Fermer des hôpitaux la nuit : des économies sur le dos des patients et du personnel
La fuite du projet de fermeture nocturne de certains hôpitaux a fait grand bruit. À juste titre. Sous prétexte de « rentabilité », des coupes sont effectuées dans les services de santé. Avec de graves conséquences pour les patients et le personnel, qui vivent déjà des situations hallucinantes. Il est plus que temps de faire un choix clair : pour des soins accessibles et abordables.

L'annonce d'un projet concret de fermeture nocturne visant un hôpital flamand sur cinq a récemment suscité un vif émoi. En Belgique francophone également, 28 hôpitaux sont menacés de fermeture nocturne. L'annonce, parue notamment dans De Standaard et La Meuse, accompagnée d'une carte indiquant les fermetures potentielles, a provoqué une vague de panique parmi les patients et le personnel soignant. Le gouvernement et plusieurs directions d'hôpital n'ont pas tardé à réagir, qualifiant le plan de « prématuré », et la carte a été rapidement retirée. Les inquiétudes suscitées par cette évolution sont tout à fait justifiées. Il ne s'agit pas d'un fait isolé, mais d'un processus engagé de longue date que le gouvernement Arizona entend poursuivre scrupuleusement.
Des fermetures pour réduire les coûts, pas pour améliorer la qualité
Le regroupement de certains services et spécialisations permettrait de concentrer et donc d'améliorer la qualité des traitements complexes et d'éviter le gaspillage. Ce serait avantageux pour l'économie et la qualité, paraît-il. Et personne ne peut contester cela, n'est-ce pas ? La réalité peint cependant un tableau bien différent : celui d’une réduction du nombre de lits, des services et des hôpitaux. Rien de bon en définitive.
Le financement des hôpitaux est soumis à de fortes pressions en raison des coupes budgétaires opérées au cours des 20 dernières années. L'analyse financière annuelle de Belfius montre qu’en 2023, deux hôpitaux sur trois étaient déficitaires, contre un sur deux un an plus tôt.
Les hôpitaux cherchent à réaliser des économies depuis des années. La suppression de lits, de services ou d’hôpitaux fait partie des solutions connues.
Comme c'est souvent le cas dans un modèle libéral, on assiste également à des fusions et à des économies d'échelle. En regroupant les services, l'objectif est de réduire les coûts d'exploitation et les effectifs. Or, ces services sont essentiels pour fournir des soins de qualité à la population. Cet hiver, l'épidémie de grippe a déjà entraîné une surcharge des hôpitaux, l'épuisement du personnel et le renvoi de patients chez eux.
Ces dernières années, de nombreux services hospitaliers et même un certain nombre d'hôpitaux de petite taille ont fermé dans notre pays. À Anvers, l'hôpital Erasmus de Borgerhout a dû fermer ses portes. À Charleroi, six sites ont été réduits à deux campus en 2024. Dans des villes comme Renaix, Menin et Tielt, des maternités ont également été menacées de fermeture. Nous constatons cette évolution dans l'ensemble du pays.
Arizona : la poursuite d'un processus engagé depuis des années
L'introduction des réseaux hospitaliers, qui a commencé sous la coalition suédoise en 2014, a simplement été maintenue sous la Vivaldi. Le PS, qui prend aujourd'hui une position critique, s'est pourtant rangé derrière ce démantèlement progressif sous le gouvernement Vivaldi. La coalition Arizona ira encore plus loin dans ce sens.
D'une part, elle continuera à renforcer la logique d'austérité en réduisant systématiquement les dépenses de santé, contrairement aux soi-disant investissements dont se vantent Vooruit, le CD&V et Les Engagés. La restriction drastique de la norme de croissance qu'elle met en œuvre aggravera davantage les pénuries dans nos hôpitaux.
D'autre part, l'accord de coalition ne laisse pas de doute quant à la manière dont elle entend procéder : « Il est inefficace de maintenir des activités hospitalières identiques sur des sites distants de quelques kilomètres seulement, tant en termes de financement que de qualité des soins. » Il s’agit là d’un euphémisme pour décrire la poursuite du démantèlement des hôpitaux.
Des conséquences graves pour les patients...
En réalité, cette évolution menace plutôt qu'elle ne favorise la qualité et l'accessibilité de nos soins de santé. La fermeture d'hôpitaux ou de services hospitaliers pourrait compromettre l'accessibilité pour les patients. La facilité d'accès aux hôpitaux de proximité est très importante, en particulier pour les patients les plus vulnérables, tels que les personnes âgées ou les personnes ne possédant pas de voiture.
Avec la pénurie de lits, il y a également une pression énorme pour renvoyer les patients chez eux de plus en plus tôt. Tous les acteurs du secteur témoignent de l'augmentation des réadmissions.
