Inondations : les recommandations de la majorité protègent la politique d’austérité menée ces trente dernières années par les partis traditionnels
La veille de la séance de commission censée aboutir aux conclusions de 7 mois de commission d’enquête sur les inondations, le PS, le MR, Ecolo et les Engagés ont présenté un document de 161 recommandations.
« En fait, ils ont court-circuité le débat démocratique en présentant des recommandations décidées juste entre eux en toute opacité », explique le député PTB Julien Liradelfo, actif au sein de la commission d’enquête Inondations du Parlement wallon. Le PTB explique avoir reçu ce texte seulement vingt heures avant la tenue de la réunion de ce jeudi matin qui devait être consacrée à la mise en commun des recommandations de chaque parti.
« Les quatre partis qui se partagent le pouvoir depuis trente ans en Wallonie se sont mis d’accord pour mettre en place des recommandations qui ont clairement pour but de les laver de toute responsabilité dans la crise du mois de juillet, estime le député de gauche. En effet, au fur et à mesure des auditions, nous avons appris à quel point le choix systématique de ces partis pour l’austérité plutôt que la sécurité de la population a coûté des vies en affaiblissant les services qui sont là pour protéger les citoyens. »
Le député fait par exemple référence à la règle de non-remplacement de quatre départs sur cinq qui était en cours quand Paul Magnette présidait la Région wallonne. « Une telle politique a évidemment des conséquences… Nous avons par exemple pu découvrir que certains travailleurs étaient de garde sur les barrages alors qu’ils étaient en même temps en congé. Manque de personnel veut aussi dire problèmes de maintenance. Nous avons ainsi appris pendant les auditions que le barrage d’Eupen avait connu au moins cinq pannes durant la crise. »
Pour le parti de gauche, la priorité devrait être d'investir en personnel et en moyens dans les infrastructures et les services qui protègent les citoyens. Il constate pourtant que, sur 161 recommandations, les mots « financement », « investissement » ou encore « emploi » n’apparaissent pas une seule fois. « Leur choix de l’austérité nous a conduits à la catastrophe, mais le PS, le MR, Ecolo et les Engagés continuent dans cette voie, poursuit Julien Liradelfo. Après sept mois de commission, c’est à se demander à quoi ont servi toutes ces auditions qui nous ont alertés jour après jour sur le manque de moyens et de travailleurs. Des recommandations sans moyens supplémentaires, c’est du vent. »
D’après le député PTB, l’autre absent de ces recommandations, ce sont les sinistrés. « On nous a systématiquement refusé l’audition de sinistrés et on voit le résultat. Sentiment d’abandon, problème avec les assurances, faiblesse des moyens des forces de secours, absence d’un plan de secours en cas de rupture d’un barrage... leur point de vue n’est jamais pris en compte, observe le député de gauche. Pour nous, il est impératif de prévoir l’obligation d’inviter les victimes dans toute prochaine commission d’enquête portant sur des catastrophes. »
« Le professeur Jacques Teller, qui a été chargé de collecter des témoignages de sinistrés, est pourtant venu deux fois témoigner du très fort sentiment d’abandon qui anime les sinistrés, remarque le député. Il n’y a pourtant pas un mot là-dessus. Comment ne pas dire un seul mot sur les assurances et le plafonnement de leur intervention ? Comment ne rien dire sur les énormes difficultés rencontrées par les sinistrés avec ces assurances ? Elles ont poussé à bout les sinistrés en négociant jusqu’à les mener au burn-out. Et le ministre-président a laissé faire en passant avec le secteur un accord largement bénéficiaire pour les assurances, mais sans obligation de résultat auprès des sinistrés. En fait, ces recommandations continuent à traduire l’abandon des sinistrés. »
« Au cours d’une crise, il est essentiel d’établir une ligne de commandement claire, note aussi le député PTB. En Belgique, lorsque l’eau est dans le ciel, ça regarde le fédéral et quand elle est dans la rivière, ça regarde la Région. C’est ridicule et dangereux. L'absurdité de cette situation a conduit à ce que la Région ne soit même pas capable de comprendre l’information quand le fédéral lui a annoncé des inondations. Les recommandations parlent de coopération, ce qui est bien le minimum, mais une supériorité hiérarchique de l’IRM sur le service hydrologique wallon doit être établie pour que l’IRM puisse exiger une réaction d’urgence en cas d’alerte. Alors que cela a été un vrai problème au cours de la gestion de la crise, ce problème n’est pas posé par la majorité et par les Engagés. »
Dans cette logique, le député Julien Liradelfo s’étonne de la place que ces recommandations donnent au Centre régional de crise (CRC). Tout au long des auditions, le CRC a essuyé des critiques de toutes parts. « Et pourtant, les recommandations du PS, du MR, d’Ecolo et des Engagés ne font que lui donner plus de responsabilités. C’est tout bonnement incroyable. Le Centre régional de crise (CRC) a été au cœur de toutes les critiques, le manque de clarté dans la direction des opérations a été établi, et on nous propose de ne rien changer. Le CRC doit être dissout pour établir clairement que la Région ne s'immisce pas dans la direction de crise, mais se met bien au service des directions de gestion de crise via son secrétariat général pour aider à la coordination. Il est important d’établir une ligne de commandement claire et unique, hiérarchiquement dirigée par la commune, la province ou le fédéral selon l’intensité de la crise. »
Et de conclure : « L’intensité des catastrophes naturelles ne peut que grandir avec le changement climatique. Ces changements imposent des investissements que les partis traditionnels ne peuvent plus refuser. Avec ces recommandations, si un déluge comme celui de juillet devait se reproduire, nous vivrions probablement la même catastrophe. »