https://bx1.be/dossiers-redaction/rentrer-du-maroc-un-parcours-impossible-pour-les-binationaux/