Il faut décontaminer les cabinets ministériels : le PTB veut mettre fin aux conflits d’intérêt
Une membre du cabinet de la ministre de la Santé Maggie De Block qui arrange un accord avantageux pour une multinationale… puis part travailler pour elle. Voilà le dernier exemple en date de la longue série de conflits d’intérêts qui touchent le gouvernement. Le PTB veut mettre fin à ces liaisons incestueuses entre Big Business et gouvernement fédéral.
Un hold-up bien huilé
Ces derniers jours, la presse néerlandophone a dévoilé un réel hold-up de Big Pharma sur les patients et la sécurité sociale. Certaines entreprises facturent des médicaments à un prix jusqu’à 300 fois plus élevé que le coût de production.
Ce qui a surtout fait dérailler le budget des médicaments ces dernières années, ce sont les très chers nouveaux médicaments contre le cancer et les maladies rares. Les prix pour ces médicaments innovants sont négociés en secret par le cabinet de Maggie De Block, directement avec les firmes pharmaceutiques. Et c’est là qu’on comprend mieux comment ce hold-up a été rendu possible. Les firmes pharmaceutiques ont en effet mis en place une ingénieuse machine de lobbying avec des tentacules qui arrivent jusqu’au sein du cabinet de la ministre.
On a ainsi appris comment Ellen Vanhaeren, après avoir travaillé au cabinet de la ministre De Block, est devenue directrice chez la multinationale américaine Celgene. Une entreprise avec laquelle elle a arrangé un deal en or à l’époque où elle travaillait encore au cabinet. Pure coïncidence, bien sûr…
Maggie de Block n’en est pas à son coup d’essai. Dans son cabinet, on trouve un certain Bart Vermeulen. C’est son chef de cabinet adjoint et, surtout, le responsable de la politique des médicaments de la ministre De Block. Or Bart Vermeulen avait avant cela été économiste en chef chez pharma.be, le lobby des entreprises pharmaceutiques en Belgique. Et, avant de rejoindre le cabinet de De Block, il a été engagé chez UCB, une grande firme pharmaceutique belge qui appartient à trois riches familles belges (Janssen-Solvay-Boël).
Épidémie de « lobbyite »
Cet exemple est une parfaite illustration du phénomène des « portes tournantes », un phénomène de corruption politique bien connu : des personnes qui passent successivement du monde politique au monde des affaires. Et, dans le cabinet de la ministre De Block, les portes tournent clairement dans les deux sens. Cette collusion entre le secteur public et le secteur privé pose évidemment problème en matière de conflits d'intérêts.
Plusieurs anciens Premiers ministres belges ont suivi cette voie douteuse. Le cas d’Ellen Vanhaeren, qui passe directement du cabinet de la ministre de la santé à une multinationale pharmaceutique, nous montre que ce phénomène concerne également les collaborateurs ministériels. Et ce n’est pas un cas isolé : il y avait déjà eu Jean-François LeRouge, ex-cadre d'Electrabel- Engie, qui a été au cabinet Marghem, ministre de l’Énergie. Ou Simon Put du cabinet du ministre de la Défense Vandeput, parti chez Lockheed Martins après l'achat des F-35 par l'Etat belge pour le contrat du siècle... chez Lockheed Martins. Et la liste est très longue (voir ci-dessous) : rarement un gouvernement n'a été aussi ouvertement au service des multinationales.
Le PTB veut décontaminer les cabinets
Pour combattre ce phénomène des portes tournantes, le PTB avait déjà introduit, l’an dernier, une proposition de loi qui instaure une « période de viduité ». Après la cessation de son mandat électif de député, sénateur, secrétaire d’État ou ministre, une personne devrait au moins attendre cinq ans avant d’occuper une fonction dans une entreprise cotée en bourse, une multinationale ou une banque.
Mais dans cette proposition de loi, la période de viduité concernait uniquement les ministres et les parlementaires. C’est pourquoi, le PTB introduit une nouvelle proposition de loi à la Chambre. Pour mettre fin aux liaisons dangereuses entre Big Business et gouvernement, cette proposition vise à instaurer une période de viduité de cinq ans pour les collaborateurs des cabinets ministériels, une fois qu’ils quittent leur fonction, avant de pouvoir occuper un poste dans une entreprise ou une association qui a un lien avec son travail au sein du cabinet. Ils ou elles ne pourraient pas non plus agir en qualité de consultant ou d'avocat pour une entreprise ou une association avec laquelle un tel lien peut être démontré.
Il est temps de décontaminer les cabinets ministériels. Les politiques doivent servir les intérêts de la population, pas ceux d’une poignée d’actionnaires qui peut placer son personnel politique dans les institutions pour recevoir des traitements de faveurs.
Le gouverment FEB-VOKA : étude de cas
Il règne une culture de ghetto doré dans la Rue de la Loi. Une culture de l’entre-soi avec des portes tournantes qui mènent directement du monde politique au monde des affaires, et vice-versa. C’est le conflit d’intérêt érigé en système. Cela touche d’anciens ministres ou députés, mais aussi des collaborateurs des cabinets. Et le gouvernement Michel-De Wever a connu de nombreux cas emblématiques. Au point de pouvoir être baptisé gouvernement FEB-VOKA, tant ce sont clairement les lobbies patronaux qui tirent les ficelles.
D’après des données rassemblées par le service d’études du PTB et le professeur Geoffrey Geuens, professeur à l'Uliège.
Big Pharma chez Maggie de Block.