Sam, un jeune patient, raconte : « Après une importante opération de l'abdomen, j'ai été renvoyé chez moi le vendredi, mais le lundi, la douleur était devenue insupportable. J'ai dû attendre dix heures au service des urgences avant qu'un lit ne soit disponible. Maintenant, je partage avec un autre patient une chambre qui n'est en fait prévue que pour une seule personne. »
Les patients en subissent également les conséquences sur le plan financier. Notamment en raison d’une augmentation des suppléments d'honoraires (le montant que les médecins facturent en plus du tarif convenu avec les mutuelles). Ce phénomène se reflète clairement dans les fusions et les économies d'échelle.
... et des conséquences graves pour le personnel
« Nous devons réduire les services, car nous ne trouvons pas de personnel » entend-on dire du côté des politiciens. Or, la réduction des services hospitaliers dans notre pays n'a fait qu'aggraver les conditions de travail du personnel soignant, qui est déplacé comme des pions sur un échiquier.
En outre, les fermetures nocturnes exposent les travailleurs au risque de perdre une partie importante de leur salaire, à savoir les primes d’équipe. Comme nous l'a dit Els, une infirmière de nuit de 48 ans : « Si je perds mes primes, rien ne m'empêchera de travailler dans l'industrie, je raccrocherai immédiatement ma blouse. »
Enfin, les fermetures entraînent également une augmentation de la charge de travail. La suppression de lits ou la fermeture d'un service ou d'un hôpital ne fait pas disparaître les patients qui y étaient soignés. Ceux-ci afflueront bientôt vers d'autres services ou hôpitaux, où l'intensité du travail augmentera considérablement. Ou vers des médecins généralistes, des infirmières à domicile ou des maisons de repos, qui feront de leur mieux pour les prendre en charge.
Prenons l'exemple de la maternité de l'AZ Lokeren, où 700 bébés naissaient chaque année. Ces bébés continuent de naître, mais dans des hôpitaux voisins. Le personnel est déjà débordé.
« Nous ne pouvons plus nous occuper des gens comme nous le devrions : nous devons choisir entre nourrir les patients ou soigner leurs plaies, choisir les patients que l'on peut laver ou non, et ce au quotidien. Ce sont des choix inhumains, pour nous et pour les patients. Je rentre souvent chez moi en larmes. Ces politiciens devraient enfiler une blouse blanche et venir voir comment les choses se passent. Ils ne savent pas ce qu'ils disent », confie Hannelore, infirmière dans un service de gériatrie.
Une alternative est possible
Les soins de santé – y compris les hôpitaux – devraient constituer un droit pour tous, et non un privilège pour les nantis. Pour y parvenir, nous devons nous pencher sur le financement et sur l'organisation de nos soins.
Nos soins et notre personnel ont besoin d'investissements importants. Le budget de la norme de croissance est nécessaire pour pouvoir prendre en charge le nombre croissant de patients. Sinon, nous resterons piégés dans un cercle vicieux, avec de moins en moins d'argent par patient.
De plus, un accord social sérieux sur les soins de santé s'impose. Si nous tenons réellement à ce que le personnel soignant continue à travailler dans nos hôpitaux, il est indispensable d'améliorer les salaires et les conditions de travail. C’était la revendication des 32 000 professionnels de la santé qui sont descendus dans la rue le 7 novembre.
Dans l'organisation de notre système de soins de santé, les hôpitaux de proximité constituent un maillon important. Ils fournissent des soins spécialisés de base, tels que les urgences, la gynécologie, la pédiatrie... Outre la prévention dans les quartiers et la présence d'un nombre suffisant de médecins généralistes, les hôpitaux de proximité sont essentiels pour que les patients reçoivent les soins appropriés le plus rapidement possible. Tous les soignants conviendront de l'importance de la collaboration dans le domaine des soins de santé. À cet égard, les hôpitaux de proximité représentent une opportunité plutôt qu'un coût.
La menace de fermeture nocturne qui pèse sur les petits hôpitaux est un signal dangereux. L’idée n’est pas de travailler plus efficacement, mais d'économiser de l'argent au détriment des patients et du personnel.
Les économies imposées ne sont pas un fait accompli. Réinvestir dans nos hôpitaux relève d'un choix politique. Il est plus que temps de faire un choix clair pour des soins accessibles et abordables.
Sources :
- Concreet plan op tafel om een op de vijf van de Vlaamse ziekenhuizen ’s nachts te sluiten | De Standaard
- Au secours ! Pourquoi nos hôpitaux ferment-ils ? | Médecine pour le Peuple
- https://www.rtbf.be/article/deux-tiers-des-hopitaux-generaux-en-belgique-sont-en-deficit-meme-si-l-activite-s-est-accrue-11460280