GSK : « Une boîte qui fait 500 millions de bénéfices et ne paie pas d’impôts ne doit pas licencier »
GSK, leader mondial de la pharmaceutique, veut licencier près de 1000 travailleurs en Belgique. Avec ses 500 millions de profits l’an dernier et ses 0 % d’impôts, la multinationale n’est pourtant loin d’être en difficulté.
La multinationale a annoncé mercredi dernier vouloir supprimer 935 emplois (720 CDI, principalement des cadres et employés et 215 CDD, principalement des ouvriers) sur ses sites belges. La procédure Renault de licenciements collectifs a été enclenchée. C’est un choc et un drame pour l’emploi en Wallonie, dans cette entreprise de 9 350 travailleurs, plus grand employeur privée de la région. En effet, c’est près de 2 millions de vaccins produits chaque jour et des centaines de projets de recherche qui occupent les 7 100 employés (dont 3 600 cadres) et 2 250 ouvriers des sites belges. Une situation unique (plus d’employés et de cadres que d’ouvriers) qui s’explique par le rôle des sites belges. Au-delà d’une production à grande échelle, les sites belges sont orientés recherche et développement. Ce qui nécessite beaucoup de cadres.
GSK, le géant du Big Pharma qui ne payait pas d’impôts
GSK est un géant mondial dans le domaine du Big Pharma (leader mondial du vaccin et 6ème entreprise mondiale dans le domaine de la pharmaceutique). D’après leurs propres chiffres, 40 % des enfants dans le monde sont vaccinés chaque année avec au moins 1 vaccin GSK. L’entreprise est assise sur 100 milliards de capitalisation boursière, et fait 4,6 milliards de profits sur base annuelle.
Des 4,6 milliards à l’échelle du groupe, 516 millions d’euros sont réalisés en Belgique. Sur quoi GSK a payé 555 000 euros d’impôts en 2018, soit 0,1 %. La raison principale pour ce taux d’imposition ridiculement bas? D’abord les intérêts notionnels évidement, mais également une loi taillée sur mesure pour le secteur : la « déduction pour revenus de brevets ». Grâce à cette niche fiscale, 80 % des revenus issus des brevets sont exonérés d'impôts. Détail révoltant : c’est GSK elle-même qui a tenu la plume lors de la rédaction du projet de loi introduisant la niche fiscale en 2007 via son bureau d’avocats Linklaters (qui a rédigé le projet de loi). Sur les 10 dernières années, GSK a ainsi profité de 4,2 milliards de déductions fiscales fédérales.
GSK profite aussi des largesses fiscales offertes de la Région wallonne grâce au Plan Marshall (plan élaboré par les 4 partis traditionnels, actuellement dans sa phase 4.0). Depuis 2003, GSK a ainsi bénéficié au minimum de 85 millions d’aides publiques wallonnes. L’entreprise a une place de choix dans l’architecture économique régionale puisqu’elle est impliquée dans 2 des 6 pôles de compétitivité du Plan Marshall. Ces pôles fournissent des aides publiques directes et indirectes aux entreprises partenaires (aides à l’emploi, aide à la recherche et l’innovation, etc.). Par contre, les fruits de ces recherches sont brevetés et précieusement gardés par ces mêmes firmes, dont GSK. Mais ça ne s’arrête pas là. Le pôle de compétitivité BioWin, qui coordonne le plan Marshall pour le secteur de la santé a comme président un certain Philippe Denoël, chef de département R&D chez GSK. Avec la présidence du pôle qui concerne son secteur d’activité, GSK a une part importante dans les décisions et la répartition des subsides. Ce pôle répartit à lui seul plus de 100 millions d’euros d’argent public chaque année.
Des licenciements qui en amènent d’autres ? Le plan de la direction pour les années à venir
Le plan de la direction est de couper GSK en 2 entreprises différentes qui se spécialisent (une pour les produits généraux, tel les dentifrices ; l’autre pour les vaccins et médicaments). La direction a promis en contrepartie des 935 licenciements d’investir 500 millions « presque immédiatement » en Belgique, notamment dans la liophilisation des vaccins. Or cette promesse était déjà sur la table des négociations entre travailleurs et patron, et traîne depuis des mois. GSK se contente de faire à nouveau la même promesse pour calmer la colère et faire passer la pilule. Mais cette promesse n’engage que ceux qui y croient. Il faudra construire de nouveaux bâtiments pour abriter et faire fonctionner les liophilisateurs. Jusqu’à ce jour, rien n’a été entamé, pas même des discussions sérieuses sur des plans de construction du nouveau site.
Il est donc possible que cette phase de licenciement ne soit qu'une première. Pour expliquer le changement d’orientation de l’entreprise, la direction déclare « GSK devra passer ensuite à une phase de robotisation ». C'est donc d’autant plus important de réagir maintenant pour montrer que les travailleurs ne se laissent pas faire et réagir dans l'unité car si ce sont les cadres aujourd'hui, ce sont peut-être les ouvriers demain qui seront concernés. Pascal Norre, délégué syndical CNE: « Ici, ils s’attaquent aux cadres d’abord car ils n’ont pas de protection syndicale spécifique et sont donc plus faibles (…) rien ne dit qu’il n’y en aura pas une deuxième [attaque] ensuite qui concernera les ouvriers. » GSK a d’ailleurs déjà commencé à attaquer les conditions de travail des ouvriers de production. La proportion d’emplois CDD et intérimaires ne cesse d’augmenter dans ce secteur.
« Ce banditisme social doit cesser »
Raoul Hedebouw, porte-parole national du PTB et député fédéral jeudi à la Chambre : « Le groupe GSK remercie les travailleurs qui ont tout donné pour cette boîte et pour faire avancer la recherche en les jetant comme des vulgaires kleenex alors même que tout va bien. C’est une honte. Ils ne peuvent pas licencier ». C’est notamment pour ça que le PTB a déposé un projet de loi il y a quelques années (la « loi InBev ») pour interdire aux entreprises qui font des bénéfices de licencier. « Nous allons réintroduire le projet de loi. Ce banditisme social doit cesser », prévient le porte-parole du PTB.
Les travailleurs et les syndicats sont maintenant pris dans la procédure de loi Renault, pendant au moins une année. Les organisations syndicales ont déjà communiqué leur volonté de se battre pour l’emploi. Les derniers exemples en date démontrent que même dans la procédure de négociations, les travailleurs et leurs organisations peuvent par des actions faire reculer la direction, même partiellement.
Les travailleurs ont les moyens et la volonté de se faire entendre. Ils étaient présents en masse aux assemblées organisées par les syndicats, et beaucoup de choses en sont ressorties. A commencer par la colère légitime de travailleurs qui se sentent floués, l’incompréhension face à une direction qui vient d’annoncer la même semaine des résultats annuels records (et des profits records). Le PTB soutient les syndicats dans leur volonté et leurs initiatives pour lutter contre les licenciements chez GSK. Comme le disait Pascal Strube, permanent du SETCA chimie au micro de la RTBF : « L’entreprise n’est pas en difficulté. Elle fait de plantureux bénéfices et paie là dessus presque pas d’impôts. Notre but est clair : il ne faut pas de licenciement. »