Après avoir arrangé – au nom de la ministre De Block – un deal en or pour la multinationale Celgene, Ellen Vanhaeren quitte le cabinet de De Block pour rejoindre la même multinationale comme directrice.
Dans son cabinet, on trouve un certain Bart Vermeulen. C’est son chef de cabinet adjoint et, surtout, le responsable de la politique des médicaments de la ministre De Block. Or Bart Vermeulen avait avant cela été économiste en chef chez pharma.be, le lobby des entreprises pharmaceutiques en Belgique. Et avant de rejoindre le cabinet de De Block, il a été engagé chez UCB, une grande firme pharmaceutique belge qui appartient à trois riches familles belges (Janssen-Solvay-Boël).
Son ancienne directrice adjointe du cabinet, de 2014 à 2017, était Bernadette Adnet. Actuelle directrice adjointe du cabinet du Ministre-Président Willy Borsus, elle a passé quasi toute sa carrière comme première conseillère à la FEB (de 1987 à 2014).
« F-35 gate » : Lockheed Martin bombardé au sein du cabinet Vandeput
Il fallait absolument acheter de nouveaux avions de chasse. Coûte que coûte. Le gouvernement l’a défendu depuis le début. Et pas n’importe quels avions : les F-35 de la multinationale étasunienne Lockheed Martin, au prix hallucinant de plusieurs milliards. Et, pour garantir cet achat certains n’ont pas hésité à dissimuler soigneusement un rapport montrant que nos F-16 actuels étaient encore opérationnels pendant plusieurs années. De hauts dirigeants de l'armée, le gouvernement et particulièrement le cabinet du N-VA Steven Vandeput semblaient ainsi acquis aux intérêts de la multinationale américaine Lockheed Martin.
Simon Put est un exemple des liens malsains entre le complexe militaro-industriel américain et le monde politique belge. L'ancien chef de cabinet adjoint du ministre de la Défense de l’époque, Steven Vandeput, avait été licencié après des contacts avec Lockheed Martin. Simon Put avait suivi l'« International Visitor Leadership Program » au ministère américain des Affaires étrangères. Un programme qui a pour but de promouvoir les objectifs de la politique extérieure des États-Unis. Depuis son départ du cabinet, Put travaille directement pour Lockheed Martin. Comment interpréter le fait qu'un ancien haut responsable du cabinet du ministre de la Défense ait rejoint l'entreprise qui figurait en tête de la liste des fournisseurs du nouvel avion de chasse ?
Electrabel, le vrai ministère de l’Énergie belge
Electrabel est bien représenté dans le cabinet de la ministre de l’Énergie et de l’Environnement, Marie-Christine Marghem (MR). Jean-François Lerouge, qui, pendant un moment, était le responsable en matière d’énergie du cabinet Marghem, est aussi un ancien cadre d’Electrabel. L’actuel conseiller énergie de la ministre, c’est Martial Pardoen, ancien manager d’Engie-Electrabel. Comment croire que cela n’a eu aucune influence sur la politique du gouvernement, et notamment sa volonté de prolonger les centrales nucléaires et de toujours refuser de faire payer l’entreprise, pour la transition écologique ou pour diminuer les factures des ménages, par exemple ?
Cabinet Van Overtveldt (N-VA) : d’abord on écrit les règles, puis facturer les tuyaux aux entreprises ?
Mathieu Isenbaert, chef de cabinet du ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) d'octobre 2014 à avril 2015, a ensuite décidé de fonder son propre cabinet d’avocats, Sintax. Sa spécialité ? Le droit fiscal, et tout particulièrement la défense des multinationales pour qu’elles paient le moins d’impôts possible. Sintax a ainsi défendu des entreprises qui estimaient avoir été lésées quand la Commission européenne avait condamné les Excess Profit Ruling qu’elles avaient obtenus. Ces accords fiscaux super avantageux pour les multinationales passés avec l’État belge, allaient trop loin, même pour l’ultralibérale Commission européenne. C’est dire.
Bref, il s’agit ici d’écrire les règles du jeu et d’ensuite proposer aux gros joueurs de les aider à mieux les faire jouer en leur faveur.
Didier Reynders, l’éternel ami des riches
Alexia Bertrand, fille du milliardaire Luc Bertrand, est administratrice d’Ackermans & van Haaren (AvH), un des plus importantes holdings d’investissement industriel de Belgique. Mais elle est aussi… cheffe de cabinet du vice-Premier ministre Didier Reynders (MR).
Une position qui a ses avantages. Ainsi, lorsque le gouvernement conclut un accord avec les Seychelles, un paradis fiscal notoire, l’une des bénéficiaires du marché n’est autre qu’une filiale de l’entreprise de dragage DEME, opérant à partir des Seychelles. Or DEME est à 100 % la propriété du holding Ackermans & van Haaren (AvH).
D’autre part, est-il normal qu’en 2013, Alexia Bertrand ait négocié, entre autres, la réforme des banques, alors qu’AvH est actif dans le « private banking » comme la Banque van Breda ?
Jacqueline Galant et le cabinet Clifford Chance
L’ancienne ministre de la Mobilité, la MR Jacqueline Galant, avait elle aussi été au centre d’une affaire polémique. Elle avait fait rédiger un projet de loi par le cabinet d'avocats Clifford Chance, pour un montant astronomique malgré un travail bâclé. Pourtant, il était clair que avec de son expertise, le SPF Mobilité aurait réalisé un bien meilleur travail, et sans surcoût. Plus tard, il apparaissait que le cabinet d'avocats Clifford Chance avait déjà collaboré avec la cheffe de cabinet de Galant, Dominique Offergeld.