La Belgique doit et peut encore bloquer les règles budgétaires européennes
27 milliards de coupes budgétaires. C'est ce qui attend la Belgique si les nouvelles règles budgétaires européennes sont approuvées. Une bombe atomique sur notre budget, selon les experts. Et ils ont raison.
Par Peter Mertens, secrétaire général du PTB, et Marc Botenga, député européen PTB.
Les nouvelles règles seront en fait plus strictes qu'auparavant. Outre la réduction de la dette publique à 60 % et du déficit budgétaire à 3 % du produit intérieur brut, les nouvelles règles imposent également à la Belgique une trajectoire vers un déficit structurel de 1,5 %. Les sanctions en cas de non respect seront lourdes. Le plafonnement des dépenses, sur lequel insiste l’accord, compromettra aussi la possibilité de relever efficacement les nouveaux défis sociaux tels que le vieillissement de la population.
Les réformes proposées vont du relèvement de l'âge de la pension à la suppression de l'indexation automatique des salaires. Les investissements indispensables pour les services publics, des hôpitaux aux piscines communales, seront impossibles. Le fait que les investissements encadrés par les priorités de la Commission européenne puissent bénéficier d'une plus grande flexibilité n'y change rien. Il s'agit en grande partie de mesures de soutien aux grandes entreprises, dans l'espoir de décrocher des investissements. Quant à l’augmentation massive des dépenses militaires, elle va aggraver la situation. Pour la collectivité, le retour sur investissement des fonds publics s’effondre.
Tout cela favorise une récession. L'application des règles d'austérité avait déjà asphyxié les économies portugaise et grecque. La politique du « Schwarze Null » a également eu des conséquences désastreuses dans ce pays phare que serait l'Allemagne. Des soins de santé aux chemins de fer, les infrastructures allemandes sont exsangues. À force de couper, on finit par être à l’os.
Le metteur en scène de ce drame européen n’est autre que le gouvernement belge. En tant que présidente du Conseil, la Vivaldi a organisé et coordonné les négociations. À grands renforts de réunions de nuit pour parvenir à un accord rapidement. Pour vite faire approuver un carcan européen qui sera imposé aux futurs gouvernements avant les élections. Une démarche clairement antidémocratique. L’enthousiasme du gouvernement belge étonne. Non seulement la Belgique fait partie des pays qui seront les plus durement touchés, mais les socialistes et les verts, quatre des sept partis du gouvernement, prétendent s’opposer à ces nouvelles règles. En réalité, en coulisses, il ne semble pas y avoir eu tant de résistance que cela. C’est le genre de schizophrénie politique qui écœure les gens.
Pourtant, des alternatives existent. Prenons d’abord les rentrées. Où en est la taxe européenne sur les transactions financières que la Commission européenne avait promise une nouvelle fois en 2019 ? Et qu'en est-il de l'imposition équitable des grandes multinationales du numérique comme Google ou Amazon ? Est-on vraiment condamnés à continuer à regarder les grandes entreprises européennes distribuer leurs surprofits aux actionnaires, au lieu d’investir cet argent dans des investissements publics ? Une taxe des millionnaires pourrait générer d'importantes recettes, tant en Belgique qu’au niveau européen.
La justice fiscale n'est qu'un des éléments de l’alternative. Les obligations européennes communes du plan de relance européen NextGeneration montrent encore une autre voie. Au lieu de lier ce plan de relance à des réformes antisociales, ces prêts européens communs pourraient servir à réaliser des investissements publics massifs. Ça rapporte. Une spirale vers le haut. En rompant avec la politique autodestructrice de la Banque centrale européenne, qui consiste à asphyxier l'économie européenne par des hausses systématiques des taux d'intérêt, les conditions deviendraient plus intéressantes.
Il faut prendre une direction complètement autre. S’éloigner de l’Europe néolibérale. Cet accord budgétaire doit et peut encore être stoppé. Le 21 février, il devait normalement passer par le Comité des représentants permanents. Un sommet informel des ministres européens des Finances se tient du 22 au 24 février. Le volet correctif de l'accord, la partie incluant les sanctions, devra être approuvé à l'unanimité. Si ce n’est pas le cas, c'est l'ensemble de l'accord chancelle. La Belgique dispose donc d'un droit de veto et peut encore bloquer l'accord. Georges-Louis Bouchez, président du MR, a manifestement bien pu saboter à lui seul la réforme fiscale fédérale belge. Aujourd’hui, c'est toute la politique sociale européenne des prochaines années qui est en jeu. Il est temps que les partis progressistes du gouvernement se réveillent et pèsent enfin dans la balance.