Jan Brasser : un métallo dans la résistance
Les nazis l’ont traqué avec acharnement, mais sans succès. Jan Brasser (1908-1991) était actif dans la résistance armée aux Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale. Aux côtés d’autres résistants, il a participé à de nombreuses actions qui sont entrées dans l’histoire. Avant la guerre, Brasser était ouvrier sidérurgiste chez Hoogovens, une aciérie néerlandaise.
Article écrit par Roel Berghuis et publié dans le magazine Solidaire.
Jan Brasser naît à Uitgeest (Hollande-du-Nord) le 2 mars 1908. À environ 14 ans, il quitte l’école et commence à travailler dans la culture de bulbes à fleur de son père. Là, il passe son temps à arracher, éplucher, désherber, tailler... et bêcher. « Il fallait avoir les reins solides », déclare-t-il à l’écrivain Otto Kraan en 1982. Mais Jan est fort. Plus tard, il travaille dans l’installation de canalisations dans le sol. Cela lui rapporte environ 28 florins par semaine, contre 20 florins dans l’entreprise paternelle. Jan travaille ensuite dans une usine de béton, où il fabrique des fosses septiques. Il se retrouve parfois au chômage.
Roel Berghuis est un ancien dirigeant de la Confédération syndicale des Pays-Bas (FNV).
Il travaille comme fondeur à Hoogovens entre 1975 et 1992. De 1992 à 2022, il est dirigeant de la FNV au sein des Chemins de fer néerlandais et de Tata Steel Netherlands.
Mais Brasser a horreur de se tourner les pouces. Il se lance alors dans le placement de voies de chemin de fer : ils fixe les rails aux traverses à l’aide d’un grand marteau et de clous. Cette activité lui plaît. Ensuite, avec d’autres terrassiers, il construit la nationale qui relie Limmen à Amsterdam. Jan prend de plus en plus la défense de ses col- lègues et se rebelle contre les « petits jeux » des patrons.
Agir pour une vie meilleure
Alors que le jeune Jan travaille pour les chemins de fer, il fait la connaissance d’un syndicaliste. Il devient membre du Parti communiste des Pays-Bas (CPN) et organise des actions contre le chômage, la réduction des allocations et le travail obligatoire.
Le krach boursier de 1929 a des conséquences catastrophiques dans le monde entier et est considéré comme la cause directe de la crise des années 1930. Cette situation a également des répercussions aux Pays-Bas. Au cours de cette période, Jan Brasser se retrouve au chômage pendant quatre ans. Il rejoint le comité national des chômeurs et organise des actions pour améliorer les conditions de vie.
Entre 1935 et 1937, Jan siège au conseil communal d’Uitgeest pour le CPN. En temps de crise, l’atmosphère est tendue. « Un million deux cent mille florins pour la reine, pendant que les chômeurs se font piétiner », scandent-ils lors de manifestations.
Un résistant à vélo
En 1933, les premiers réfugiés allemands affluent. Ils cherchent à fuir le régime nazi. Jan Brasser passe beaucoup de temps avec les opposants d’Hitler. Il existe un droit d’asile modéré aux Pays- Bas, et des collectes sont organisées pour les réfugiés. Lorsque le droit d’asile est aboli, ces collectes se poursuivent dans le secret.
De nombreux réfugiés allemands, ainsi que des Néerlandais, se rendent en Espagne avec les Brigades internationales pour lutter contre le fascisme et le dictateur Franco. Jan en fait la publicité.
La Nuit de Cristal du 9 novembre 1938 marque le début des mas- sacres et des pillages. L’ Allemagne lance la première grande offensive contre les Juifs. Elle est d’une violence inouïe. De plus en plus de voix appellent à la résistance. Jan Brasser est au premier rang.
En 1939, Jan travaille dans l’usine sidérurgique Martin comme fondeur de Hoogovens : il presse, polit et nettoie les portes du four. Le bord érodé du four, où le laitier (un important coproduit des hauts fourneaux) rencontre l’acier liquide contre la paroi du four, doit être ragréé. Cela se fait à l’aide de grandes pelles pleines de dolomie qu’il faut jeter contre le bord. Brasser effectue ce travail pendant quatre ans.
À Hoogovens, il s’engage dans la résistance. Il distribue des journaux et des pamphlets interdits, et collecte de l’argent pour le fonds de solidarité. Brasser joue également un rôle important dans l’organisation de la grève de février 1941 à l’aciérie. Il distribue un pamphlet ayant pour message : « FAITES GRÈVE !! FAITES GRÈVE !! FAITES GRÈVE !! »
Brasser fait partie d’un groupe local de sabotage du CPN. Le groupe commet des actes de sabotage industriel dans l’aciérie et met le feu aux stocks de l’armée allemande dans les gares de triage de Velsen et Beverwijk. Jan est chargé de diriger le Conseil de la Résistance de Hollande-Septentrionale. Il cambriole la maison communale de Wormerveer pour éviter que l’on découvre que de nombreux documents d’identité ont été volés. Brasser ordonne également aux résistants Hannie Schaft et Jan Bonekamp d’abattre le policier Willem Ragut, de Zaan. Celui-ci a trahi de nombreux Néerlandais. Brasser effectue tout son travail de résistant à vélo.
Réhabilitation
Après la guerre, la direction de Hoogovens ne veut plus avoir affaire à Brasser. Jan le vit très mal. Dans les Pays-Bas de la guerre froide, les communistes convaincus sont considérés avec méfiance, même s’ils ont été personnellement décorés par la reine Wilhelmina pour leur travail de résistants. Après la guerre, Jan Brasser est membre du conseil municipal de Krommenie pour le CPN pendant 27 ans.
En 2020, Jan Berghuis, ancien ouvrier de Hoogovens, reçoit les archives qu’Otto Kraan, auteur du livre « Witte Ko » (en référence au surnom de Jan Brasser) et chef du personnel de Hoogovens pendant des années, conservait sur Jan Brasser et sur les tentatives répétées, mais infructueuses, des différentes directions visant à le réhabiliter.
En tant que membre du comité d’entreprise de Hoogovens dans les années 1970 et 1980, Jan Berghuis a pris part à ces tentatives de réhabilitation.
Ce n’est qu’en 2021, 30 ans après sa mort, que Jan Brasser sera réhabilité par Hiigovens. Un square sera nommé en son honneur, et le héros de la résistance se verra attribuer une plaque sur le monument de Hoogovens dédié aux soldats tombés au combat à Velsen-Noord (Ijmuiden). C’est ainsi que Jan Brasser fait son retour à Hoogovens.